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BIRMANIE – POLITIQUE : Critiquer les élections de la junte, un risque pour les citoyens

Date de publication : 13/10/2025
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Insein Prison Birmanie

 

Une chronique du conflit birman par François Guilbert

 

Depuis le début du mois dernier, une nouvelle catégorie de citoyens birmans se trouve poursuivis en justice et mis derrière les barreaux : les opposants aux élections générales convoquées par la junte pour décembre et janvier.

 

Selon les informations rendues publiques par le Comité central de surveillance de la sécurité, une instance de la junte créée spécifiquement en vue des votations de la fin d’année, 64 personnes ont été récemment arrêtées pour avoir violé la loi dite de la « protection des élections générales démocratiques multipartites contre l’obstruction, la perturbation et la destruction » promulguée le 29 juillet 2025.

 

Elles n’étaient encore que trois au 2 septembre. Une dynamique haussière inquiétante à deux mois et quinze jours du premier tour de scrutin. Les individus incriminés ont pourtant tous manifesté pacifiquement leurs opinions. Qu’à cela ne tienne ! Un simple message critique sur les réseaux sociaux peut valoir aujourd’hui sept ans de détention. Telle est d’ailleurs la peine qui a été prononcée le 9 septembre contre le premier des condamnés. Une sanction symptomatique d’un régime voulant tuer dans l’œuf toute forme de contestation du scrutin. Les verdicts prononcés par les tribunaux vont ainsi bien au-delà de la peine plancher prévue par la loi.

 

Le Comité central de surveillance de la sécurité

 

Composé de quatorze membres placés sous la présidence du ministre de l’Intérieur, le général Thet Naing, la plateforme coordonne les actions de l’Etat pour « sécuriser » la consultation électorale. Articulée autour des chefs de la police et des représentants de la Commission électorale de l’Union (UEC), elle se décline de Nay Pyi Taw à tous les chefs-lieux de province, mais également des districts, des townships et de leurs subdivisions.

 

Le régime militaire a si peur de voir ses urnes rejetées qu’il multiplie depuis la mi-août les réunions de « supervision sécuritaire ». A dire vrai, elles ont même commencé avant que le calendrier électoral ne fût énoncé publiquement. Des réunions « préparatoires » se sont tenues officiellement, par exemple, les 14 juin et 13 juillet.

 

Cette réunionite mise en scène médiatiquement ne semble toutefois pas se montrer suffisamment efficace pour faire taire la réprobation populaire qui s’exprime en pays bamar, mais aussi dans tous les États ethniques. C’est d’ailleurs une des raisons qui a poussé les autorités pro-militaires à poursuivre pour actions « préjudiciables » aux élections les leaders du Conseil de la terre chin (Pa Thang) et de l’Union nationale karen (Padoh Kwe Htoo Win). Le 4 octobre, le commandement militaire a décidé d’aller plus loin encore dans sa recherche d’une politique coercitive.

 

Prendre plus au sérieux les « infractions électorales »

 

Si la police ne parvient pas à arrêter les individus qui critiquent les élections via les réseaux sociaux, l’armée prendra des mesures contre les forces de sécurité intérieure. Manifestement, dans les hautes sphères de la Tatmadaw, on continue à voir dans la police un partenaire frileux dans la lutte contre les oppositions. Une défiance perceptible de manière constante depuis les premières heures du coup d’État en février 2021. Pour autant, les policiers n’en multiplient pas moins les opérations coups de poing, les tortures et les exactions.

 

La Commission de la sécurité et de la paix de l’État (SSPC) se montre incapable d’apaiser les tensions politiques et sociales qu’a fait naître son projet électoral. Ses offensives combattantes contre les insurgés rencontrent quelques succès en pays karen, karenni et shan, mais les modes d’actions guerrières ne sont pas ou peu adaptées à une contestation pouvant toujours se montrer pacifique, notamment dans les plus grandes villes du pays.

 

La peur s’est instillée en profondeur dans la société, sans toutefois annihiler toute expression protestataire. Avant le passage aux urnes, les mécontents peuvent être tentés de multiplier les gestes individuels de désaccord, y compris dans les espaces publics, quand cela est possible sans trop de dangers (ex. tractage de pamphlets anti-électoraux, affichage d’autocollants dénonciateurs, messages sur Facebook et Instagram…).

 

Des actions de ce type ont d’ores et déjà eu lieu, notamment à Rangoun et Mandalay. Si elles devaient s’avérer plus collectives, alors la communauté (inter)nationale pourrait mesurer, à sa plus juste valeur, l’ampleur du discrédit de la SSPC, de son chef et des projets électoraux qu’ils portent. Afin qu’un tel scénario ne se matérialise pas tôt ou tard, la junte veut frapper ses adversaires le plus fort et préemptivement possible. Il lui faut agir d’autant plus vite que le gouvernement d’unité nationale (NUG) et plusieurs organisations de la société civile sont entrés dans des stratégies d’impression de leurs argumentaires anti-électoraux (cf. NUG : Bulletins de vote frauduleux, réseaux silencieux, 8 octobre, 4 pages) et de diffusion électronique massive de leurs messages. Leur palette langagière s’étend de l’analyse factuelle et juridique pas à pas du processus jusqu’aux propos les plus engagés dénonçant le fascisme de la junte.

 

Certains slogans ne manquent cependant pas d’humour, notamment quand ils sont liés aux bévues d’un régime qui se doit de prolonger sa période de révision des listes électorales, tant les erreurs sont nombreuses, et si patentes qu’elles sont dénoncées jusque dans les rangs de la formation politique relais historique de l’armée.

 

François Guilbert

 

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