Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Séisme
Le bilan du puissant séisme survenu en Birmanie continue de s’alourdir : 3 835 morts, plus de 5 000 blessés et 105 disparus, selon la presse d’État. Les secours ont sauvé 653 survivants et retrouvé 779 corps. Un mois après la catastrophe, près de 40 % des habitants des zones touchées souffrent encore de traumatismes psychologiques, d’après une enquête de U-Report Myanmar. Un tiers de la population nécessite une aide psychologique urgente, tandis qu’un sinistré sur cinq, notamment dans la région de Sagaing, vit désormais sans abri.
Les secours birmans poursuivent les recherches dans les ruines du Sky Villa Condominium, effondré lors du puissant séisme survenu fin avril. Le 3 mai, deux nouveaux corps ont été extraits de l’immeuble C, portant à au moins huit le nombre de victimes retrouvées sur le site depuis le 1er mai. Objets personnels, bijoux et documents importants ont également été récupérés et restitués aux familles. Les opérations de déblaiement et de récupération se poursuivent, avec l’appui d’organisations humanitaires locales.
Des centaines de milliers d’habitants de Mandalay vivent toujours sous des tentes après le séisme du 28 mars, subissant des températures atteignant 42°C. La chaleur intense rend le sommeil difficile, et beaucoup préfèrent dormir sous les tentes plutôt que dans leurs maisons endommagées par les répliques. Les personnes déplacées par les conflits dans les États Shan et Kachin, ainsi que dans la région de Sagaing, sont également affectées. Les abris temporaires, surpeuplés, ne protègent ni de la chaleur extrême ni des pluies de mousson imminentes. L’accès limité à l’eau potable accroît le risque de maladies. L’OMS a averti des menaces sanitaires croissantes. Des équipes médicales internationales apportent des soins, mais l’aide du régime reste insuffisante. En réponse, des volontaires et des groupes communautaires organisent des opérations de déblayage. Le régime fait état de 3 769 décès et 107 disparus, mais l’Organisation internationale pour les migrations estime que près de 2 millions de personnes ont besoin d’une aide urgente.
Le ministre de la Défense, Maung Maung Aye, supervise actuellement la restauration des dégâts causés par le séisme du 28 mars à Naypyitaw. Il a ordonné aux entreprises de construction d’origine de réparer les bâtiments gouvernementaux endommagés et a formé des équipes d’inspection pour évaluer les dommages. Le Comité des affaires de développement de Naypyitaw est chargé de la restauration des logements du personnel. Le 12 avril, le régime a libéré U Chit Khine, président du groupe Eden, responsable de la construction de plusieurs bâtiments endommagés, dont la résidence présidentielle, le musée militaire et le hall polyvalent Zeyathiri Beikman. La construction de Naypyitaw, lancée en 2003 sous le régime de Than Shwe, avait été confiée à des entreprises liées à des généraux ou à leurs proches, comme le groupe Htoo de Tay Za ou l’ACE de Tint Hsan. Le séisme de magnitude 7,7 a causé des dégâts importants, affectant plus de 70 % des bâtiments gouvernementaux. Face à l’ampleur des destructions, le régime envisage de relocaliser certains ministères à Rangoun.
Dans le cadre de son 11e lot d’aide humanitaire à la Birmanie, la Chine a fait don de 340 maisons préfabriquées destinées aux victimes du récent séisme survenu dans la région de Mandalay. Les modules, pesant au total 1 355 tonnes, sont arrivés le 2 mai au port de Thilawa à bord du navire MV Dkilios. Le ministre en chef de la région de Rangoun, U Soe Thein, a officiellement réceptionné la cargaison des mains du conseiller commercial de l’ambassade de Chine, M. Ouyang Daobing. Les unités ont été transférées par grue sur des camions, puis sur des wagons pour être acheminées vers les zones sinistrées.
Europe
L’Union européenne a prolongé d’un an ses sanctions contre Min Aung Hlaing, d’autres généraux et diverses entités liées au régime militaire birman. Ce renouvellement touche 106 personnes et 22 entités, et s’inscrit dans la continuité des mesures adoptées depuis le coup d’État de 2021. Le 2 mai, le Conseil de l’UE a justifié cette décision par la persistance de graves violations des droits de l’homme et des atteintes à la démocratie en Birmanie. Les sanctions comprennent un gel des avoirs et une interdiction de voyage dans l’UE, ainsi qu’un embargo sur les armes et les équipements de répression. L’UE a également réaffirmé son soutien au peuple birman et sa volonté de renforcer les pressions contre les responsables des violences en cours.
