Préférez vous les Ramens aux Tom Yam ?
Notre chroniqueur gastronomique François Guilbert ne tranche pas, mais il a gouté pour vous ce beau livre…
Qui pouvait mieux qu’Hayato Ishiyama écrire un guide consacré aux ramens, ces soupes de nouilles nippones agrémentées de diverses garnitures ? Depuis son époque étudiante à l’université Kokugakuin de Tokyo, l’auteur consacre sa vie à ce plat des plus populaires au Japon. Il le promeut à la télévision et à l’étranger, se faisant tour à tour historien, consultant ou critique gastronomique.
Sa passion pour ce volet de la cuisine de l’archipel l’a conduit à fréquenter ces restaurants dédiés aux quatre coins de l’archipel – plus de 6000 dit-il -, en Europe et en Amérique du nord. Son guide des ramens est donc en premier lieu un répertoire des meilleures adresses au Japon. Au travers de 54 tables, il dépeint toutes les élaborations possibles du bol de nouilles et la spécificité de chaque établissement. Pour les gourmets qui voudraient y consommer, l’auteur à penser à eux en déclinant adresses, heures et jours d’ouvertures, numéros de téléphone et coordonnées des sites internet.
Bien plus qu’un guide pratique en langue française et japonaise, les recensions d’Hayato Ishiyama vous font découvrir combien les ramens venus de Chine et apparus dans les quartiers chinois de Kobe et Yokohama ou tokyoïte d’Asakusa il y a un peu plus d’un siècle, à l’heure de la transition de l’ère Edo à celle de Meiji, ne cessent de changer de modes de fabrication, de formes, de goûts et d’ingrédients.
Au fil des pages, on est étonné par le nombre des novations introduites dans la capitale et en provinces depuis un quart de siècle. Vous voilà donc parti à la découverte du style tsukemen (nouilles froides trempées dans un bouillon chaud), des aburasoba (nouilles mélangées au saindoux et à la sauce tare) et d’une dizaine de spécialités régionales parmi lesquelles figurent les plus connues d’Hakata dans la circonscription de Fukuoka, celles de Kitakata dans la préfecture de Fukushima ou encore de Sapporo sur l’île d’Hokkaido. Les connaissances encyclopédiques de l’auteur sont telles que pour certaines variations, il est à même de dire à ses lecteurs dans quel restaurant elle a été créée, à quelle date et par quel chef. Au-delà de ces informations les plus détaillées, Hayato Ishiyama s’est fait très didactique dans ce volume pour mettre en valeur « son » plat de prédilection.
Tout savoir sur les nouilles
Dans un livret illustré par chaque bouillon emblématique, on se familiarise aussi avec le miso, les différentes variétés de nouilles (hosomen (fines), chubosomen (moyennes), futomen (épaisses)), les diverses garnitures (cf. porc braisé, œuf mollet mariné, algues séchées, ciboule, pousses de bambou fermentées, wonton…), le vocabulaire des cuissons mais aussi les préparations aux sardines séchées ou aux os de porc, de bœuf et de poulet. Ce vaste tour d’horizon des archétypes et de leurs évolutions vous donne l’eau à la bouche et une idée des combinaisons de saveurs qui vous attendent. Malheureusement, ce guide n’est pas un livre de recettes. Il faudra donc s’en remettre à d’autres ouvrages ou vous rendre dans des restaurants japonais qui ont des enseignes à l’étranger.
L’auteur en a décrit une dizaine dont quatre sont présentes en Thaïlande (Hakata Ikkôsha, Ippudô, Nantsuttei, Santôka) et une en France depuis 2015, trente ans après son ouverture à Fukuoka (Ippudô – Saint Germain). Dans le cas de l’hexagone, H. Ishiyama aurait pu mentionner Dosanko Larmen, un cas intéressant puisqu’il s’agit d’une excroissance d’une chaîne new-yorkaise installée rue Saint Anne à Paris, le quartier « japonais » de la capitale.
A défaut de cette adresse voire d’autres, tant les cantines de ramens se sont multipliées en France comme à travers le monde, notre expert es-ramens vous dit tout de l’étiquette pour dévorer votre bol (Commencez par goûter une cuillère plutôt que de vous jeter comme un mort-de-faim sur vos nouilles !), des six phrases de conversation indispensables au succès de votre repas et de l’utilisation des distributeurs de tickets qui permettent de constituer son menu dans nombre d’établissements du Japon.
Pour, les plus inquiets sur la configuration d’un restaurant de ramens, l’auteur a mis sur deux pages le croquis d’une salle type. Loin des ramens instantanées lancées par Nissin Foods en 1958 et des multiples gammes apparues depuis (non décrites dans l’ouvrage), les plus chanceux, pour ne pas dire les plus gourmets, se rendront, eux, autour des tables distinguées par une étoile au guide Michelin, toutes à Tokyo : Tsuta (le premier en 2015, perdue en 2020), Nakiryu ou encore Konjiki Hotogizu. Les ramens ne relèvent pas en effet seulement de la restauration rapide et peu coûteuse. Dans une démarche plus documentaire et contemplative, il vous restera à visiter le musée des ramens de Shin-Yokohama.
Hayato Ishiyama : Le guide des ramens, Omaké Books, 2024, 112 p, 10 €
François Guilbert
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