Une chronique géopolitique de Ioan Voicu, ancien ambassadeur de Roumanie en Thaïlande
Observations préliminaires
Le décès de Sa Sainteté le Pape François marque la fin d’un chapitre profondément marquant de l’histoire actuelle.
Dans un monde caractérisé par des vulnérabilités, des perplexités et des discontinuités à l’échelle mondiale, nous avons été témoins d’une personnalité extraordinaire définie par une clarté morale inébranlable, une compassion pour les marginalisés et un appel incessant à la solidarité mondiale. Comme l’a si justement souligné le Secrétaire général des Nations Unies, le Pape François était « un messager d’espoir, d’humilité et d’humanité ». Par ses paroles et ses actes, le Pape a offert à la communauté internationale une vision morale convaincante qui reflétait et renforçait les idéaux fondateurs des Nations Unies.
Il est universellement reconnu que le Pape François a toujours exprimé un message de dignité humaine, de justice sociale et de protection de l’environnement. Sa voix a transcendé les frontières religieuses officielles, touchant des personnes de toutes confessions et de tous horizons. Il est devenu une figure de conscience mondiale, non pas par son autorité politique, mais par son témoignage authentique de compassion, d’humilité et de justice.
Son plaidoyer en faveur des pauvres, des personnes déplacées et des oubliés a trouvé un écho sur tous les continents. À chaque discours et à chaque visite pastorale, il rappelait au monde ses obligations morales envers les plus démunis – un principe profondément en phase avec l’appel de l’ONU à promouvoir le progrès social et de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.
Appel à la solidarité mondiale
En septembre 2020, le Pape François s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations Unies dans un discours historique et largement salué.
Avec réalisme, il a souligné que « nous sommes confrontés à un choix entre deux voies possibles. L’une mène à la consolidation du multilatéralisme, expression d’un sens renouvelé de coresponsabilité mondiale, d’une solidarité fondée sur la justice et de la réalisation de la paix et de l’unité au sein de la famille humaine, ce qui est le projet de Dieu pour notre monde. L’autre voie met l’accent sur l’autosuffisance, le nationalisme, le protectionnisme, l’individualisme et l’isolement ; elle exclut les pauvres, les vulnérables et ceux qui vivent en marge de la société. Cette voie serait certainement préjudiciable à l’ensemble de la communauté, causant des blessures auto-infligées à chacun. Elle ne doit pas prévaloir. »
S’exprimant dans le cadre du 75e anniversaire de l’ONU, le Pape François a judicieusement mis en garde les 193 membres de l’organisation mondiale en rappelant la vérité suivante : « Nous ne sortons jamais d’une crise tels que nous étions. Nous en sortons meilleurs ou pires. C’est pourquoi, en ce moment critique, il est de notre devoir de repenser l’avenir de notre maison commune et de notre projet commun. Une tâche complexe nous attend, qui exige un dialogue franc et cohérent visant à renforcer le multilatéralisme et la coopération entre les États. La crise actuelle a démontré une fois de plus les limites de notre autosuffisance ainsi que notre vulnérabilité commune. Elle nous a obligés à réfléchir clairement à la manière dont nous voulons en sortir : meilleurs ou pires.»
Ce discours n’était pas seulement un engagement diplomatique ; c’était un appel moral – un rappel que la paix et le développement durable doivent être construits sur des fondements éthiques solides et des politiques centrées sur l’humain.
L’un des héritages les plus durables du Pape François est son Encyclique de 2015, Laudato Si’ : Sur la sauvegarde de notre maison commune. Ce document historique a constitué une contribution révolutionnaire à l’éthique environnementale et à l’action climatique mondiale. Il a présenté la dégradation écologique comme une crise à la fois spirituelle et morale, qui touche de manière disproportionnée les pauvres et exige une coopération mondiale urgente.
Laudato Si’ a trouvé un fort écho au sein de la doctrine des Nations Unies et a contribué à l’élan éthique qui a conduit à l’Accord de Paris plus tard la même année. Le Pape a écrit : « L’éducation environnementale devrait faciliter le saut vers la transcendance qui donne à l’éthique écologique son sens le plus profond. Elle a besoin d’éducateurs capables de développer une éthique de l’écologie et d’aider les gens, par une pédagogie efficace, à grandir dans la solidarité, la responsabilité et la compassion.»
