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Laos: Somsanga, désintoxication entre les barlelés

Journaliste : Paul Thélès
La source : Gavroche
Date de publication : 17/12/2012
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L’ancien centre de détention devenu centre de désintoxication garde un certain mélange des genres qui traduit une évolution des mentalités encore hésitante.

 

À l’intérieur de l’enceinte, entourée de hauts murs coiffés de barbelés, les gardiens ont été réduits au minimum. Assis à l’ombre du bâtiment, un officier de police en civil bavarde avec les détenus. L’ancienne tour de contrôle a baissé la garde. À l’intérieur comme à l’extérieur, les lois de la petite corruption vont bon train et les paquets de cigarettes s’échangent à plus de 100 000 kips (380 bahts) contre 5 000 sur le marché.

 

Dans chaque cellule, une quarantaine d’anciens toxicomanes au crâne rasé s’entassent sur l’immense planche de bois qui court le long du mur et fait office de lit. Le nombre de détenus dépasse largement la capacité d’accueil (954 personnes pour 700 places) et les repas sont maigres. La plupart d’entre eux ont été envoyés là par leurs familles, souvent aidées de la milice. D’autres ont été embarqués par les forces de l’ordre. En décembre dernier, quelques semaines avant le début des 25e Jeux d’Asie du Sud-Est, le dortoir des filles a notamment été rempli par les fourgons de la police chargés de « nettoyer » le centre-ville de la capitale laotienne. Les opiomanes ont désormais disparu de Somsonga, mais celui-ci n’a pas désempli pour autant. Avec 85 % de consommateurs de yabaa, l’ancien centre de détention devenu centre de réhabilitation en 2002, répond aujourd’hui à un besoin de prise en charge d’un nombre croissant de toxicomanes.

 

Deuxième chance

 

Si les barreaux de fer et les barbelés rappellent la fonction première du centre, du chemin a été parcouru depuis 1996, lorsque les jeunes envoyés à Somsanga, alors sous la coupe du ministère de la Sécurité, devaient gérer leur désintoxication eux-mêmes, sans aucune aide médicale.

 

Avec l’appui de l’ONUDC, la détention s’est peu à peu mutée en désintoxication médicamenteuse et programme de réinsertion sociale. Doucement, le centre a ouvert ses portes aux familles, qui défilent tous les matins les bras chargés de provisions, rendent visite aux détenus avant de s’entretenir avec un travailleur social. Le but : comprendre pour mieux guérir. Peu à peu, les tabous sont tombés, avec leurs lots d’idées reçues. Le criminel est devenu patient.

 

Taekwondo, football, cours d’anglais et d’informatique, formations professionnelles en mécanique, couture, restauration permettent aux patients de retrouver une estime d’eux-mêmes, un sentiment d’utilité et une perspective d’avenir. Avec l’aide de l’ONUDC, certains jeunes établissent un contact avec leur futur employeur avant même leur sortie.

 

Le pari est d’ampleur colossale puisqu’il s’agit de réinsérer des jeunes dans une société où « toxicomane » est encore synonyme de « fou dangereux » ou de « criminel », et où l’approche habituelle des institutions publiques consiste davantage à soigneusement dissimuler les indices de tout malaise social qu’à tenter d’en panser les plaies.

 

Aujourd’hui encore, il suffit de prononcer le mot de Somsanga pour mettre le système de surveillance nationale en branle. Il faut compter plusieurs mois pour obtenir les autorisations nécessaires pour finalement se voir servir un discours protocolaire agrémenté d’un regard méfiant. Outrepassez la procédure et l’on se chargera de vous rappeler que vous êtes sous étroite surveillance, et que le département de la Sécurité ne s’est pas complètement désolidarisé du centre. En 2009, un millier de jeunes ont été traités, avec néanmoins 20% de rechute, un taux plutôt faible si on le compare à celui des institutions similaires dans la région.

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