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L’ordre mondial passé et futur : pourquoi la civilisation mondiale survivra au déclin de l’Occident

Date de publication : 05/06/2025
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La recherche universitaire, ce soft power… une chronique géopolitique de Ioan Voicu

 

C’est un plaisir d’informer les lecteurs du site Gavroche que l’un des ouvrages les plus marquants de 2025 dans le domaine des relations internationales s’intitule « L’ordre mondial passé et futur : pourquoi la civilisation mondiale survivra au déclin de l’Occident » (The Once and Future World Order: Why Global Civilization Will Survive the Decline of the West), d’Amitav Acharya, publié par Basic Books, une filiale de Hachette Book Group, Inc. à New York.

 

Cet ouvrage de 464 pages (date de publication : 10 avril 2025) est écrit par Amitav Acharya, professeur distingué et primé d’affaires internationales à l’American University. Né en Inde, il a vécu et travaillé à Singapour, au Canada, au Royaume-Uni, en Chine et aux États-Unis, et est lui-même une personnalité internationale de renom.

 

Notre chronique étant consacrée uniquement à quelques aspects clés de l’ordre mondial actuel et futur, tel qu’il est perçu en Asie, nous invitons les lecteurs à se pencher avant tout sur le contenu général de cet ouvrage riche et exceptionnellement bien documenté. Il comporte 14 chapitres dont les titres symboliques et attrayants sont : Introduction ; Premiers fondements ; Mythes grecs et puissance perse ; Conquête et compassion ; La voie du ciel ; La colère de Rome ; Rajeunir le monde ; Les connecteurs mondiaux ; L’essor de l’Occident ; Le monde perdu ; L’Afrique interrompue ; Le double standard de l’Europe ; La Cité sur la colline ; Le retour du reste ; L’ordre mondial passé et futur.

 

Parag Khanna, éminent écrivain indien, a décrit cet ouvrage instructif de la manière suivante : « La géopolitique du XXIe siècle sera un marché, et non un monopole. Dans ce riche ouvrage qui relie les civilisations anciennes aux débats modernes, Acharya nous rappelle que l’ordre mondial multipolaire et multicivilisationnel en cours de développement est la norme historique et doit être célébré comme une opportunité de diffusion du savoir dans toutes les directions. Un guide essentiel pour le monde post-occidental. »

 

Constats convaincants

 

Amitav Acharya entame ses réflexions sur l’Asie sur un ton très critique :
« L’idée de rationalité grecque a persisté dans les esprits occidentaux jusqu’à nos jours, se reproduisant dans les représentations eurocentriques et orientalistes occidentales de l’Asie et d’autres civilisations non occidentales. Cela conduit les chercheurs occidentaux à dénigrer les modèles historiques non occidentaux d’ordre mondial – tels que ceux développés par la Perse, la Chine et l’Inde –, imprégnés de divinité et de hiérarchie impériale, par opposition à la Grèce prétendument despotique, rationnelle, laïque et surtout « libre ». Cette mentalité crée un contraste trop marqué entre l’Occident et le reste du monde. » (p. 51)

 

Dans le même contexte, une autre explication utile est proposée :
« Un aspect remarquable de cette diffusion des idées indiennes en Asie du Nord et du Sud-Est est qu’elle s’est accomplie sans coercition ni conquête. On pourrait comparer cette indianisation – comme certains historiens appellent ce phénomène – à l’hellénisation, c’est-à-dire la diffusion des idées et des institutions grecques en Méditerranée occidentale et en Asie occidentale. » (p. 55)

 

Une observation intéressante et d’actualité concerne la Chine, qui a réussi à « conserver sa place au sommet de la hiérarchie des nations en Asie de l’Est et du Sud-Est sans avoir à envoyer de troupes ni de bureaucrates coloniaux pour occuper et administrer directement des territoires subordonnés plus éloignés. On était loin de l’ordre mondial que l’Europe et l’Occident avaient bâti sur une grande partie du monde. » (p. 96)

 

Un fait historique important est rappelé avec pertinence :
« Lorsque les Européens arrivèrent en nombre visible en Asie au XVIe siècle, ils signèrent des traités avec les dirigeants locaux. Initialement, il s’agissait de traités d’égalité, différents de ceux que les Britanniques et les autres Européens allaient imposer à la Chine après les Guerres de l’Opium. Ces premiers traités impliquaient des obligations réciproques, des concessions en échange de droits, de taxes, etc. Mais au XIXe siècle, ces traités disparurent et les accords, s’ils existaient, devinrent unilatéraux ou inégaux. Dans ces conditions, il est difficile d’accepter l’argument selon lequel le colonialisme extractif n’aurait rien à voir avec l’essor de l’Europe au XIXe siècle. » (p. 195)

 

Approfondissant les explications historiques, Amitav Acharya affirme que
« l’assujettissement des sociétés autochtones par les Européens et l’extraction de leurs ressources ont sans conteste été les forces les plus puissantes qui ont permis à l’Europe de devancer les autres civilisations plus avancées d’Asie et de l’Islam. L’impérialisme européen a donc été à l’origine de la construction d’un ordre mondial d’envergure mondiale. » (p. 200)

 

Pour plus de précision chronologique, il est rappelé qu’ « en 1600 et 1602, les Compagnies britannique et néerlandaise des Indes orientales ont été établies, créant des monopoles commerciaux approuvés par l’État. Cela a marqué le début du processus par lequel l’Europe allait établir une possession coloniale pure et simple de la quasi-totalité de l’Asie du Sud, du Sud-Est et de l’Est (à l’exception de la Thaïlande, de la Chine et du Japon). » (p. 247) Le rôle du Japon n’a pas été oublié lorsqu’il a décidé de se tourner vers le colonialisme, s’emparant de Taïwan, de la Corée, de la Mandchourie, puis de la majeure partie de l’Asie du Sud-Est et de la moitié de la Chine républicaine.

