Home Accueil ASIE – FRANCE : « Le Temps des combats » de Nicolas Sarkozy, troisième épisode de notre lecture

ASIE – FRANCE : « Le Temps des combats » de Nicolas Sarkozy, troisième épisode de notre lecture

Date de publication : 08/09/2023
1

Nicolas Sarkozy le temps des combats

 

Notre ami et chroniqueur Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal, s’est plongé dans le dernier livre de mémoires de Nicolas Sarkozy. Ils nous livre sa lecture en quatre parties.

 

Troisième partie : Entre Russie et États-Unis

 

Cependant, août 2011 « commença par un mouvement de panique des places boursières.(…) À ce moment précis, je me trouvais être tout à la fois président du G8 et du G20. » Face aux réticences allemandes, « le sommet fut long, âpre et, pour finir, fructueux, puisque nous pûmes tenir une conférence de presse commune durant laquelle nous présentâmes les propositions que nous ferions ensemble aux autres membres de la zone euro.(…) Notre texte fut adopté sans difficulté supplémentaire. Chacun était soulagé par notre accord commun. Il n’y eut pas même un agacement. L’axe franco-allemand avait fonctionné au mieux. »

 

Vision de l’Europe aussi et de ses relations avec l’Allemagne,  l’alliance atlantique et la Russie.

 

NB  On a beaucoup critiqué en France ce qu’il écrit à propos de cette dernière. Qu’on en juge : « Nous affirmions avec la chancelière (Merkel) que « le recours à la force militaire, ainsi que la reconnaissance unilatérale de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie étaient contraires au droit international et créaient un problème de confiance avec la Russie. Tout ceci était vrai et n’a pas changé quatorze années plus tard. Il n’en reste pas moins que la Russie est une grande puissance militaire, à la culture européenne et qui se trouve être la voisine géographique de l’Europe. Elle a les matières premières et l’espace qui nous manquent. Nous avons les technologies, la surface financière et les marchés qu’elle n’a pas. Pouvons-nous l’un et l’autre nous permettre de nous faire la guerre ? Je ne le pense pas, car nous serions alors, et avec certitude, les deux perdants au profit des deux habituels gagnants des grandes affaires du monde : les États-Unis et la Chine. Déjà à cette période, je ne croyais pas que nous fussions revenus à l’époque de la guerre froide, et ce en dépit de la détestable intervention russe en Géorgie. L’URSS n’existait plus (…) Il y a à peine plus d’un siècle, on parlait français à la cour du tsar. Peu de pays comme les nôtres étaient à ce point attachés à leur culture, à leurs racines, à leurs traditions. C’était la part européenne de notre grand voisin russe. Mais l’on oublie trop souvent l’importance de l’influence asiatique de la Nation la plus vaste du monde, qui a conservé plus de quatre mille kilomètres de frontières communes avec la Chine. Le lac Baïkal ne se trouve qu’à deux heures d’avion de Pékin et, à l’inverse, à six heures de vol de Moscou. Là peut-être se trouvait l’origine de la violence latente de l’âme russe, de la brutalité de ses pratiques politiques et de la quasi-absence durant toute son histoire de parenthèse démocratique. »

 

« C’est cette même conviction de la nécessité du partenariat avec les États-Unis qui m’avait décidé à faire revenir la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN. Quitte à en être membre, autant l’être complètement.(…) Avec les États-Unis, il faut être fort et indépendant.(…) Il n’est naturellement pas question d’accepter la politique du fait accompli mise en œuvre par Vladimir Poutine au moyen d’une utilisation « décomplexée » et brutale de ses forces militaires. Cette stratégie est contraire à toutes les lois internationales. Notre condamnation doit être forte et dénuée d’ambiguïté. (Mais) nous devons trouver les voies et les moyens de rétablir des relations de voisinage au moins apaisées, à défaut d’être cordiales.(…) L’Ukraine de son côté devrait s’engager à rester neutre,(…). Être neutre n’est pas un statut infamant. La Suisse l’est toujours. (…) La problématique de nos relations avec la Russie a occupé nos chefs d’État pendant plusieurs siècles. Elle a été au cœur des principales préoccupations diplomatiques de tous les présidents de la V République. Voici une nouvelle illustration du fait que les présidents passent et que les problèmes demeurent. »

 

Sur l’OTAN, ou plutôt son commandement militaire intégré : « En fait, la France avait fini par s’exclure elle-même. C’était devenu plus qu’une habitude, une simple posture. Le moment était donc arrivé de mettre fin à cette situation. Les absents ont toujours tort. Je préférais une France qui codirige plutôt qu’une France qui subisse. »

 

NB : Ce que n’écrit pas M.Sarkozy, c’est qu’il a fallu envoyer 750 officiers français à Bruxelles pour « co-diriger ».

