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ASIE – EUROPE: L’ASEM, la diplomatie multilatérale en action

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 13/11/2020
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Professeur invité à l’université de l’Assomption à Bangkok, ancien Ambassadeur de Roumanie en Thaïlande, Ioan Voicu livre régulièrement des analyses diplomatiques pour Gavroche. Dans son viseur cette fois: le forum Asie Europe connu par son acronyme ASEM. Un mécanisme selon lui toujours très utile comme outil diplomatique multilatéral.

 

Une analyse de Ioan Voicu.

 

Le dialogue Europe-Asie, qui est officiellement connu comme « ASEM » (Asia Europe Meeting), est le résultat diplomatique d’une importante initiative commune de la France, de l’Allemagne et de Singapour.

 

L’objectif fondamental de l’ASEM est de développer les relations entre l’Europe et l’Asie au sens large. L’ASEM a débuté à Bangkok avec 25 membres en 1996, et compte à présent 53 partenaires : 30 pays européens, 21 pays asiatiques et deux organisations internationales (l’Union européenne et l’ASEAN).

 

Par sa nature, l’ASEM est un forum intergouvernemental de dialogue informel dans lequel peuvent avoir lieu des échanges de vues sur tous les sujets d’intérêt commun aux pays membres.

 

L’activité de l’ASEM s’articule autour de trois « piliers » : politique, économique et financier, socio-culturel. Ce dernier pilier recouvre les problématiques relatives à l’éducation, à la santé, à l’emploi, l’environnement, les sciences et technologies, la culture, ainsi que les relations entre les sociétés civiles.

 

Ce forum de dialogue n’est pas doté de statuts officiels. L’ASEM ne possède ni structure administrative propre ni budget de fonctionnement. La vie diplomatique de l’ASEM se se nourrit des sommets et des réunions ministérielles, organisés alternativement en Europe et en Asie.

 

Redynamisation de l’ASEM

 

En tant que forum du multilatéralisme, l’ASEM devrait devenir une véritable force motrice pour l’avenir, en consolidant son rôle de facilitateur dynamique dans des domaines clés de coopération interrégionale.

 

L’Europe et l’Asie ont un rôle important à jouer dans le renforcement des institutions de gouvernance mondiale, y compris par l’ASEM. Leur coresponsabilité dans la gestion des crises mondiales doit être clairement reconnue. L’ASEM pourrait apporter une contribution importante au processus de transformation du nouvel équilibre multipolaire des pouvoirs en un multilatéralisme efficace et fructueux.

 

L’ancien président finlandais Martti Ahtisaari, qui a reçu le prix Nobel de la paix, a déclaré: «À l’heure actuelle, la coopération Asie-Europe n’est plus un luxe mais une nécessité. Une coopération élargie entre les deux continents est vitale pour contribuer à la paix et à la sécurité mondiales. La coopération est essentiellement ancrée dans un dialogue constructif. L’ASEM occupe une position unique pour faciliter un tel dialogue entre l’Europe et l’Asie ».

 

Ce dialogue est il suffisant ?

 

Mais ce dialogue est-il suffisant? On parle souvent d’ une danse diplomatique désordonnée, on se réfère aussi à une opinion selon laquelle les nations asiatiques sont «traditionnellement plus habituées au bilatéralisme, pas au multilatéralisme, et préfèrent assister à l’ASEM avec leurs propres positions respectives». Cet avis n’est pas conforme à la réalité.

 

L’Union Européenne et l’ASEAN partagent des visions mondiales similaires et soutiennent la coopération multilatérale pour résoudre des problèmes transfrontaliers communs. Pour concrétiser cette position, les deux organisations régionales devraient démontrer leur maturité diplomatique en déployant des efforts vigoureux pour revitaliser l’ASEM.

