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GAVROCHE – ROMAN: «La voie du farang», épisode 15: Asie du Sud-Est, version DGSE

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 27/12/2020
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Retour en France provisoire pour le héros de «La Voie du farang», le roman de Patrice Montagu-Williams. Le voici muté à la Direction de la Stratégie au sein des services secrets français. Mais l’essentiel est pour lui ailleurs: s’occuper de sa fille…

 

Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvana.

 

Rappel de l’épisode précédent :le camp de Ban Mai Nai Soi est attaqué et Jessie, prise en otage, est assassinée. Martin décide alors de rentrer en France en emmenant la petite Nina avec lui…

 

Épisode 15 : Asie du sud est, version DGSE

 

Martin a installé Nina près du hublot et quand le Boeing 747-400 entame sa descente vers Charles-De-Gaulle, il la réveille doucement et lui montre du doigt la Tour Eiffel, sur la droite de l’appareil. Il explique à la petite fille qu’ils iront la visiter sitôt débarqués. Ils grimperont tout en haut et, de là, elle pourra voir Paris, la ville où, maintenant, elle va vivre.

 

Nina reste silencieuse. Sa tête lui tourne et elle ne sait pas où elle est. Quand cet homme, ce farang, qui dit qu’il est son Ph̀x, son papa, l’a fait pénétrer dans le ventre de ce grand oiseau blanc, plus grand que Garuda lui-même, elle a pensé qu’elle allait retrouver sa Mæ̀, sa maman, qui était montée au ciel.

 

Elle n’a pratiquement pas parlé

 

Depuis qu’elle a quitté le camp, elle n’a pratiquement pas parlé. Elle essaye de tout enregistrer. Quand on est réfugiée, la première des choses que l’on apprend, dès que l’on sait marcher, c’est à regarder de tous les côtés et à ne rien oublier car le danger est partout.

 

Peu après le décollage, la grande farang blonde qui portait une blouse blanche et une jupe bleu marine lui a apporté un verre de jus d’orange avec des céréales trempées dans du lait froid. Elle n’avait jamais goûté à ça auparavant. C’était bon. Après, elle a dormi pendant tout le reste du voyage, son pouce dans la bouche.

 

Le raconteur d’histoires

 

À son retour en France, Martin s’était fait muter à la Direction de la Stratégie. Ce poste administratif, où il était chargé de l’analyse et de la synthèse des renseignements en provenance d’Asie du Sud-Est, lui laissait le temps de s’occuper de Nina. Tous les matins, il la laissait à la crèche municipale, rue de l’Abreuvoir. Le soir, avant de la mettre au lit, il lui lisait les histoires de Babar, dont le dernier titre, Babar et la cité perdue, était paru l’année passée. Il n’avait pas choisi ce personnage de roi des éléphants au hasard : l’animal faisait partie de l’imaginaire de l’enfant et ces contes lui permettaient de commencer à lui apprendre le français. Elle les aimait tous : Babar, Céleste, son épouse, ainsi que leurs quatre enfants : Pom, Flore, Alexandre et Isabelle. Mais celui que Nina préférait, c’était Zéphir, un singe, le plus ancien ami de Babar. Et, bien sûr, elle détestait Rataxès, le roi des rhinocéros, l’ennemi du Grand Chef.

 

Martin se disait qu’il était un peu pour Nina ce qu’était Stevenson pour les indigènes des îles Samoa qui avaient surnommé l’Écossais Tusitala, « le raconteur d’histoires ».

 

Les copains de la Butte

 

Et puis, un jour, il décida de présenter solennellement la petite fille à ses copains de la Butte.

 

Ils se retrouvèrent à La Mascotte. À sa création, en 1889, le café occupait tout le rez-de-chaussée d’un hôtel de deux étages. C’était plus ou moins un bordel qui s’appelait alors Le Pompéia où Piaf et son pianiste vécurent dans les années trente.

 

Ce soir-là, ils étaient tous présents : les habitués, bien sûr, mais encore Max, un grand maigre qui se teignait les cheveux en bleu Yves Klein, son maître, un artiste plasticien qui ne sortait pourtant pratiquement jamais de chez lui où il passait ses journées et ses nuits à faire des collages. Michou aussi avait tenu à être là. Il était accompagné pour l’occasion de Missguinguette, l’une des vedettes de son show, et de Sebastião Salgado, le célèbre photographe franco-brésilien, un amoureux de Montmartre.

 

— Il nous fallait une star pour photographier Nina, tu comprends, expliqua-t-il à son ami.

 

Plus tard, Martin fit encadrer la photo noir et blanc, dédicacée par le maître. En la posant sur le demi-queue Pleyel qui occupait tout un coin du salon, il se souvint de la phrase de Giacometti qui disait que, dans un incendie, entre un Rembrandt et un chat, il sauverait le chat. Lui, dans un incendie, c’est cette photo qu’il sauverait.

 

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