 

L’Allemagne, c’est-à-dire Mme Merkel, est omniprésente, c’est elle qu’il faut convaincre, par exemple de venir en aide à la Grèce en pleine crise financière : « Ce fut une période de tensions entre Angela et moi, mais sans doute fallait-il en passer par là pour tester la solidité de notre alliance. Nous nous mîmes finalement d’accord sur une aide sans précédent de l’Union européenne et du FMI, d’un montant de cent dix milliards d’euros, pour la Grèce surendettée. En échange, les pays européens exigeaient de cette dernière de douloureux sacrifices. »

 

Car elle est frappée d’immobilisme dont lui seul peut la tirer : « Tout bougeait dans le monde et sur notre continent, mais rien ne devait changer. C’était intenable.(…) Peut-être aurais-je dû aller à la crise institutionnelle pour provoquer une réaction salutaire ? »

 

Nicolas Sarkozy évoque aussi les relations bilatérales.

 

Pays par pays, dominent les plus proches : Égypte, territoires palestiniens, Israël, Syrie, Liban, Algérie, Maroc, Turquie, pays touchés par les « printemps arabes », Libye, Abou Dabi, mais aussi Afrique sahélienne, Europe et Amérique, dans certains cas Amérique latine mais le plus souvent États-Unis. Et peu d’Asie : Afghanistan.

 

Il ne s’éloigne de la France que pour mieux jauger son influence : « J’avais besoin de voir la France de plus loin pour la connaître de plus près. (…). J’imaginais des stratégies pour développer ce qui était mon obsession : l’influence de la France. »

 

Ses considérations sur les diverses questions qui se posent dans ces pays sont rarement originales : « Une fois encore, la situation s’était fortement détériorée entre Israël et le Hamas. Comme à l’accoutumée, les responsabilités étaient partagées (…). Ma conviction d’aujourd’hui, c’est qu’en vérité rien ne sera possible sans volonté des Israéliens et de l’Autorité palestinienne ».

 

Autres pays du Proche-Orient : « Le drame de l’Orient est que son identité est multiple, alors que son présent n’est encombré que de pulsions visant à exclure le voisin « différent » du champ national. ». C’est aussi l’occasion de réfléchir sur toutes les zones où des Français, au service des Nations Unis, de l’UE ou pour leur besoin propre sont engagés, ainsi la FINUL au Proche-Orient : « Cela fait pas moins de quarante-cinq années que le contingent français se trouve à remplir cette fonction. C’est long ! Trop long ! Beaucoup trop long ! D’une part, parce que cela conduit petit à petit l’armée française à être regardée comme une force d’occupation. « Ainsi, autant j’ai approuvé l’envoi de la force Barkhane au Sahel pour affronter les djihadistes, autant j’ai contesté sa pérennisation (…) Dans le meilleur des cas, nous demeurerons impuissants, dans le pire, nous serons pris pour cible. C’est si facile pour des pouvoirs sans la moindre légitimité qui ont besoin de désigner un ennemi afin de tenter de faire oublier leurs propres incuries ». Ce livre a été écrit avant que les putschistes prennent la France pour cible au Niger…

 

L’armée française, comme il est normal pour un Président français, est au centre des ses préoccupations et cela est vrai aussi en matière d’aéronavale. « Nous (avec David Cameron) avions même été plus loin en prévoyant d’installer des avions français sur un porte-avions britannique, et bien sûr d’assurer la réciproque sur nos propres navires. Cela n’avait pas été si simple, car les chasseurs anglais décollaient et atterrissaient verticalement, quand les avions français utilisaient des catapultes et des câbles de freinage ! » Mais le Brexit a creusé un fossé :  « Nous n’avons pas fini de payer le prix de cet immense gâchis. »

 

Turquie, sujet d’un différend persistant avec les États-Unis : «  Le premier (désaccord avec Obama) survint dès le début du premier tête-à-tête organisé à Strasbourg. Barack Obama voulait à toute force faire plaisir au Premier ministre turc Erdoğan. Or, celui-ci avait affiché comme priorité sa volonté de faire adhérer son pays à l’Union européenne. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer dans Le Temps des Tempêtes, je ne voulais pas en entendre parler. »

 

Abou Dabi : « J’allais donc inaugurer la première base militaire française dans le golfe Persique. La première créée par la France depuis 1945. (…) L’inauguration de cette base militaire représentait à mes yeux un réel tournant diplomatique, stratégique et politique. Enfin, il y avait une cohérence à agir ainsi, au moment où la France faisait son retour dans le commandement intégré de l’Otan. À Abou Dabi, nos militaires pourraient avoir des contacts constants avec leurs homologues américains et britanniques présents dans la région. Nous étions donc maintenant au cœur de la collecte de renseignements très utiles pour notre sécurité intérieure comme extérieure ».

