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BIRMANIE – CONFLIT : A Moscou, agenda chinois pour le chef de la junte birmane

Date de publication : 19/05/2025
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Xi jinping Min Aung Hlaing

 

Une chronique du conflit birman par François Guilbert

 

Les cérémonies organisées par le président V. Poutine à Moscou le 9 mai ont été pour le leader du régime militaire birman l’occasion de marquer les esprits et d’apparaître comme un dirigeant internationalement reconnu. Pour la première fois en 1 558 jours d’exercice du pouvoir, le général Min Aung Hlaing s’est trouvé associé à un cénacle sous les feux de l’actualité mondiale.

 

Un événement sans pareil depuis 2021 et dont il entend instrumentaliser les effets psychologiques (inter)nationaux dans les rapports de force qu’il entretient avec ses opposants. Il permet de mettre en images l’idée que le chef de la junte sort, peu à peu, de l’isolement diplomatique dans lequel il se trouve plongé depuis 4 ans et 3 mois.

 

Médiatiquement, ce 5ème séjour en Russie depuis sa prise de pouvoir, et 2ème en 2025, est mis à profit pour souligner sa centralité politique et sa reconnaissance urbi et orbi comme président de la République de l’Union de Birmanie. Dans un pays où les lectures des événements se font fréquemment à l’aune des interprétations des astres, c’est un contre-narratif non-dit à ceux qui ont vu dans le dramatique séisme du 28 mars l’expression d’un mécontentement cosmique devant les errements de la gouvernance instaurée par les militaires. Il sert aussi les desseins d’un dirigeant à la recherche d’un semblant de légitimité dans une consultation prochaine des électeurs et qui est vu, jusque dans les principaux cercles de pouvoir, comme un numéro 1 faible, guère compétent, peu inspiré et sans vision précise pour l’avenir de son pays.

 

Mettre en scène la stature de chef d’État du chef de la junte, une priorité préélectorale

 

La presse aux ordres a donc fait valoir que le général Min Aung Hlaing s’est joint aux 39 dirigeants du monde venus assister au dîner d’État du président russe. Cette appartenance à la catégorie des grands de la planète du numéro de 1 de la Tatmadaw serait aussi celle des forces armées de Nay Pyi Taw. Son porte-parole, le général Zaw Min Tun a publiquement insisté sur ce point. Il a souligné que la participation de l’armée birmane au 80ème défilé du Jour de la Victoire a constitué une « démonstration claire que la Tatmadaw est sur un pied d’égalité avec les autres forces armées du monde » ; le détachement sous les ordres du général Myo Sat Aung ayant été l’un des 13 contingents étrangers appelé à parader sur la Place Rouge.

 

Cette emphase langagière ne doit pas cacher l’absence d’attentions protocolaires particulières données à la délégation venue de Birmanie. Il n’y avait d’ailleurs aucune raison stratégique ou historique pour afficher des égards distinctifs. L’accueil à l’aéroport (Andrey Rudenko, vice-ministre des Affaires étrangères), l’emplacement à la table d’honneur, sur les photos officielles ou lors des réceptions données par le maître de cérémonies n’ont pas accordé de place éminente à l’invité putschiste. Le général n’a d’ailleurs pas eu de contacts avec V. Poutine, tout au moins allant au-delà des salutations d’usage et de courtoisie.

 

Le général Min Aung Hlaing peine à être désigné comme chef d’État, même par des pays « amis »

 

Certes, le maître du Kremlin l’a traité comme un président de la République mais les deux autres dirigeants étrangers rencontrés lui ont appliqué d’autres dénominations protocolaires. La presse kazakhstanaise a par exemple rapporté que le président Kassym-Jomart Tokayev s’est entretenu avec le « premier ministre » Min Aung Hlaing. Quant au leader chinois, il s’est, lui, adressé au « dirigeant » de la Birmanie et à « son chef militaire ». Des titres officiels qui ne doivent rien au hasard. Dans la pratique, ils soulignent ô combien le commandant-en-chef des services de défense peine à être pleinement admis par ses pairs, y compris par des États bienveillants depuis des années vis-à-vis du conseil militaire.

 

Force est néanmoins de constater que le général Min Aung Hlaing a rencontré peu de monde à Moscou. On est, par exemple, bien loin du nombre d’échanges mis en avant pour le seul autre dirigeant sud-est asiatique président : To Lam. Le Secrétaire général du Parti communiste vietnamien a eu des rendez-vous et des apartés présidentiels avec les chefs de délégation arménien, brésilien, chinois, cubain, mongol, ouzbek et vénézuélien. Excusez du peu !

 

Par ailleurs, l’absence de la Birmanie à la liste des contacts vietnamiens laisse à penser que du côté d’Hanoï on n’est guère empressé de s’afficher avec le fondateur du SAC.

 

Depuis février 2021, aucun des présidents vietnamiens (Nguyen Phu Trọng, Nguyen Xuan Phuc, Vo Van Thuong, To Lam, Luong Cong), aucun des premiers ministres (Nguyen Xuan Phuc, Phạm Minh Chính), sans même parler des Secrétaires généraux du Parti communiste (Nguyen Phu Trọng, To Lam), n’a rencontré le général Min Aung Hlaing. Une exception en Asie du Sud-Est continentale puisque les chefs de gouvernement cambodgien, laotien, malaisien et thaïlandais l’ont fait à un moment ou un autre.