Politique, Diplomatie
L’initiative de la Chine pour négocier la paix entre l’Armée de Libération Nationale Ta’ang (TNLA) et le régime militaire birman a échoué après deux jours de pourparlers à Kunming, en Chine, les 28 et 29 avril 2025. Selon la TNLA, les discussions se sont effondrées lorsque le général lieutenant Tar Gu Ja a rejeté fermement l’exigence de la junte de céder des territoires stratégiques tels que Naungcho, Kyaukme, et Mogok. Cette impasse soulève des questions sur le rôle de la Chine, qui semble soutenir les efforts du régime pour reconquérir des territoires perdus, similaires à l’accord qu’elle a facilité entre la junte et l’Armée de l’Alliance Démocratique Nationale du Myanmar (MNDAA).
Le régime birman a rejeté une proposition du Jamaat-e-Islami, principal parti islamiste du Bangladesh, visant à la création d’un État rohingya indépendant dans l’État d’Arakan (Rakhine). Cette initiative, présentée lors d’une rencontre entre le Jamaat et une délégation du Parti communiste chinois (PCC) à Dacca, n’a pas encore reçu de réponse de la Chine. Le Jamaat, soulignant les conditions de vie inhumaines des 1,2 million de réfugiés rohingyas au Bangladesh, a proposé un État indépendant pour faciliter leur rapatriement et leur réhabilitation, tout en sollicitant le soutien de Pékin, en raison de ses liens avec le régime militaire birman.
L’ex-lieutenant-colonel U Kyaw Zay Ya, ancien député du National League for Democracy (NLD), a été arrêté par le régime militaire après avoir posté des critiques indirectes sur Facebook les 21 et 22 avril. Le 21 avril, il avait satirisé l’incompétence de Min Aung Hlaing, en commentant la reprise de la ville de Lashio avec le soutien de la Chine. Le 22 avril, il avait également critiqué le régime pour avoir contraint les fonctionnaires à travailler dans des bâtiments endommagés par un tremblement de terre. Cette arrestation survient après les avertissements de Min Aung Hlaing concernant les anciens militaires dont les paroles et actions pourraient nuire à la stabilité de la junte.
Le 30 avril, le Shan State Progress Party (SSPP), branche politique de l’armée de Shan (SSA), a annoncé des discussions avec l’armée de l’Alliance nationale démocratique de Birmanie (MNDAA) pour résoudre les tensions dans le nord du Shan, exacerbées par l’Opération 1027 lancée le 27 octobre 2023. Selon le SSPP, des combats inutiles entre troupes au sol ont eu lieu en raison de problèmes de communication, avec huit confrontations et 24 incidents physiques survenus les 28 et 29 avril, entraînant des blessés.
Le gouvernement intérimaire du Bangladesh a annoncé le 29 avril qu’il était ouvert à l’idée d’un corridor humanitaire de l’ONU traversant son territoire pour atteindre les civils dans l’État d’Arakan (Rakhine) en Birmanie. Cette proposition, formulée par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres lors de sa visite au Bangladesh en mars, a cependant rencontré des critiques sévères de la part de certains politiciens bangladais. Actuellement, environ un million de Rohingyas vivent dans des camps de réfugiés au Bangladesh, fuyant la répression militaire de 2017 en Birmanie. Le Bangladesh et l’ONU espèrent créer des conditions stables en Birmanie afin de permettre un retour éventuel des Rohingyas, mais l’Armée Arakan (AA), groupe rebelle local, lutte activement contre les forces militaires birmanes.
Le Premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, actuellement à la présidence de l’ASEAN, a appelé à une prolongation du cessez-le-feu en Birmanie après son expiration le 30 avril. Cette demande vise à garantir une livraison sûre et efficace de l’aide aux régions touchées par le séisme dévastateur du 28 mars. Dans une déclaration du 1er mai, Anwar a exhorté le régime militaire et le gouvernement d’unité nationale (NUG) à élargir la trêve en cours, insistant sur la nécessité d’un cessez-le-feu humanitaire national pour assurer un accès humanitaire sans entrave. La Malaisie a réitéré cet appel lors de discussions avec les différentes parties prenantes birmanes.
