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BIRMANIE: Dans les pas birmans de George Orwell

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 24/07/2019
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Encore un romancier à ne pas rater lorsque l’on veut comprendre l’Asie du sud-est et décoder les peuples qui la composent. Pour George Orwell, la Birmanie coloniale fut, dans les années 1930, une prise de conscience de l’autoritarisme qu’il dénonça plus tard dans ses deux romans « 1984 » et, surtout, « La ferme des animaux ».

 

Plusieurs spécialistes d’Orwell ont été amenés à se demander, ces dernières années, si ce n’était pas à partir de son vécu de la réalité du colonialisme en Asie du Sud-est que l’auteur avait forgé sa critique de l’autoritarisme.

 

En apparence, il n’y a que trois textes de l’auteur qui traitent de son expérience birmane. Deux articles: «Une pendaison» (1931) et «Comment j’ai tué un éléphant» (1936).

 

Et un roman «Une histoire birmane» (1934). Mais peut-être que finalement, tous ses livres l’y ramènent : l’injustice et l’oppression qu’il combat sont le miroir de celles qu’il a connues entre 1922 et 1927.

 

Police coloniale

 

Formé à Mandalay pendant un an au commandement de la police coloniale, Eric Arthur Blair, le futur George Orwell, y apprendra quelques rudiments de Birman et d’Hindustani, ainsi que le code de conduite du « Pukka Sahib », du parfait gentleman de l’Empire britannique. Il devient officiellement policier en novembre 1923, à l’âge de 20 ans.

 

C’est à Moulmein, ville portuaire du sud du pays, dans l’État Môn, que l’expérience du jeune homme a nourri l’écrivain, puisque, comme il l’écrit au début de Comment j’ai tué un éléphant, « c’est l’unique période de (sa) vie où (il) a été suffisamment important pour susciter la détestation de bien des gens. »

 

Un rouage colonial

 

Eric Blair a été un rouage du système impérialiste britannique.

 

À partir du moment où il s’est rendu compte de la réalité de la domination coloniale, il s’est retrouvé face à cette interrogation : pourquoi continuer de servir une cause contraire à ses valeurs politiques et humaines, qu’il trouvait injuste ?

 

Il a ressenti la distance entre les Blancs et les « indigènes » (Birmans, Indiens ou Chinois) du fait du racisme du système colonial.

 

De la même manière, il a dû passer bien des soirées en compagnie de colons anglais qu’il n’aimait pas au point de prendre peur de finir par leur ressembler.

 

Ce qui fait la différence entre Orwell et d’autres écrivains qui ont pu s’intéresser à la question de la colonisation en Asie du Sud-Est (André Malraux, par exemple), c’est qu’il n’a pas seulement été un observateur, il en a été un acteur à part entière.

 

Il a mis des coups de trique à des prisonniers et participé au maintien de l’ordre. Surtout, pendant plus de cinq ans, il a obéi et appris ce que cela signifiait, pour un individu, de se plier à des ordres absurdes.

 

Aussi, en 1927, lorsqu’il retourne définitivement en Angleterre en arguant de raisons de santé (il était tuberculeux), Blair peut enfin devenir Orwell et raconter ce qu’il a vécu et ressenti.

 

Le roman « Une histoire birmane »

 

Une «histoire birmane» (Burmese days dans sa version originale anglaise) met en scène un colon anglais d’une petite ville de Birmanie, employé d’une société de bois, aux prises avec d’un côté les Européens qui l’entourent et de l’autre avec sa propre lâcheté et ses propres renoncements.

 

Au-delà du décor et de la moiteur ambiante, l’auteur échappe à la tentation de l’exotisme et s’attaque de front au système colonial.

 

Il montre parfaitement les vexations que les colons font subir aux indigènes, le racisme « systémique » et les agressions physiques. Européens et « indigènes » ne se parlent pas et ne se comprennent pas.

 

Le portrait qu’Orwell fait de ces colons racistes est sans pitié : ils sont laids, ridicules, alcooliques, méchants et prétentieux.

 

Orwell touche aussi un élément sensible de l’histoire de la colonisation de l’Asie du Sud-est : il y avait aussi une élite locale qui trouvait un intérêt dans la domination des Européens qu’il n’épargne pas.

 

La médiocrité des microcosmes

 

Un autre thème qui est abordé dans le livre est celui de la médiocrité qui fait son nid dans les microcosmes, de la chaleur moite qu’il faut supporter et du temps qu’il faut tuer avec l’aide de l’alcool.

 

Dans une certaine mesure, Orwell décrit ce qu’il aurait pu devenir s’il n’était pas rentré en Angleterre. Il y a quelque chose de troublant à reconnaître certains comportements du XXIe siècle dans un roman qui se déroule pendant la période coloniale.

 

Sous ces tropiques où le sexe et l’illusion de la séduction amoureuse sont plus accessibles que dans leur pays d’origine, beaucoup s’abandonnent à une forme de facilité.

 

Il y a quelque chose de troublant à reconnaître certains comportements du XXIe siècle dans un roman qui se déroule pendant la période coloniale.

 

Les préjugés et le sentiment de supériorité continuent, hélas, d’être pleinement d’actualité.

 

Patrice Montagu-Williams

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