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GAVROCHE – ROMAN: «La voie du farang», épisode 17: Attention aux oligarques !

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 02/01/2021
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Cette fois, le grand jeu prend forme pour notre agent très spécial dans cette «voie du farang» qui nous révèle les dessous de l’Asie. Un ex agent secret français peut il se mesurer à un oligarque russe ? Grâce à Patrice Montagu Williams, nous allons vite le savoir…

 

Un roman inédit de Patrice Montagu Williams

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvana.

 

Rappel de l’épisode précédent : L’action se déroule à présent de nos jours. Nina, victime d’un syndrome de stress post-traumatique grave, est clouée sur une chaise roulante et semble retombée en enfance.

 

Épisode 17 : Attention aux oligarques

 

La soif de vengeance a ceci de positif qu’elle vous interdit d’oublier. Martin se repassait tous les jours en boucle le film de ce qui s’était passé : à sa sortie de l’hôpital, Nina lui avait tout raconté, un soir, avant de plonger dans un mutisme profond.

 

Quand elle avait contacté le Russe en lui disant que, jeune journaliste, elle voulait l’interviewer, ce dernier l’avait invitée à venir assister à la répétition générale d’un ballet, à l’Opéra Garnier, que donnait le Bolchoï dont il était le mécène, chez lui, en Russie.

 

Galerie des batailles

 

Piotr Olenska avait déjà fait parler de lui, quelques années plus tôt, en organisant une représentation privée de la célèbre troupe à l’Opéra de Versailles, représentation suivie d’un dîner de cinq cent personnes, Galerie des Batailles.

 

Olenska aimait beaucoup la France et possédait un hôtel particulier à Paris ainsi que des résidences à Courchevel et à Cannes. Et la France le lui rendait bien. Elle n’avait pas le choix : il était l’un des intimes du Grand Chef.

 

À la tête d’un immense conglomérat regroupant quatre-vingts sociétés présentes dans de nombreux secteurs allant de l’automobile à l’énergie en passant par les travaux publics, il employait près de trois cent mille personnes. Sa fortune était estimée à plus de vingt milliards de dollars. Yacht de soixante-dix mètres, jet privé, Piotr incarnait jusqu’à la caricature le système post-soviétique des oligarques. L’arrogance qu’aurait pu lui conférer son incroyable réussite était toutefois tempérée par un fort complexe d’infériorité qui tenait à sa petite taille que des chaussures sur mesure à talon de chez Berluti n’arrivaient pas à masquer et qu’il essayait de compenser en pratiquant le sambo, un mélange de judo, de boxe et de lutte datant de l’époque des soviets. De plus, et bien qu’il soit poursuivi par la justice de plusieurs pays, les grands de ce monde savaient qu’il était incontournable pour tous ceux qui voulaient faire des affaires en Russie. Il est vrai que ses liens avec le pouvoir étaient profonds. Il avait su se rendre doublement indispensable, d’une part en créant Debriefing, une agence qui se présentait comme indépendante et qui n’était en fait qu’une « usine à trolls » employant une centaine de blogueurs qui diffusaient en permanence sur internet une information manipulée et, d’autre part, en finançant Red Square, une armée privée de près de trois mille hommes issus pour la plupart des Spetsnaz, les forces spéciales russes, qui intervenait là où le Kremlin ne pouvait le faire directement, en Syrie ou en Libye notamment.

 

Seul dans sa loge

 

La porte de la loge était gardée par deux cerbères auxquels elle montra sa carte de presse. Quand elle entra, un homme petit et trapu se leva et lui prit la main pour la faire asseoir à côté de lui. Au loin, sur la scène, la troupe répétait Spartacus, l’opéra de Aram Katchatourian composé en 1954 qui avait connu un immense succès du temps de l’Union Soviétique.

 

— Notre pays retrouvera sa grandeur passée, dit Piotr Olenska à Nina au début de l’interview, quoiqu’il nous en coûte. Notre président est là pour s’en charger !

 

Au lieu de regarder la scène, l’homme ne la quittait pas des yeux.

 

— Tu n’es pas française, Nina, lui dit-il au bout d’un moment. Tes yeux bridés et ton teint mat t’ont trahi. Mais, ne t’inquiète pas, il y a beaucoup d’Asiatiques chez nous : des Tatars, des Kazakhs, des Ouzbeks, des Kalmouks, des Kirghizes…

 

— Je suis Karen, répond-t-elle, un peuple originaire du sud-est de la Birmanie.

 

— Tu es une réfugiée, alors. C’est un peu comme moi : j’ai dû fuir mon Caucase natal, mais je n’ai rien oublié. Toi non plus, j’en suis certain.

 

— J’avais trois ans quand je suis venue en France. Je me sens française mais j’ai fait beaucoup de recherches sur mon peuple. Un jour j’écrirai un livre sur lui et sur ce que lui font subir les Birmans…

 

— Karen ou Française, tu es très belle, tu sais.

 

Alors l’homme se lève et tire le rideau qui ferme la loge.

 

— Tu me plais, Nina. Tu me plais beaucoup et aucune femme n’a jamais résisté à Piotr Olenska.

 

Un combat inégal

 

De l’extérieur, on n’entendit rien. Il faut dire que le combat était physiquement trop inégal. De plus, sur scène, les danseurs entamaient à ce moment la « danse des pirates » tandis que cœur et orchestre se déchaînaient. Les gorilles, écouteurs aux oreilles, restèrent impassibles jusqu’à ce que Nina, à moitié nue, jaillisse de la loge et se mette à courir dans le couloir, vers la sortie. L’un des deux hommes se lança après elle pour essayer de la rattraper. Trop tard : sans doute perturbée par la vue de marches de marbre blanc, tantôt concaves, tantôt convexes, la fille perdit l’équilibre et dévala sur le dos le célèbre escalier jusqu’à l’une des deux statues en bronze plantées au pied de l’escalier qui tenaient une torche.

 

Quand le garde du corps se pencha sur elle, Nina ne bougeait plus et respirait à peine. Un peu de sang coulait de sa bouche entr’ouverte. Le SMUR, le Service Mobile d’Urgence et de Réanimation, l’évacua vers les urgences de l’hôpital Lariboisière.

 

Des médias très discrets

 

On ne mentionna l’affaire dans les médias que pour préciser que la journaliste s’était blessée grièvement en glissant sur les célèbres escaliers de l’Opéra Garnier après avoir interviewé un homme d’affaires russe très connu qui assistait à une répétition de la troupe du Bolchoï, dont il était le mécène. Le seul témoin de l’accident était le garde du corps.

 

Interrogé quelques jours plus tard par une chaîne d’information en continu, suite au dépôt de plainte pour viol qu’avait effectué Martin, viol qu’avait confirmé les examens médicaux subis par Nina, Piotr Olenska se dit bouleversé par ce qui était arrivé à la jeune journaliste. Il nia avoir commis la moindre violence vis-à-vis de la jeune fille et assura qu’elle avait quitté calmement la loge après l’interview. Il se montra rassuré qu’elle ait survécu à une chute qui aurait pu être mortelle, quoiqu’elle soit encore plongée dans un coma artificiel et que l’on ne sache pas si elle pourrait marcher à nouveau, et annonça qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour lui venir en aide ainsi qu’à sa famille. Déplaçant tout de suite l’affaire sur le plan politique, il ajouta qu’il voulait absolument éviter que l’on se serve de l’action en justice entamée par le père de la victime, dont il partageait l’émotion, pour nuire aux excellentes relations qui existaient entre la France et la Russie.

 

A suivre…

 

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