Le 1er mai 2025, l’alliance rebelle des Trois Fraternités a annoncé la prolongation jusqu’au 31 mai de son cessez-le-feu unilatéral, initialement décrété le 1er avril, afin de faciliter les secours après le séisme de magnitude 7,7 du 28 mars (plus de 3 700 morts et 5 100 blessés). Le gouvernement d’unité nationale (NUG) avait également suspendu ses offensives dès le 29 mars. Pourtant, l’ONU et le projet ACLED recensent 172 attaques pendant cette période, dont 73 dans des zones sinistrées. Les agences humanitaires internationales soulignent l’urgence des besoins en abris, eau potable, soins de santé et protection des populations.
Économie
Le 1er mai, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, Min Aung Hlaing a exhorté les citoyens en âge de travailler à rester en Birmanie, vantant un « environnement de vie plus sûr et plus sécurisé » que l’étranger. Il a exprimé ses préoccupations concernant les pénuries de main-d’œuvre dues à la migration, sans toutefois évoquer les causes profondes de cet exode. Depuis son coup d’État militaire de 2021, la Birmanie souffre d’un effondrement économique marqué par un retrait massif des investissements étrangers, des sanctions internationales et une guerre civile en cours.
En avril 2025, la Banque centrale de Birmanie (CBM) a vendu plus de 42 millions de dollars, 20 millions de bahts et 500 000 yuans afin de contenir l’instabilité du marché des changes et freiner la dépréciation du kyat. La majorité de ces devises a été allouée au secteur des carburants. Depuis le début de l’année, la CBM a déjà injecté plus de 338 millions de dollars, 494 millions de bahts et 16 millions de yuans. Elle autorise désormais les banques privées à effectuer librement des opérations de change en ligne selon les taux du marché. Par ailleurs, la CBM collabore avec les forces de l’ordre pour engager des poursuites judiciaires contre les acteurs accusés de manipuler illégalement le marché, notamment par la fixation de taux artificiels ou la spéculation excessive.
Des entreprises locales s’apprêtent à exporter des mangues Seintalone fraîches et séchées vers la Russie, un nouveau débouché commercial, selon U Kyaw Soe Naing, secrétaire de l’Association pour le développement du marché et de la technologie de la mangue. En coordination avec le Conseil d’affaires Russie-Birmanie, des inspections sont menées dans les exploitations afin d’identifier les fruits de meilleure qualité en vue de commandes prochaines. Trois entreprises seraient déjà en phase préparatoire. Les autorités invitent les exportateurs intéressés à se rapprocher du ministère de l’Investissement pour organiser les démarches nécessaires.
Répression/Conflit
Le 23 avril, deux groupes armés basés dans les États Karen et Mon – la Karen National Defence Organisation (KNDO) et le New Mon State Party – Anti-Dictatorship (NMSP-AD) – ont mis en doute la sincérité du régime militaire birman après l’annonce de la prolongation de son cessez-le-feu unilatéral jusqu’au 30 avril. Selon eux, la trêve proclamée après le séisme du 28 mars n’est qu’une manœuvre pour renforcer les positions militaires, alors que les frappes aériennes contre les civils se poursuivent sans relâche, notamment dans le canton de Kawkareik. « Une déclaration politique enjolivée », dénoncent-ils.
Au lendemain de l’échec des pourparlers de Kunming entre la junte birmane et la TNLA, la ville de Mogok, sous contrôle des rebelles, a été ciblée par plusieurs frappes aériennes. Dans la matinée du 3 mai, un ouvrier a été tué et un autre blessé à proximité de la pagode Kathe. La veille au soir, des bombardements avaient déjà visé plusieurs villages de l’est et de l’ouest de Mogok. Les discussions organisées en Chine les 28 et 29 avril ont échoué, le groupe armé TNLA ayant refusé les exigences de repli formulées par le Conseil d’administration de l’État (SAC).
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L’Armée de l’Indépendance Kachin (KIA) et ses alliés ont intensifié leurs attaques contre les bases militaires du régime dans la ville de Bhamo, dans l’État Kachin, après la fin de leur cessez-le-feu lié au séisme. Les bases, dont le quartier général du Commandement des opérations militaires 21, ont été attaquées, tandis que le régime a riposté par des frappes aériennes. Un soldat de la KIA a confirmé la prise de la base de la sentinelle centrale, bien que les frappes aériennes aient freiné les avancées. Les combats, qui ont entraîné un incendie au marché de la ville, ont fait des victimes des deux côtés, tandis que la KIA et ses alliés auraient capturé au moins cinq positions de l’armée birmane.
