Cuisine spiritualité

Date de publication : 05/04/2024
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Cuisine spiritualité, Stock

 

La spiritualité passe par l’assiette, surtout en Extrême Orient.

 

Une chronique culinaire et culturelle de François Guilbert

 

La journaliste genevoise Véronique Zbinden nous fait partager quelques-unes de ses belles rencontres gastro-spirituelles. Elle nous conduit du Jura suisse à la Corée et au Japon, des tables les plus renommées de New York et Paris à des restaurants monastiques quasi-étoilés. On se familiarise avec les pratiques culinaires jaïnes, bouddhistes, taoïstes et zens. On croise des nonnes de l’ordre Jogye, des philanthropes occidentaux mais également des cueilleuses héritières de l’étonnante mère-abbesse du XIIème siècle Hildegarde de Bingen.

 

Sans le moindre doute, l’auteure a autant de sympathies pour les chef(fe)s rencontré(e)s que pour leurs plats mitonnés, leurs lieux de retraite et leurs démarches spirituelles. Cette balade heureuse est l’occasion de souligner combien végétarisme et véganisme ont gagné la haute cuisine.

 

Sur ce parcours humaniste et philosophe où il est vanté une cuisine « simple », centrée sur la fraicheur et l’immédiateté des produits cueillis à proximité des fourneaux, on n’est pas surpris de croiser le rayonnant chef italien Massimo Bottura et la Fondation Food for Soul, l’ONG urgentiste World Central Kitchen ou encore l’américain Daniel Humm initiateur de l’organisation non gouvernementale Rethink Food. Les menus esquissés sont tout sauf austère. C’est d’ailleurs ce qui a nourri la curiosité des entrepreneurs multi-étoilés Alain Ducasse, Pascal Barbot ou encore René Redzepi.

 

Exemples à l’appui, on perçoit que cuisiner peut constituer une manière de méditer. C‘est si vrai qu’en Corée, il existe au sein de l’Office culturel du bouddhisme un service de promotion de la cuisine monastique.

 

Les religieux (cf. moine-cuisinier (tenzo)) se forment et obtiennent des certifications de l’excellence de leurs plats pour pouvoir accueillir des touristes. In situ, ce sera pour ces derniers l’occasion de se pencher avec Jeong Kwang, Toshio Tanahashi, Vénérable Wookman et quelques autres encore sur les ingrédients et les saisons, la valeur des assaisonnements, le sens de certains interdits (cf. le bannissement des cinq condiments cousins de l’oignon, l’électricité dans le cas de la cuisine shojin), l’intérêt médicinal et cosmologique plus ou moins éprouvé des ingrédients ou encore les modes de transformation liées à la fermentation. La cuisine monastique s’avère non seulement raffinée mais elle sait s’ouvrir à une gamme de plus en plus élargie d’huiles, d’herbes et de de végétaux.

 

Dans cette approche de la culture culinaire, homme et produits de la nature ne font qu’un. En un mot, il s’agit d’offrir une cuisine dictée par les émotions les plus positives. Elle doit savoir « entendre » chacun de ses produits et leurs combinaisons. D’une certaine manière, elle constitue un retour aux sources et aux saveurs, notamment dans des pays qui ont connu ces dernières décennies un développement économique fulgurant, parfois en abandonnant les racines et les savoir-faire anciens.

 

Au fil des chapitres, Orient et Occident se retrouvent dans une aspiration concomitante pour le naturel. Chacun marque un intérêt pour les petits produits goûteux et les terroirs. Pour ceux qui ont les fumets qui leur montent aux narines, près d’une trentaine de recettes leurs sont proposées en fin de manuscrit. Ils pourront poursuivre ainsi leur quête et démarches culinaires, culturelles et spirituelles.

 

Véronique Zbinden : Cuisine spiritualité, Stock, 2023, 231 p, 19,90 €

 

François Guilbert

 

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