 

Les 53 partenaires actuels de l’ASEM, dans une déclaration ministérielle du 7 septembre 2020 – quasiment ignorée par les grands médias – ont réaffirmé leur engagement à maintenir l’élan de l’ASEM pour renforcer le multilatéralisme et se mobiliser solidairement dans la lutte contre COVID-19. Ils ont exprimé l’espoir que l’ASEM sortirait de ce défi mondial sans précédent plus fort et plus résilient. L’ASEAN et l’UE auront un rôle responsable dans la mise en œuvre de cette légitime attente dans ce processus complexe et multidimensionnel.

 

Un engagement important

 

Un engagement important de la déclaration du 7 septembre 2020 dit: “Nous soutenons l’appel des Nations Unies pour une responsabilité partagée, une solidarité mondiale et une coopération multilatérale renforcée en réponse aux impacts multidimensionnels du COVID-19, et soutenons en particulier l’importance de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)”.

 

Ce n’est pas nouveau. Le Sommet de l’ASEM I à Bangkok, les 1er et 2 mars 1996, a souligné, entre autres, dans sa déclaration finale, la nécessité d’améliorer la coopération entre les deux régions dans le secteur de la santé publique. Au cours du même Sommet, l’ASEM I a également convenu de coopérer pour promouvoir une réforme efficace et une plus grande démocratisation du système des Nations Unies, y compris dans les questions concernant l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), en vue de renforcer son rôle prééminent dans le maintien et la promotion de la paix et de la sécurité internationales et le développement durable. A cet égard, la réunion a convenu de l’ouverture d’un dialogue entre les représentants des nations participantes de l’ASEM à New York pour examiner la question vitale de la réforme de l’ONU.

 

Une liste d’attente

 

Ces engagements sont toujours sur la liste d’attente. L’ASEM 13 qui sera accueilli par le Cambodge en 2021 aura la difficile tâche de faire progresser des mesures orientées vers l’action pour donner tangibilité à tous les engagements collectifs concernant la santé mondiale, ainsi qu’aux recommandations de l’AGNU sur la lutte contre le COVID-19.

 

Les pays de l’ASEM devraient accorder plus d’attention à la mise en œuvre des résolutions de l’AGNU sur le COVID-19 adoptées en 2020.Nous avons à l’esprit les résolutions suivantes dont les titres sont explicites: résolution 74/270 du 2 avril 2020, «Solidarité mondiale pour lutter contre la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) », 74/274 du 20 avril 2020, intitulée« Coopération internationale pour assurer l’accès mondial aux médicaments, vaccins et équipements médicaux pour faire face au COVID-19 », 74/306 du 11 septembre 2020, intitulée «Réponse globale et coordonnée à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19)», et 74/307 du 11 septembre 2020, intitulée «Réponse unie contre les menaces sanitaires mondiales: combattre le COVID-19».

 

À l’heure actuelle, un défi urgent supplémentaire est de rendre l’ASEM plus visible et plus efficace

 

Ce forum doit éviter de devenir un club long sur le discours et court sur le fond. À cette fin, l’expérience européenne et l’adaptabilité asiatique pourraient être mieux combinées.

 

Le partenariat de l’ASEM devrait être redynamisé pour devenir plus proactif et moins réactif dans l’approche des problèmes régionaux et mondiaux, notamment la prévention et la lutte contre les pandémies. À cet égard, la présidence de l’UE et la présidence de l’ASEAN jouent un rôle très important dans la promotion de la crédibilité de l’ASEM par une action persuasive.Un véritable partenariat interrégional nécessite des efforts diplomatiques innovants pour développer des relations équilibrées fondées sur la réciprocité.

 

Un nouvel événement diplomatique

 

La 75e session en cours de AGNU devrait aborder toutes les questions pertinentes concernant le nouveau contexte mondial généré en 2020 par la pandémie COVID-19. Entre temps, un nouvel événement diplomatique et institutionnel significatif a eu lieu qui a ouvert une question cardinale: et ensuite?

 

Le 29 octobre 2020, au titre du point 128 de l’ordre du jour de l’AGNU, Renforcement du système des Nations Unies, un projet de résolution présenté par le Président de l’AGNU (Volkan Bozkir) intitulé Session extraordinaire de l’Assemblée générale en réponse à la pandémie de coronavirus (COVID-19) a été diffusé dans le monde entier.