Cette Encyclique a renforcé la compréhension par les Nations Unies du changement climatique comme une question multidimensionnelle, englobant la justice, la santé, le développement et la responsabilité intergénérationnelle.
La relation du Pape François avec les Nations Unies était ancrée dans une foi commune dans le dialogue, la consolidation de la paix et la coopération multilatérale. Il a souvent évoqué les dangers de l’unilatéralisme, de l’exclusion et de ce qu’il a appelé la « mondialisation de l’indifférence ». Il proposait plutôt la « mondialisation de l’espoir » – un chemin construit par la rencontre, la compréhension et la responsabilité partagée. Sa croyance dans le multilatéralisme n’était pas abstraite ; elle était personnelle et pastorale. Il dialoguait directement avec des chefs d’État, des responsables interconfessionnels, des scientifiques et des communautés locales, faisant toujours entendre la voix de la conscience dans les prises de décision mondiales.
L’un des enseignements les plus marquants du pape François, cité par le Secrétaire général de l’ONU, offre une vision profonde de la condition humaine : « L’avenir de l’humanité n’est pas exclusivement entre les mains des hommes politiques, des grands dirigeants, des grandes entreprises… [il] est, avant tout, entre les mains de ceux qui reconnaissent l’autre comme un “vous” et eux-mêmes comme une partie d’un “nous”. »
Cette réflexion souligne l’essence même de la mission de l’ONU : reconnaître et agir en fonction de notre humanité commune. En cette période de division et de discorde, le Pape François a rappelé le monde à cette vérité fondamentale.
Conclusion : Un héritage pour le monde
La mémoire du Pape François perdurera non seulement dans le cœur des fidèles catholiques, sachant que la population mondiale de catholiques atteindra 1,4 milliard en 2025, mais aussi dans celui de la communauté internationale au sens large. Son héritage est celui de l’unité, de la compassion et de la conviction. Pour les Nations Unies, son enseignement moral a été à la fois une affirmation et un défi : l’affirmation de ses idéaux et le défi de les vivre plus pleinement.
Comme l’a conclu le Secrétaire général de l’ONU dans son hommage, le monde serait bien meilleur si nous suivions l’exemple du Pape François : « unité et compréhension mutuelle dans nos propres actions ». En honorant sa mémoire, la communauté internationale est appelée à renouveler son engagement en faveur d’un monde où la dignité, la paix et la justice sont une réalité pour tous.
À cet égard, il convient de méditer sur quelques réflexions récentes partagées avec nous par Sa Sainteté le Pape François. Dans les Textes pontificaux publiés par L’Osservatore Romano sous le titre Angélus Jubilé du monde du bénévolat du dimanche 9 mars 2025, Sa Sainteté le Pape François a affirmé en des termes très touchants : « Dans nos sociétés, trop asservies à la logique du marché, où tout risque d’être soumis au critère de l’intérêt et de la recherche du profit, le bénévolat est une prophétie et un signe d’espérance, car il témoigne de la primauté de la gratuité, de la solidarité et du service aux plus démunis. J’exprime ma gratitude à ceux qui s’engagent dans ce domaine : merci d’offrir votre temps et vos compétences ; merci pour la proximité et la tendresse avec lesquelles vous prenez soin des autres, ravivant en eux l’espérance ! Frères et sœurs, durant ma longue hospitalisation ici, j’ai moi aussi fait l’expérience de la prévenance du service et de la tendresse de l’attention, en particulier de la part des médecins et du personnel soignant, que je remercie du fond du cœur. Et pendant que je suis ici, je pense à toutes les personnes qui, de diverses manières, sont proches des autres. malades, et qui sont pour eux un signe de la présence du Seigneur. Nous avons besoin de ce « miracle de tendresse » qui accompagne ceux qui traversent l’adversité, apportant un peu de lumière dans la nuit de la douleur. »
Espérons que ce témoignage aura la chance de s’imposer comme réellement mémorable.
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