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BIRMANIE – POLITIQUE : Pas d’élection sans paix réaffirme l’ASEAN

Date de publication : 03/11/2025
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Une chronique du conflit Birman par François Guilbert

 

Le 26 octobre, les chefs d’État et de gouvernement de l’Association des nations d’Asie du sud-est (ASEAN) ont fait connaître, à nouveau urbi et orbi leurs positions sur la crise engendrée par le coup d’État du 1er février 2021. Dans un texte intitulé « Examen et décision des dirigeants de l’ASEAN sur la mise en œuvre du consensus en cinq points », les leaders des dix États-membres ont tenu un discours rugueux aux oreilles de Nay Pyi Taw. En 28 points et 4 pages, ils n’ont repris à leur compte aucun des éléments narratifs du régime militaire birman.

 

Le secrétaire permanent du ministère des Affaires étrangères de la junte a participé aux travaux préparatoires et au sommet mais n’a pas infléchi les points de vue de la famille aseanienne

 

La déclaration de Kuala Lumpur a exprimé sa « profonde préoccupation face aux conflits et à la situation humanitaire désastreuse dans le pays, ainsi que l’absence de progrès substantiels dans la mise en œuvre des 5 points de consensus (5PC) ». Certes, les responsabilités des parties dans la crise ne sont pas systématiquement établies mais l’insistance mise à s’inquiéter de la prise à partie des civils, des usages disproportionnés de la force et d’aides humanitaires acheminées avec discrimination désigne en tout premier lieu la Tatmadaw et ses chefs. Des fois que les choses ne soient pas suffisamment claires, au point 17 on peut lire la supplique faite « en particulier aux forces armées et de sécurité afin de désamorcer la violence et de mettre fin aux attaques ciblées contre les civils et les infrastructures civiles, et de renforcer la confiance ».

 

L’ASEAN rappelle ses intentions : rétablir la paix, la stabilité et la démocratie, grâce à une résolution politique globale, menée et approuvée par la Birmanie

 

Derrière ce langage se cache deux approches politiques inacceptables pour le général Min Aung Hlaing. Le premier rejet porte sur la méthode malaisienne de sortie de crise puisqu’elle vise à associer les groupes ethniques armés associés à la révolution et le gouvernement d’opposition (NUG), tous étant considérés par les putschistes comme étant des « terroristes ». Pour l’heure, la Commission de la sécurité et de la paix de l’État (SSPC) entend les écraser les armes à la main et ne pas négocier avec eux. Or la méthode inclusive mise en œuvre par l’Envoyé spécial de la présidence de l’ASEAN a été saluée très explicitement par ses pairs (point 8). Autrement dit, elle constitue une politique à poursuivre dans les mois à venir, à commencer par la présidence des Philippines qui s’exercera à partir du 1er janvier 2026.

 

Deuxième revers pour la SSPC, l’ASEAN ne répond pas d’une seule voix aux invitations lancées pour venir « observer » les scrutins du 28 décembre

 

Il n’y aura donc pas d’observateurs de l’ASEAN, tout au plus Nay Pyi Taw peut encore espérer des observateurs venant de quelques États-membres mais rien ne dit, à ce stade, que la majorité des nations sud-est asiatiques se prêtera à l’exercice. Dans un style très administratif, les dirigeants se sont donc contentés de prendre « note du compte rendu de la Birmanie sur les récents développements en Birmanie, notamment la préparation des élections générales » (point 13).

 

Plus offensif au point 26, les chefs des pouvoirs exécutifs de l’ASEAN ont souligné « l’importance d’élections générales libres, équitables, pacifiques, transparentes, inclusives et crédibles » et « la nécessité de la cessation des violences et d’un dialogue politique inclusif avant les élections ». Ce n’est donc pas seulement le processus de votation militaire qui est mis en cause mais sa raison d’être. C’est un rude coup porté à l’aspiration de légitimité de la junte. Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères l’a bien compris en proclamant que les élections ne sont pas « une fin en soi » et en exhortant la SSPC à veiller à ce que les élections se déroulent de manière inclusive et s’inscrivent dans un « processus de paix continu » ; ce dont on est présentement bien loin.

 

Les déclarations du ministre Sihasak Phuangketkeow traduisent combien la Thaïlande est le partenaire aseanien le plus compréhensif vis-à-vis des généraux birmans. Néanmoins, pour ne pas trop s’isoler dans ce rôle ostentatoire, elle souhaiterait que le général Min Aung Hlaing se montre constructif dans les semaines à venir. D’ici la fin de l’année, il ne s’agirait ni plus, ni moins que d’afficher quelques gestes d’inclusivité. Rien de moins sûr alors qu’un compagnon de route de la junte vient de se voir priver de concourir à la chambre haute (cf. la présidente du Parti des pionniers du peuple (PPP), 25 octobre) et alors que quatre partis politiques ont été dissous brutalement en septembre, dont la Force nationale démocratique (NDF) très peu opposante aux généraux putschistes et à leurs intérêts.

