London Escorts sunderland escorts
Home Accueil BIRMANIE – CONFLIT : La crise birmane pas prioritaire au sein de l’ASEAN

BIRMANIE – CONFLIT : La crise birmane pas prioritaire au sein de l’ASEAN

Date de publication : 11/05/2025
0

 

ASEAN - Birmanie

 

Une chronique birmane de François Guilbert

 

La crise birmane n’est pas perçue comme une priorité des gouvernements de l’ASEAN
Depuis 2019, une enquête annuelle sur l’état de l’Asie du Sud-Est est réalisée avec le plus grand soin par le Centre d’études de l’ASEAN rattaché à l’institut singapourien Yusof Ishak – ISEAS. Sa singularité ? Elle recueille l’avis des milieux « dirigeants » des pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est sur les défis internationaux et régionaux. Autant dire qu’elle est attendue, décryptée et débattue pour saisir l’état d’esprit aseanien du moment et ses modulations nationales vis-à-vis des défis du monde.

 

Le sondage annuel de l’ISEAS : un outil pour mieux comprendre les rapports de l’ASEAN aux crises et aux tensions internationales

 

Cinq catégories de personnes au prorata de chacun des États membres sont interrogées : des universitaires ; des représentants du secteur privé ; des membres d’organisations non gouvernementales et des médias ; des fonctionnaires et des personnels d’organisations régionales ou internationales. Au total, plus de deux mille hommes et femmes ont répondu aux questionnaires distribués en janvier – février 2025. Les recherches conduites renseignent de manière quantifiée sur les sujets d’actualité les plus brûlants, les perceptions des rivalités sino-américaines, l’ordre des défis internationaux pour les gouvernements, le niveau de confiance dans les évolutions de l’ASEAN mais également la crise birmane qui divise si profondément depuis le printemps 2021 les pays de la région.

 

Signe des temps et du possible élargissement prochain de l’ASEAN, pour la première fois le point de vue des Timorais s’est ajouté à celui des dix autres nations de l’Asie du Sud-Est. Une perspective institutionnelle qui n’est pas pour plaire aux militaires au pouvoir à Nay Pyi Taw, tant les autorités de Dili s’affichent en soutien inconditionnel au gouvernement de l’opposition démocratique (NUG). Cependant, parmi les données collectées il ne s’est pas manifesté cette année de rejet de la candidature timoraise. Bien au contraire : 35,1 % des analystes birmans jugent que l’accession du Timor-Leste peut être accélérée car l’île est prête pour devenir un membre de plein droit ; le taux de soutien régional le plus élevé après celui des Vietnamiens.

 

L’instabilité politique domestique est un défi régional majeur uniquement pour les Birmans

 

Plus que pour tout autre acteur régional, l’instabilité politique est du côté birman vue comme le défi numéro 1. Ailleurs, notamment en Indonésie, aux Philippines, à Singapour, au Vietnam c’est l’évolution climatique qui inquiète le plus. Si l’angoisse vis-à-vis de la situation intérieure de la Birmanie est extrêmement vive, on notera toutefois qu’elle s’est estompée (-12,1%) par rapport à l’enquête 2024.

 

En dépit des avancées militaires observées depuis novembre 2023 des groupes ethniques armés et de leurs alliés bamars entrés en guerre depuis le putsch du 1er février 2021, les chutes des quartiers généraux de la Tatmadaw dans le nord de l’État Shan et dans l’État Rakhine n’ont pas, au fond, accentué les craintes. Mais toute chose égale par ailleurs, la perception du présent birman est bien plus négative en 2025 qu’elle ne l’était au début des années 2021, 2022 et 2023. C’est dire combien la perspective d’un retour à la paix civile ne semble pas promise pour demain.

 

Le futur pourrait même s’avérer doublement inquiétant pour les soutiens au Conseil de l’administration de l’État (SAC). 94,8% des Birmans interrogés considèrent qu’un système politique démocratique caractérisé par des élections fréquentes, des médias indépendants et pluralistes, la liberté d’association et d’opinion constitue la meilleure forme de gouvernance pour la Birmanie et la région. De plus, quand les sondés sont interrogés sur le risque terroriste, il n’apparaît pas plus prégnant que dans les autres nations de l’ASEAN. Autrement dit, le récit de la junte faisant de ses opposants des terroristes ne prend pas dans les élites du pays et dans son environnement.

 

Moins que la guerre d’Ukraine, les crises du Moyen Orient ou les tensions en mer de Chine méridionale

 

Deux gouvernements de l’ASEAN seulement donnent le sentiment à leurs élites nationales d’accorder la première importance au dossier birman. Dili et Bangkok se mobilisent bien plus sur l’avenir de la République du Myanmar que sur la guerre d’Ukraine. Bandar Seri Begawan ferait apparemment de même. Mais de manière générale, les autorités des pays de l’ASEAN donnent le sentiment à leurs concitoyens d’apporter plus d’attention à certains conflits lointains qu’à la Birmanie.

 

Ainsi, les conflits entretenus avec le Hamas et le Hezbollah sont repérés comme étant bien plus au top des préoccupations de 5 nations de l’ASEAN-9 (Brunei, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour) que la Birmanie des généraux. Il en est plus encore avec la gestion des tensions en mer de Chine méridionale où seules les actions du président Ramos Horta et de la première ministre Paethongtarn Shinawatra se tournent très largement vers une priorité birmane. Cependant, il existe un consensus pour souligner que la résolution de la crise birmane est un passage obligé pour entretenir la crédibilité de l’ASEAN et sa centralité indopacifique. Une certitude forte du côté birman évidemment mais aussi au Cambodge, aux Philippines et au Vietnam mais elle est bien moins prégnante à Singapour.