Le 27 avril, le régime militaire birman a intensifié ses attaques contre la ville de Mobye, dans le canton de Pekon, au sud de l’État Shan, contrôlée par la résistance. La Force de défense des nationalités karenni (KNDF) et ses alliés ont lancé une offensive contre une centaine de soldats du bataillon d’infanterie légère 422 qui approchaient de la ville par le nord. Les combats ont perduré le 28 avril, après l’arrivée d’environ 300 soldats supplémentaires du régime près de la frontière de l’État Karenni. Les bases militaires birmanes de Pekon et Loikaw ont bombardé Mobye, soutenues par des frappes aériennes, détruisant plusieurs maisons. Le même jour, les forces du régime ont pris le contrôle de la base de sentinelles de la résistance et des entrées de la ville. Selon la résistance, trois de ses combattants ont été blessés, tandis qu’environ 15 soldats du régime ont été tués ou blessés. Bien qu’aucun affrontement n’ait été signalé le 29 avril, les deux camps se préparent à de nouveaux combats. Mobye, occupée par la résistance en novembre 2023, est depuis lors un enjeu stratégique dans la lutte entre le régime birman et les groupes de résistance.
Le 28 avril, des forces révolutionnaires ont mené une attaque simultanée contre les camps de la junte militaire dans le township de Kyaukgyi, région de Bago, tuant plus de 20 soldats, dont un commandant adjoint de bataillon. L’assaut a ciblé plusieurs villages, dont Kyun Kone, Ye Thing Kone, et Taung Su, ainsi que le pont Naung Kone. Plus de 30 armes, munitions et équipements militaires ont été saisis. Cette opération a impliqué des unités de la NUG et des forces armées révolutionnaires, dont la KNLA et plusieurs autres bataillons.
Le 3 mai, l’armée birmane a utilisé des chasseurs Su-30 fabriqués en Russie pour mener des frappes aériennes sur Pinelebu, dans la région de Sagaing, tuant une femme enceinte à l’hôpital local. Pinelebu, sous le contrôle de la People’s Defense Force (PDF) depuis octobre de l’année dernière, est régulièrement ciblée par des attaques aériennes de la junte selon l’agence Chindwin News. Les groupes armés, dont la PDF et diverses organisations ethniques, sont vulnérables à ces frappes en raison de l’absence de systèmes de défense anti-aérienne.
Le pont Moe Kaung, situé sur la route Yangon-Mawlamyine près de la pagode Moe Kaung dans la région de Thaton, a été détruit par explosion pour la deuxième fois dans la nuit du 3 mai, vers 23h19. Selon un habitant local, cette explosion a été plus violente que la première, détruisant entièrement le pont récemment réparé. Bien que la route principale soit coupée, les voyageurs peuvent encore utiliser la route Paung-Thaton-Bilin, bien que des précautions soient nécessaires en raison des dégâts causés par la pluie sur les chemins villageois. Le pont avait déjà été miné le 28 février 2024, provoquant la destruction totale de l’infrastructure et des dégâts matériels dans les environs.
Société
La police anti-drogue birmane a annoncé la saisie de plus de 1,39 million de comprimés de méthamphétamine et de précurseurs chimiques, d’une valeur totale estimée à plus de 9,1 milliards de kyats, dans le sud de l’État Shan. La cargaison, transportée à bord de deux camions interceptés le 30 avril près du village de Tarko, provenait du canton de Kengtung et devait être acheminée vers Kya Li. Deux chauffeurs ont été arrêtés et des poursuites judiciaires ont été engagées, tandis que l’enquête se poursuit pour démanteler l’ensemble du réseau.
Long de 2 632 mètres, le pont Thanlyin 3, situé à environ 125 mètres du pont Thanlyin 1 (ouvert en 1993), introduit pour la première fois en Birmanie un système de paiement par QR code au péage, en complément du paiement en espèces. Ce dispositif, basé sur la reconnaissance des plaques via l’application MyanGo, permet aux conducteurs de régler leur passage via des services mobiles tels que AYA Pay, KBZ Pay, Wave Pay ou uab Pay, offrant une alternative plus rapide et sans espèces. Selon les autorités routières, cette technologie facilite les transactions, réduit les coûts de service et pourrait être étendue à d’autres infrastructures.
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