 

A défaut de pouvoir compter immédiatement sur des gestes bienveillants de la junte, Bangkok veut demeurer au centre des discussions aseaniennes sur la Birmanie

 

Pour se faire, elle ne cache pas vouloir unilatéralement poursuivre ses échanges avec les parties aux conflits et mener un dialogue politiquement inclusif, via des discussions relatives aux aides humanitaires aux populations dans le besoin. Plus important encore, elle veut être incontournable dans les discussions aseaniennes. Il s’agit de peser lourdement sur le choix d’un Envoyé permanent de l’ASEAN, son mandat et la durée de celui-ci.

 

Autant d’attentes qui laissent à penser que la Thaïlande ne serait pas fâchée de voir remplacer le malaisien Tan Sri Othman Hashim par une autre personnalité. Sans s’avancer trop avant diplomatiquement et médiatiquement, elle verrait bien l’un des siens assumer le rôle de 2026 à 2028, le Royaume prenant dans trois ans la présidence tournante de l’ASEAN. Si les élections générales thaïlandaises se déroulent le 29 mars 2026, Sihasak Phuangketkeow, lui-même, pourrait se trouver « libre » et être le mieux préparé des fonctionnaires – politiques du Royaume pour assumer la fonction coordinatrice régionale. Pas sûr toutefois qu’une telle perspective fasse spontanément consensus parmi les États-membres, non du fait de la personne mais de sa citoyenneté.

 

Le sujet birman est si clivant parmi les pays de l’ASEAN que les dirigeants ont crû bon insister au point 20 sur l’impératif de consultations étroites entre les États-membres afin de garantir un suivi cohérent des 5PC et la pérennité des efforts collectifs de l’ASEAN. Au point 21, il a même été inscrit noir sur blanc que tout effort des États membres de l’ASEAN doit être coordonné avec la présidence tournante de l’association régionale et resté conforme avec les 5PC.

 

Dans ce contexte, la question d’un Envoyé spécial plus pérenne n’ayant pas été tranchée à Kuala Lumpur, il appartient désormais aux hauts fonctionnaires des ministère des Affaires étrangères de trouver et proposer une solution. Sauf à organiser de nouvelles réunions de haut niveau d’ici la fin d’année, celle-ci n’interviendra peut-être pas avant le début de l’an prochain. En attendant, en 2026, la Birmanie ne présidera pas l’ASEAN à son tour prévu. Son chef d’État et son ministre des Affaires étrangères demeurent aussi suspendus des instances régionales et devront continuer à se faire représenter par une personnalité « non-politique ».

 

La Birmanie pourrait bien attendre 2034 ou 2035 pour présider à nouveau l’ASEAN

 

Autrement dit, cette charge présidentielle régionale ne devrait pas incomber au gouvernement qui sortira de la majorité parlementaire militaire au printemps prochain ; le Timor oriental étant devenu à son tour un État-membre de plein exercice. L’accession de Dili au statut de onzième membre de l’ASEAN constitue pour le général Mi Aung Hlaing l’une des autres mauvaises nouvelles du sommet de Kuala Lumpur.

 

Nay Pyi Taw n’a pas été en mesure de s’opposer à la venue de Dili dans l’organisation régionale. Or, le président et le premier ministre timorais ne cachent pas leurs sympathies vocales et matérielles à l’opposition démocratique birmane. Un défi au long cours pour le régime militaire puisque la prochaine élection présidentielle timoraise est attendue en mars 2027 et les législatives en mai 2028.

 

Au final, les conclusions du sommet de Kuala Lumpur ne font pas avancer la cause du régime militaire qui s’est emparée du pouvoir par la force le 1er février 2021. Si le général Min Aung Hlaing a pu sortir quelque peu de son isolement régional à la faveur des secours apportés après le tremblement de terre dit de Mandalay, il n’a pas vraiment gagné en légitimité auprès de ses pairs d’Asie du Sud-Est. Leurs attentes passées demeurent inchangées y compris en termes de cessez-le-feu, et globalement insatisfaites. Quant à celles nées du processus électoral annoncé par la junte, elles semblent d’ores et déjà inaccessibles, faute de crédibilité et d’inclusivité.

 

François Guilbert

 

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