 

La perception dans 8 États sur 9 de l’ASEAN est que la crise birmane est un sujet de préoccupation grandissant. Seul un gouvernement semble marquer un intérêt déclinant : l’Indonésie (-11,6 %). Quelques autres approches se distinguent. Du côté de Vientiane, on donne le sentiment de s’investir plus sur le dossier birman que durant la période de la présidence de l’ASEAN en 2024. Plus préoccupant pour voir une mise en œuvre effective des 5 points de consensus pourtant considérés comme la voie à suivre pour sortir des conflits armés qui se sont enclenchés avec le putsch du général Min Aung Hlaing, la mobilisation de la présidence malaisienne ne saute pas aux yeux de ses observateurs (+0,2 % par rapport à 2024), tout comme celle qui commencera au 1er janvier 2026.

 

Non seulement à Manille aucune mobilisation ne semble visible (+0,6 %) mais c’est aussi là où le désintérêt aseanien pour la crise birmane pointe comme le plus abyssal. Seuls 2,9 % des Philippins interpellés estiment qu’elle constitue un des principaux centres d’intérêt du gouvernement de Bongbong Marcos. A vrai dire, seuls les Thaïlandais estiment que leur gouvernement en fait un dossier majeur (50,5 %) et croissant (+9,2 %). Au final, le règlement de la guerre civile n’est pas une priorité des gouvernements de l’ASEAN. Seuls quelques-uns s’y attachent. En miroir de ces détachements, Nay Pyi Taw n’accorde pas la même attention aux défis vécus comme les plus saillants par ses voisins.

 

Une junte très laxiste sur la criminalité

 

Les sondés de la plupart des pays de l’ASEAN perçoivent leur gouvernement bien plus mobilisé dans les luttes contre la criminalité organisée que le SAC. Si la junte semble plus impliquée qu’en 2024, c’est encore très en-deçà des efforts prêtés aux Philippines, à Singapour et à la Thaïlande.

 

Ce décalage traduit une déconnexion croissante de la Birmanie des priorités établies par les dirigeants des États environnants. On peut donc affirmer que le pays originaire du seul Secrétaire général sud-est asiatique de l’histoire des Nations unies, U Thant (1909 – 1974), est devenu aux yeux des pairs aseaniens, et de loin, le plus médiocre contributeur au développement de l’ASEAN sur le long terme. Dans ce contexte de divergences des trajectoires politiques, les Birmans se montrent les plus sceptiques sur l’efficience de l’ASEAN et sur ses capacités à faire face au nouvel ordre international. A l’inverse, nombre d’Aseaniens s’interrogent sur ce qu’il conviendrait de faire pour sortir de la spirale dramatique dans laquelle est entrée depuis quatre ans la Birmanie.

 

Le souhait du dialogue politique

 

L’approche préférentielle des sondés demeure la mise en œuvre d’un dialogue politique inclusif, notamment en y agrégeant le NUG. Toutefois au fil du temps, cette option perd des partisans en Birmanie. Elle y est même au plus bas depuis 2021. Cela ne veut pas dire pour autant que la junte gagne en légitimité puisque les Birmans interpellés demandent plus qu’en 2023 et 2024 des mesures restrictives vis-à-vis du SAC.

 

De manière contre-intuitive, on notera également une demande politique plus contraignante du côté du Laos et plus encore du Cambodge. Elle n’a d’ailleurs jamais été aussi haute à Phnom Penh, probablement du fait des rebuffades répétées du général Min Aung Hlaing à l’endroit de l’ex-premier ministre Hun Sen.

 

A contrario, la demande « coercitive » plonge du côté de Singapour et de Jakarta où elle est au plus bas. Néanmoins, d’une année sur l’autre, les observateurs favorables à une réinsertion du numéro 1 de la junte et de son ministre des affaires étrangères dans les réunions de l’ASEAN pour parvenir à une mise en œuvre effective des 5 points de consensus perd de plus en plus de soutiens. Dans six pays (Brunei, Cambodge, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Vietnam), c’est manifeste. Une recommandation en totale contradiction avec les efforts engagés depuis la fin de l’année 2024 par le ministre thaïlandais Maris Sangiampongsa qui privilégie un dialogue avec le numéro 1 du conseil militaire. S’il entend poursuivre sur cette voie, il devra compter avec une franche hostilité au sein même des élites publiques et privées du Royaume.

 

Aujourd’hui, c’est en effet en Thaïlande que s’exprime le plus faible taux de soutien (2,6%) à une normalisation avec le régime militaire de Nay Pyi Taw. Nonobstant cette donne et la déclaration d’un 3ème cessez-le-feu de la junte du 6 au 31 mai, la Thaïlande pourra compter sur la Chine pour poursuivre sa tentative d’approche irénique. La République populaire manque cependant de crédit auprès des faiseurs d’opinions birmans. 73,8 % d’entre eux s’inquiètent de son influence politique et 65,2 % de celle de son poids économique. Une anxiété néanmoins au plus bas depuis 2021 mais qui demeure l’une des plus élevées dans l’ASEAN et qui est perçue majoritairement par les Birmans comme menaçant la souveraineté et les intérêts de la patrie.

 

François Guilbert

 

Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les plus lus