 

Sur le plan aseanien, le moment moscovite n’a pas non plus été mis à profit pour une entrevue avec le ministre de la défense indonésien, le général (cr) Sjafrie Sjamsoeddin, dépêché par le nouveau président Prabowo Subianto. Pourtant, des rendez-vous indonésien et vietnamien auraient pu faire sens, ne serait-ce que pour remercier ces partenaires de leurs soutiens après le tremblement de terre dit de Mandalay et peu avant le premier sommet annuel des chefs d’Etat et de gouvernement de l’ASEAN (Kuala Lumpur, 26 – 27 mai). Mais, au fond, l’ASEAN est-elle réellement importante pour la junte et son avenir ?

 

Plus que tourné vers la Russie, le déplacement moscovite avait pour objectif la tenue d’un tête-à-tête avec le président chinois

 

A la vérité, le général Min Aung Hlaing n’a désormais guère d’autre choix que de se tourner vers le gouvernement chinois pour trouver quelques moyens pour regagner une partie du terrain militaire perdu depuis 2023 et pour soutenir son économie durement frappée par les secousses sismiques (11 milliards de dollars de dégâts). Dans le même temps, du côté de Pékin le drame tellurique de la fin mars permet au leader chinois d’avoir une bonne raison de rencontrer le dirigeant premier du SAC, de se montrer en solidarité avec une nation voisine malmenée par les éléments naturels. Sans que les défiances passées ne se soient effacées, chacun fait le constat à Pékin et Nay Pyi Taw que le moment est venu d’orchestrer un dialogue donnant un semblant de normalité aux relations bilatérales de haut niveau.

 

Preuve que les embarras sont encore là, le rendez-vous « présidentiel » n’a pas été annoncé préalablement par aucune des deux parties et aucune invitation à effectuer une visite de suivi à Pékin n’a été rendue publique. En outre, le général Min Aung Hlaing n’est pas le seul dirigeant asiatique à avoir eu un temps de travail bilatéral avec le leader chinois. 5 interlocuteurs figuraient à l’agenda des rendez-vous de Xi Jinping (Vietnam, Serbie, Slovénie, Cuba, Venezuela).

 

Le séisme du 28 mars a donné une raison d’être à un entretien Xi Jinping – Min Aung Hlaing

 

Condoléances et remerciements ont d’ailleurs ouvert la conversation. Cependant si avec le chef de l’État ouzbek, les discussions ont été annoncées comme ayant porté sur les coopérations dans les domaines de la pétrochimie, de l’agriculture, de la numérisation, des transports et de la logistique, l’ordre du jour avec le maître de Pékin a semble-t-il été beaucoup plus politico-sécuritaire que sur des questions économiques (commerce, énergie).

 

Le président chinois a réitéré son appel à garantir « concrètement » la sécurité et les intérêts du peuple chinois et à promouvoir continuellement le corridor économique Chine – Birmanie (CMEC). Un langage qui s’apparente à un rappel à l’ordre vis-à-vis d’un subordonné. Le dirigeant pékinois a ainsi « espéré » que les coopérations s’intensifieront dans la lutte contre la criminalité transfrontalière, y compris les escroqueries en ligne et les jeux d’argent illégaux. Les propos ont d’ailleurs été énoncés très symboliquement en un lieu « chinois ». La réunion s’est effet tenue dans un salon dénommé « Pékin » et à l’hôtel Soluxe, un palace cinq étoiles chinois situé au nord de la capitale russe.

 

Même si autour de la table tout le monde portait des costumes civils, l’échange a mis face-à-face des militaires birmans et des civils se présentés comme les dirigeants éminents du Parti communiste chinois (cf. Premier secrétaire du Secrétariat général, Comité permanent du Politburo, Chef du Comité central). Accompagné des généraux Maung Maung Aye (ministre de la Défense, superviseur de la reconstruction post-séisme), Ye Win Oo (Secrétaire adjoint du SAC) et Kyaw Swar Lin (chef d’état-major interarmées), le général Min Aung Hlaing est venu, dans les faits, faire allégeance.

 

Il a d’ailleurs veillé à employer le lexique géopolitique pékinois. Il s’est donc affiché en soutien à la politique des 5 principes de la coexistence pacifique, à l’initiative mondiale pour le développement, l’initiative mondiale pour la sécurité et l’initiative mondiale pour la civilisation. Aucune référence n’a manqué à l’appel. En effet, il a également mentionné les projets des Routes de la soie et son soutien à la construction d’une communauté de destin avec les pays voisins. Le général Min Aung Hlaing s’est même engagé sur un terrain stratégique où il n’a plus la main : le corridor économique Bangladesh – Birmanie – Chine. Ne contrôlant plus l’État Rakhine, le général Min Aung Hlaing n’est pas en situation d’être l’interlocuteur approprié. Cela ne l’a pas empêché, plus généralement, de se présenter comme un homme qui mènera tous les efforts possibles « pour assurer la sécurité des projets, des investissements et du personnel chinois en Birmanie ».

 

La réunion de Moscou n’a pas tout réglé

 

Bien que les deux acteurs étatiques aient décris leurs relations comme étant « fraternelles » (pauk-phaw), chacun reste vigilant, pour ne pas dire méfiant vis-à-vis de l’autre. A Nay Pyi Taw, on continue de penser que les actions déstabilisantes des groupes armés à la frontière du Yunnan sont dues aux soutiens et aux manipulations en coulisses du gouvernement chinois. Dans une situation où les contre-offensives ne peuvent être lancées sur tous les fronts, le général Min Aung Hlaing n’a toutefois pas d’autres choix que de se tourner vers Pékin pour l’aider à ralentir les avancées de ses ennemis dans les États Kachin et Shan puis inverser la dynamique guerrière.

 

François Guilbert

 

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