Une chronique géopolitique de Ioan Voicu, ancien ambassadeur de Roumanie en Thaïlande
Il est regrettable que les médias grand public n’aient pas accordé d’attention à l’adoption d’un document programmatique censé inspirer les débats diplomatiques lors de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui se tiendra de septembre à décembre 2025.
Le titre long et descriptif du document ne doit pas nuire à l’attention qu’il mérite de la part de tous les diplomates. Le titre officiel du document sur lequel nous allons nous concentrer dans cette chronique est « Déclaration ministérielle du segment de haut niveau de la session 2025 du Conseil économique et social et du Forum politique de haut niveau 2025 pour le développement durable, organisés sous les auspices du Conseil sur le thème « Promouvoir des solutions durables, inclusives, fondées sur la science et les données probantes pour le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses Objectifs de développement durable afin de ne laisser personne de côté ». Ce document compte 21 pages et 130 paragraphes.
Cette chronique ne peut aborder tous les aspects importants développés dans ce document exhaustif, mais se concentrera sur les concepts de multilatéralisme, de solidarité et de confiance, essentiels à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Le monde est témoin d’une « crise du multilatéralisme », expression utilisée pour décrire la période actuelle de coopération internationale affaiblie et d’institutions mondiales sous tension, alimentée par la montée du nationalisme, du protectionnisme, des tensions géopolitiques et de l’érosion de la confiance entre les nations.
Les ministres présents à la session de l’ECOSOC de 2025 qui a négocié et adopté la Déclaration sous examen se sont réengagés à « accélérer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de ses Objectifs de développement durable, » soulignant l’urgence de prendre des mesures audacieuses, ambitieuses, accélérées, justes et transformatrices au cours des cinq années restantes. Ils ont réaffirmé que « la coopération internationale, le multilatéralisme et la solidarité internationale à tous les niveaux constituent le meilleur moyen de relever les défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés ». Ils ont souligné la nécessité de poursuivre sur la lancée politique du Sommet sur les Objectifs de développement durable, du Sommet de l’avenir et de la Conférence des Nations Unies de 2025 pour soutenir la mise en œuvre des Objectifs de développement durable.
Il convient de rappeler que l’ECOSOC est un organe principal des Nations Unies composé de 54 membres, dont l’Asie est représentée par le Bangladesh, la Chine, l’Inde, le Japon, le Laos, le Népal, le Pakistan, le Qatar, la République de Corée, l’Arabie saoudite, le Sri Lanka et l’Ouzbékistan. Le document que nous analysons dans ces pages est un travail collectif de 54 délégations, dont celles d’Asie.
Après les références au multilatéralisme et à la solidarité mentionnées ci-dessus, un autre paragraphe est consacré aux mêmes concepts. Dans ce texte, les ministres « soulignent que le processus de financement du développement est essentiel pour renforcer le cadre de financement du développement durable et les moyens de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et atteindre tous ses objectifs, en renforçant la solidarité internationale et une gouvernance économique mondiale plus inclusive, représentative, équitable et efficace, afin de rétablir la confiance dans les institutions mondiales et de soutenir le multilatéralisme. »
Dans un contexte plus spécifique et d’actualité la valeur de la solidarité est à nouveau évoquée. Les ministres reconnaissent que la réalisation des Objectifs de développement durable « exige une solidarité mondiale et des efforts collectifs. Nous nous engageons à renforcer la coopération internationale dans le secteur de la santé et à intensifier les efforts visant à instaurer une couverture sanitaire universelle, notamment en améliorant l’accès équitable à des services de santé essentiels de qualité et à des vaccins, diagnostics et traitements sûrs, efficaces, de qualité et abordables pour tous. Nous exhortons les pays à renforcer la coopération internationale afin de promouvoir un financement et des investissements adéquats et durables dans la santé afin de soutenir les efforts visant à renforcer les capacités des pays en développement, notamment par une aide publique au développement accrue, un soutien financier et technique et un soutien aux programmes de recherche, de développement et d’innovation. Nous réaffirmons notre engagement à mettre fin aux épidémies de sida, de tuberculose, de paludisme et de maladies tropicales négligées, ainsi qu’à lutter contre l’hépatite, les maladies d’origine hydrique et autres maladies transmissibles. »
Les ministres reconnaissent également « le rôle important de l’économie sociale et solidaire, notamment des coopératives et autres entreprises communautaires, dans la création d’emplois décents, le renforcement des économies locales et la promotion du développement durable, ainsi que la réalisation et la localisation des Objectifs de développement durable ».
La Déclaration ministérielle de l’ECOSOC est un document réaliste qui ne pouvait manquer de rappeler qu’un multilatéralisme efficace et une solidarité authentique ne peuvent se construire sans confiance. C’est pourquoi ce document évoque expressément la nécessité de rétablir la confiance dans les institutions mondiales et de soutenir le multilatéralisme.
En 2025, consciente des réalités actuelles, la même Déclaration a consacré un paragraphe distinct à l’intelligence artificielle. Ce texte contient l’engagement des ministres à « promouvoir un accès équitable et inclusif à l’intelligence artificielle et à son développement, et à assurer la mobilisation de financements adéquats pour aider les pays en développement à renforcer leurs capacités en la matière et à adopter des systèmes d’intelligence artificielle sûrs, sécurisés et fiables ; à cet égard, nous soutenons le développement d’un environnement favorable à tous les niveaux ».
Conclusion
Nous ne pouvons anticiper la place qu’occuperont les concepts de multilatéralisme, de solidarité et de confiance lors des délibérations de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il est toutefois nécessaire d’informer les lecteurs de leur pertinence évidente en citant l’un des documents diplomatiques les plus récents sur le sujet.
Nous rappelons que le 1er septembre 2025, António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, dans son discours à l’Organisation de coopération de Shanghai, une institution qu’il décrit lui-même comme « la plus grande organisation régionale du monde en termes de population et de géographie », a déclaré, entre autres, que « nous avons besoin d’un leadership fondé sur des principes pour renforcer le multilatéralisme… Nous avons besoin de garde-fous pour garantir la sécurité, l’inclusion et la confiance… Ensemble, donnons vie à la promesse de la Charte et œuvrons pour un avenir de paix, de dignité et de solidarité ».
Il reste à voir dans quelle mesure ces attentes se concrétiseront, au moins au niveau diplomatique.
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