 

Se retrouver face à l’Iran « moyenâgeux » n’est pas pour lui déplaire mais on ne trouve pas d’analyse du rôle géopolitique de ce pays.

 

L’autre conséquence était l’organisation d’un certain désengagement militaire en Afrique. « Le maintien de nos forces au Mali était une double erreur. D’abord sur le plan militaire. Comment prétendre contrôler un territoire grand comme trois fois la France avec quatre mille hommes ? C’était voué à l’échec. ». Le sujet est fréquemment rapproché de l’immigration « La pression migratoire va donc être décuplée. Que pèseront les cinq cents millions d’Européens face aux deux milliards et demi d’Africains dont la moitié auront moins de 20 ans ? »

 

En Côte d’Ivoire, situation délicate puisque le Président élu, Ouattara, était violemment contesté. « J’avais, à maintes reprises, affirmé qu’il fallait en finir avec la Françafrique. Je devais donc éviter que la France ne se trouve en première ligne, d’autant plus que nous disposions d’un millier de soldats cantonnés de longue date dans une base militaire à Abidjan. Mais tout cela relevait de la théorie, car la pratique allait m’obliger à agir bien différemment. » c’est-à-dire à intervenir en faveur du vainqueur de l’élection.

 

Tunisie et printemps arabes. « Je réagis avec retard à ce qu’il est désormais convenu d’appeler les printemps arabes. (…) Je terminai cette séquence en « débarquant » notre ambassadeur à Tunis. C’était sans doute un bouc émissaire. (NB : nommé par le Président Chirac…).

 

Égypte : « J’avais réagi avec retard sur la Tunisie. Je ne voulais pas reproduire la même erreur avec l’Égypte. (…)

 

Libye : Nous n’en avions pas fini avec les printemps arabes, puisque la Libye avait rejoint la désormais longue liste des pays en situation de révolte et de chaos. (NB : les avions de chasse français et britanniques interviennent) « L’intervention de la coalition permit d’éviter que Kadhafi ne massacre son peuple et sauva des milliers de civils innocents. (…) Nous n’avions vocation à rester que tant que la population était sous la menace des tanks et des avions. Ce ne fut qu’à la veille de mon départ que la presse éventa la nouvelle que j’allais me rendre à Tripoli, puis à Benghazi. J’avais promis au Premier ministre britannique, David Cameron, de ne pas me rendre sur place sans lui. Il y tenait beaucoup, ce qui n’était que justice, car nous avions été à la manœuvre ensemble de bout en bout. C’était un moment réellement historique. »

 

Un peu plus loin,  « l’information la plus importante de cette fin d’octobre fut celle de la mort de Kadhafi. Ce furent des avions français qui entreprirent la mission. Les tirs aériens immobilisèrent le convoi sans le détruire. Un drone américain présent sur place avait également tiré un missile contre cette colonne. Ce fut à ce moment que les rebelles anti-Kadhafi le prirent à leur tour en chasse au sol. Il semblait que le dictateur se réfugiât alors avec ses gardes du corps dans un tunnel d’égouts. Il y fut retrouvé, cerné et, enfin, capturé. »

 

Mais après 2012, « la France disparut du paysage libyen ».

 

Prochain épisode: L’Asie lointaine

 

Retrouvez ici le premier partie.

 

Retrouvez ici le deuxième épisode.

 

Yves Carmona

 

Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.

1 COMMENTAIRE

  1. Ce n’est pas très gentil de se substituer à l’auteur et ainsi de dissuader de l’achat d’un livre… Le but serait-il de priver l’auteur des royalties attachés à la et surtout, pour nous, de la joie de lire ? Sur l’Ukraine, elle devra, pour l’auteur inspiré et avisé, rester à l’avenir neutre et d’invoquer la suisse… depuis quand la suisse est occupée ? Après avoir condamné, du bout des lèvres au terme d’une concession de bon aloi, l’utilisation décomplexée de la force pour occuper un pays (c’était bien l’objectif initial ou du moins d’y installer un gouvernement fantoche), cet ancien président préconise l’organisation d’un référendum dans des régions par définition occupées… Il est légitime de se poser la question du montant de la rémunération que ce personnage reçoit du kremlin pour ces propos… Que l’issue soit une annexion pure et simple de 17 % du territoire ukrainien, et c’est une issue possible, un référendum ne pourra jamais la justifier au regard des principes du droit international du moins. Et de conseiller que la “nouvelle Ukraine” ainsi amputée adpote un statut de neutralité dont la garantie serait… L’agresseur ? Une suisse bis dit-il !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les plus lus