
Une chronique géopolitique de Ioan Voicu, ancien ambassadeur de Roumanie en Thaïlande.
Les médias rapportent qu’en octobre 2025, les caractéristiques négatives les plus évidentes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), basée à Genève (Suisse), sont sa paralysie institutionnelle persistante et son déclin de crédibilité. L’Organe d’appel demeure dysfonctionnel, paralysant de fait le système de règlement des différends, tandis que les principaux membres contournent de plus en plus les règles multilatérales par des mesures commerciales unilatérales ou régionales.
L’incapacité de l’OMC à réaliser des progrès significatifs en matière de réforme, de commerce numérique et de subventions met en évidence l’érosion de sa pertinence dans une économie mondiale fragmentée, dominée par des rivalités géopolitiques et des tendances protectionnistes.
La meilleure analyse générale de l’interprétation authentique des traités en français se trouve dans le volume Droit international public, tome I, Introduction et Sources, par Charles Rousseau, Professeur à l’Université de Paris, Membre de l’Institut de Droit International. Paris, Éditions Sirey, 1970.
Selon la sage opinion de Charles Rousseau qui mérite d’être rappelée pour toujours, « L’interprétation gouvernementale internationale implique l’accord formel de toutes les Parties contractantes d’un traité au sujet de l’interprétation de ce traité, ce qui explique que la doctrine l’ait généralement qualifiée d’interprétation authentique…..l’interprétation dite authentique est celle qui émane de l’auteur ou des auteurs de l’acte à interpréter. Son origine est ancienne, ainsi qu’en témoigne l’adage ejus est interpretari cujus est condere formulé pour la première fois par Justinien et ultérieurement précisé par Ubaldi et Suarez. Sans doute le terme d’« interprétation authentique » prête-t-il à équivoque dans la mesure où il implique l’idée qu’une telle interprétation, normalement donnée en droit interne par le législateur, fait foi et est ainsi revêtue d’une autorité générale et obligatoire. Mais en droit international cette appellation n’est guère contestée ; les vocables d’interprétation « pratique », « usuelle » ou « contemporaine » ne sont que des substituts qui n’ont pas réussi à s’imposer et la Cour permanente de justice internationale elle-même a consacré le procédé en déclaré que « le droit d’interpréter authentiquement une règle juridique appartient à celui-là seul qui a le pouvoir de la modifier ou de la supprimer » (p.242)
Afin de donner la pertinence asiatique nécessaire et bien méritée à nos réflexions sur l’interprétation authentique des traités, nous nous référerons à une importante monographie publiée par un éminent professeur thaïlandais. Nous pensons au livre intitulé Authentic Interpretation of Treaties in Contemporary International Law, thèse soumise à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, conformément aux exigences de Doctorat en droit international, de Phattharaphong Saengkrai, publié sous forme de livre à Genève en 2023.
Conformément à une conclusion essentielle de cette importante recherche de Phattharaphong Saengkrai, actuellement professeur à la Faculté de droit de l’Université Thammasat de Bangkok, « Tout au long du XXe siècle, les juristes internationaux ont soutenu qu’une interprétation authentique est contraignante et revêt une valeur interprétative décisive, bien qu’ils aient employé des formulations différentes pour exprimer cette notion… cette conception traditionnelle n’a pas été modifiée par la codification des règles d’interprétation des traités par la Convention de Vienne sur le droit des traités, comme en témoignent les écrits contemporains.» (p. 266)
En effet, sans faire spécifiquement référence à l’interprétation authentique, cette Convention, adoptée en 1969, dispose en substance, entre autres, à son article 31 que « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but… Il est tenu compte, ainsi que du contexte, de tout accord ultérieur entre les parties concernant l’interprétation du traité ou l’application de ses dispositions. »
Les dispositions juridiques susmentionnées de la Convention de Vienne sur le droit des traités, entrée en vigueur le 27 janvier 1980, ainsi que les doctrines formulées par les professeurs français et thaïlandais, sont pleinement pertinentes pour l’interprétation de l’Acte constitutif de l’OMC, de ses décisions et pratiques.
En fait, c’est précisément ce que les fondateurs de l’OMC avaient à l’esprit lorsqu’ils ont stipulé expressément dans l’Acte constitutif lui-même, à l’article IX, intitulé « Prise de décision », que « la Conférence ministérielle et le Conseil général ont compétence exclusive pour adopter des interprétations du présent accord et des accords commerciaux multilatéraux. En cas d’interprétation d’un accord commercial multilatéral, ils exercent leur autorité sur la base d’une recommandation du Conseil chargé de superviser le fonctionnement de cet accord. La décision d’adopter une interprétation est prise à la majorité des trois quarts des Membres. »
Perspectives
En octobre 2025, la Directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, a salué la résilience du commerce mondial grâce au système multilatéral, à la croissance des biens liés à l’IA et au dynamisme des échanges Sud-Sud, tout en avertissant d’un ralentissement de la croissance commerciale en 2026. Elle a également exhorté les États-Unis et la Chine à apaiser les tensions commerciales, mettant en garde contre une baisse potentielle de 7 % de la production économique mondiale due à un découplage. Elle a rappelé leur succès antérieur, qui a permis d’éviter des conséquences plus graves suite à leur première escalade tarifaire cette année.
La Directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, a également réitéré la nécessité d’une réforme fondamentale de l’organisation, tout en soulignant la valeur des outils existants, qu’il convient de préserver.
Indépendamment des événements futurs en 2025, un important travail préparatoire sera nécessaire, notamment des consultations et des négociations avec la participation des 166 membres de l’OMC en vue de la 14e Conférence ministérielle, qui se tiendra à Yaoundé, au Cameroun, du 26 au 29 mars 2026. Il s’agira de l’instance décisionnelle suprême de l’OMC, réunissant les ministres du Commerce et d’autres hauts fonctionnaires des pays membres. Il s’agira en pratique d’un événement diplomatique multilatéral prestigieux axé sur des questions clés, notamment le commerce électronique, l’assistance technique et les règles du commerce électronique.
Si des résultats positifs sont attendus de cette Conférence, cela dépendra entièrement de la volonté politique des 166 États membres de l’OMC,agissant de bonne foi, véritables détenteurs du pouvoir décisionnel de cette institution multilatérale.
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