 

Après des consultations diplomatiques informelles et un bref débat de procédure, le projet a été adopté le 5 novembre 2020.Tous les pays membres de l’ASEM ont vote en faveur de cette résolution.

 

La résolution comprend un court préambule et 10 paragraphes opératoires.

 

Comme le préambule contient un certain nombre d’idées consensuelles sur le COVID-19, il mérite d’être résumé dans ces pages, comme un instrument significatif de la diplomatie multilatérale.

 

Tout d’abord, l’AGNU a noté «avec préoccupation la menace pour la santé, la sécurité et le bien-être humains causée par la pandémie de coronavirus (COVID-19), qui s’est répandue dans le monde entier, ainsi que les effets multiformes de la pandémie, y compris la grave perturbation des sociétés, des économies, du commerce et des voyages mondiaux et les effets dévastateurs sur les moyens de subsistance des populations ».

 

L’AGNU a également reconnu que «la pandémie mondiale du COVID-19 nécessite une réponse mondiale centrée sur les personnes, sensible au genre, dans le plein respect des droits de l’homme, multidimensionnelle, coordonnée, inclusive et innovante, fondée sur l’unité, la solidarité et la coopération multilatérale» .

 

Dans le même préambule, l’AGNU a réaffirmé l’engagement de 193 États membres en faveur de la coopération internationale et du multilatéralisme et a noté le rôle fondamental du système des Nations Unies dans la réponse globale à la pandémie du COVID-19, y compris le rôle crucial joué par l’ OMS et les efforts cruciaux des États membres ».

 

Enfin, le préambule contient un élément d’information important. Une majorité d’États membres de l’ONU ont déjà approuvé la demande, présentée au nom des États membres du Mouvement des pays non alignés, de convoquer une session extraordinaire de l’AGNU en réponse à la pandémie du COVID-19, au niveau des chefs d’État et de gouvernement.

 

L’ensemble du dispositif de la résolution est consacré aux aspects organisationnels de la session extraordinaire proposée, qui se tiendra pendant deux jours, les 3 et 4 décembre 2020 au siège des Nations Unies à New York.

 

Un tournant prometteur

 

On peut s’attendre à ce que, à la session extraordinaire de l’AGNU, les membres de l’ASEM vont contribuer à trouver des solutions réalistes au niveau planétaire dans le processus de lutte contre le COVID-19 pour le bénéfice de toute l’humanité.

 

Par conséquent, cet événement diplomatique peut être considéré comme un tournant prometteur et éprouvant dans le calendrier des efforts mondiaux pour gagner la guerre contre la pandémie de COVID-19. Son résultat positif, démontrant la maturité diplomatique de l’organisation mondiale et de ses membres, pourrait s’avérer une condition préalable importante pour parvenir à de véritables progrès dans la combat contre COVID-19.

 

L’ASEM 13 de 2021 doit apporter une satisfaction diplomatique à ses 53 participants en proposant des solutions gagnant-gagnant acceptables pour tous. Ce n’est pas une tâche facile.

 

Le Sommet de l’ASEM de 2021 accueilli par le Cambodge a aussi pour mission de contribuer à trouver une identité organisationnelle plus claire pour l’ASEM. La promotion d’une coopération multilatérale mutuellement avantageuse entre les nations asiatiques et européennes, avec une plus grande intensité, est une condition préalable impérative à une diplomatie réussie, en harmonie avec la noble vision de l’ASEM.

 

La complaisance est l’ennemi d’une diplomatie interrégionale fructueuse, qui nécessite de la créativité et une réflexion stratégique authentique pour faire face à la myriade de défis mondiaux actuels, y compris dans le contexte présent où la guerre contre la pandémie de COVID-19 doit être gagnée.

 

Le Dr Ioan Voicu est professeur invité à l’Université de l’Assomption à Bangkok.

 

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