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BIRMANIE – FRANCE: Quelles sont les leçons de l’élection consulaire en Birmanie ?

Journaliste : François Guilbert
La source : Gavroche
Date de publication : 06/06/2021
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Selon notre analyste François Guilbert, les électeurs français de Birmanie ont voté à contre-courant de leurs concitoyens de Thaïlande. Dans la partie birmane de la circonscription « Thaïlande – Birmanie », les résidents français qui vivent sous la férule de la junte militaire au pouvoir depuis le 1er février 2021 ont fait massivement le choix de s’exprimer par internet pour élire leurs conseillers des Français de l’étranger.

 

Parmi les 16,1 % d’électeurs qui ont fait connaître leur suffrage, 75,6 % d’entre eux l’ont transcrit par voie électronique et avant la consultation ouverte à l’ambassade de France à Rangoun le dimanche 30 mai de 8 à 18h. Parmi ces citoyens attachés à l’expression démocratique élective, il est probable qu’un certain nombre d’entre eux a envoyé son bulletin de vote depuis l’extérieur de la Birmanie ; l’Asie du Sud-Est ( 1 ) ou l’Europe où beaucoup de famille ont trouvé des refuges temporaires pour fuir les conséquences de la COVID-19 et/ou les effets du putsch militaire d’il y a 4 mois.

 

Internet plébiscité

 

Si la voie électronique a été clairement plébiscitée, elle a rassemblé proportionnellement moins d’adeptes en Birmanie qu’au niveau mondial. En moyenne, les partisans d’internet ont employé six fois plus ce moyen que la votation à l’urne alors qu’à Rangoun, ils n’ont été que trois fois plus nombreux. A l’échelle régionale, ce ratio montre néanmoins la prégnance croissante d’internet puisque la circonscription birmane a voté plus par ce moyen d’expression qu’au Cambodge, au Laos ou en Indonésie. Les Français d’Asie du Sud-Est ont donc privilégié d’autant plus le vote par internet qu’ils vivent dans un pays développé.

 

Pas aussi médiocre

 

 

A y regarder de près, le niveau de participation à l’urne en Birmanie (3,9 %) n’a pas été aussi médiocre qu’il peut y paraître. Certes, il est loin des 11,3 % constatés au bureau de Pattaya, record pour toute l’Asie du Sud-Est, mais il a été nettement supérieur à la moyenne mondiale (2,1 %) ou ce qui a été également observé dans les deux bureaux de Bangkok (1,3% ; 1,5 %), de Singapour (1,3 % ; 1,7 %), du Vietnam (Hanoï : 3,3 % ; Hô-Chi-Minh-Ville : 3,5 %) ou encore de la Malaisie (1,4 %) et des Philippines (1,5 %).

 

Le taux de participation à Rangoun a été toutefois très en deçà de ce qu’il fut lors de la précédente consultation en mai 2014 (- 10,4 %). Une tendance régressive que l’on a pu observer à l’échelle de toute l’ASEAN.

 

L’augmentation substantielle des inscrits au cours des six dernières années (+9 744) et le nombre de liste (+2) n’ont pas changé la donne. Ainsi en Birmanie, alors que le nombre d’électeurs a progressé de + 88,6 %, le rythme de croissance communautaire le plus fort de toute l’Asie du Sud-Est ce qui souligne par ailleurs l’attractivité exponentielle qu’a connu le pays notamment sous l’ère de la gouvernance d’Aung San Suu Kyi, le nombre des suffrages exprimés n’a lui augmenté que de + 13,2 %.

 

Une communauté réduite

 

 

En effet, la communauté française de Birmanie a vu ses effectifs fondre au fil des quinze derniers mois ; tous les partants ne se faisant pas rayer des listes électorales pour autant. La COVID-19 et le confinement qu’elle a généré ont réduit d’abord le nombre des expatriés présents d’un tiers. Le putsch du général Min Aung Hlaing et l’instabilité sécuritaire qu’il a entraînée ont accru l’accélération des départs temporaires ou définitifs des hexagonaux. Après un peu plus de cent jours de gouvernance du Conseil d’administration de l’État (SAC), c’est un peu plus de la moitié des émigrés français enregistrés en janvier 2021 qui s’est envolée.

 

Certes, plusieurs dizaines d’entre eux ont encore le secret espoir de revenir en 2021 – 2022, pour poursuivre leur vie professionnelle et/ou familiale, si la situation économique et sécuritaire s’améliore. En votant ce dimanche en « Birmanie », ces citoyens entretiennent un peu leur rêve de retour qu’ils savent si fragile. Il est vrai qu’il est si difficile de se rassurer aujourd’hui sur l’avenir de leur pays d’adoption que l’on se raccroche à la moindre occasion offerte pour exprimer l’aspiration à revenir. Cet attachement symbolique à la Birmanie par la voie électorale française est d’autant frappant que le poids du corps électoral des Français de Birmanie est limité dans la subdivision administrative des Français d’Asie du Sud-Est.

 

Circonscription bicéphale

 

Dans une circonscription bicéphale où les votes « birmans » pèsent peu démographiquement, le taux de participation au scrutin a été honorable. Il est d’autant plus notable que les candidats ayant leur résidence en Birmanie étaient peu nombreux (5,7 %).

 

Seules deux listes (Avenir et Climat ; Solidarité, Ecologie et Démocratie) sur 5 ont retenu des Français enregistrés au consulat de Rangoun. Aucun d’entre eux ne pouvait d’ailleurs raisonnablement espérer être élu compte tenu de la place à laquelle ils figuraient sur leur liste. Il en est de même pour l’auteur d’un livre consacré aux Rohingyas de l’État Rakhine vivant lui en Thaïlande.

 

Si la place des résidents en Birmanie sur les listes de candidats ne semble pas avoir eu d’effet électoral, le mode de scrutin n’a pas eu les mêmes conséquences pour chacune des listes.

 

 

Alors que pour les listes déjà présentées aux électeurs en 2014, le mode d’expression du vote ne semble pas avoir eu d’effets significatifs, la liste soutenue par la République en marche a dans la pratique mieux performé à l’urne que sur internet. Cela a été exactement l’inverse pour celle d’Europe Ecologie – Les Verts. Elle a su mobiliser 5,2 fois plus d’électeurs par internet qu’en présentiel.

 

Distorsion forte

 

Le comportement partisan à Rangoun où à l’échelle de la circonscription toute entière a connu une très forte distorsion. Alors qu’à l’urne, le Rassemblement national a enregistré le plus mauvais score rangounais, il est sorti largement vainqueur des isoloirs (34,2 %). L’extrême-droite, la droite et le centre ont obtenu de meilleurs scores à l’urne que via internet (- 17,2 % ; – 6,7 %), ce qui a coûté un siège à un des sortants de la droite et du centre. A l’inverse, la République en marche, la gauche et les Verts s’en sont mieux sortis grâce aux votes anticipés (+ 3,5 % ; + 12,7 ; + 7,7 %), les Verts réussissant même à multiplier par dix leur nombre de bulletins d’un mode de scrutin à l’autre, ce qui n’a toutefois pas été suffisant pour remporter un siège.

 

Alors que le vote majoritaire à l’urne n’est pas le même que celui exprimé par internet, il s’est également avéré que le corps électoral de Birmanie a eu un comportement partisan bien différent de celui de la Thaïlande.

 

Les Français de Birmanie sont plus socialement et générationnellement homogènes que la communauté française de Thaïlande, ce qui explique leur différence de comportement partisan. Ils ont ainsi apporté marginalement leurs voix au Rassemblement national et d’une manière proportionnellement plus élevée à la gauche et aux Verts. Des tendances durables puisqu’elles furent déjà observées à l’occasion du premier tour de la dernière élection présidentielle et lors du scrutin des européennes de 2019. Des enseignements qui seront certainement retenus pour les élections de 2022, la présidentielle d’abord puis les élections législatives.

 

François Guilbert

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