 

Un exemple intéressant est tiré de la pratique chinoise : le leader nationaliste Sun Yat-sen a défendu les liens panasiatiques, principalement comme stratégie d’unité politique contre les puissances européennes qui dominaient encore la Chine. Des militants et des intellectuels ont également mené des projets panasiatiques, notamment en Chine, au Japon, en Inde, au Vietnam et aux Philippines. Un groupe a créé la Société de solidarité asiatique à Tokyo en 1907 pour promouvoir l’unité et la coopération panasiatiques. (p. 317)

 

Actualisant le récit, Amitav Acharya souligne plusieurs évolutions importantes. Avant la guerre russo-ukrainienne de 2022, l’Asie avait dépassé l’Europe en termes de dépenses de défense. Pour la première fois dans l’histoire moderne, les pays européens membres de l’OTAN ont augmenté leurs dépenses de défense, mais la pérennité de cette hausse reste à démontrer. La Chine, l’Inde, le Brésil et la Corée du Sud fabriquent une gamme de missiles, de chars, d’avions et de navires de guerre sophistiqués. L’avènement des drones a renforcé les capacités de nations non occidentales comme l’Iran et a encore entamé la supériorité militaire occidentale. (p. 334)

 

Cependant, les conclusions finales de l’auteur, tirées de l’analyse des événements actuels, sont pacifiques. Il estime que « bien que les civilisations s’affrontent, elles peuvent aussi interagir pacifiquement. » La diffusion de la religion et des idées politiques indiennes en Asie, en particulier en Asie du Sud-Est et en Asie du Nord-Est, s’est faite majoritairement de manière pacifique, tout comme la diffusion de la culture et des idées chinoises. « Aucune civilisation ne progresse sans apprendre des autres. » (p. 344)

 

Une vision multiplexe du monde

 

D’un point de vue académique, une thèse défendue par l’auteur de l’ouvrage dont il est question mérite d’être reproduite intégralement. Elle affirme : « Si les craintes occidentales concernant le nouvel ordre mondial sont exagérées, quelle sera exactement la forme du monde futur ? » Pour commencer, j’appelle cet ordre mondial un multiplexe, plutôt que « multipolaire », comme le disent la plupart des experts et des dirigeants actuels. Les deux termes peuvent sembler similaires, mais il existe trois différences fondamentales. Premièrement, dans la multipolarité, les conflits et la coopération sont façonnés par une poignée de grandes puissances utilisant leurs capacités militaires et économiques supérieures. C’est ce qu’ont fait la Grande-Bretagne, la France, la Russie, la Prusse et l’Autriche-Hongrie au XIXe et au début du XXe siècle. Au XXIe siècle, les candidats à ce rôle seront la Chine, l’Inde, les États-Unis, l’UE, et parmi eux la Russie.

À l’instar d’un cinéma multiplexe – où l’on peut visionner des films avec différents producteurs, réalisateurs, acteurs et scénarios – un ordre mondial multiplexe est géré par l’interaction d’un nombre croissant d’acteurs, notamment des entreprises, des fondations, des organisations non gouvernementales et des particuliers stimulés par les médias sociaux. Deuxièmement, dans un monde multipolaire, ce sont les instruments de puissance militaires et économiques qui comptent le plus. Un monde multiplexe, en revanche, prend en compte le rôle des idées et de la culture. Troisièmement, dans un monde multiplexe, non seulement le nombre de grandes puissances augmente, mais de nouvelles formes de leadership et de coopération émergent. Les grandes puissances traditionnelles ne peuvent pas, en réalité, diriger dans tous les domaines. Au contraire, la capacité de leadership varie d’un sujet à l’autre. (p. 356)

 

Conclusion

 

Dans son ouvrage érudit, Amitav Acharya propose une vision vaste, convaincante et pleine d’espoir de l’avenir de la civilisation mondiale – une vision qui ne dépend pas de la domination d’une région ou d’une culture particulière, mais qui prospère grâce à la diversité continue, au dialogue et à l’apprentissage mutuel. Rejetant l’idée que le déclin de l’hégémonie occidentale annonce une descente au chaos, Amitav Acharya envisage plutôt, en utilisant une expression personnelle, un ordre mondial « multiplexe », façonné de manière collaborative par les civilisations occidentales et non occidentales.

 

À travers une perspective profondément documentée et décoloniale, Amitav Acharya remet en question les hypothèses souvent ancrées dans les relations internationales et la politique mondiale, qui ont longtemps privilégié les seuls récits occidentalo-centrés. Son ouvrage apporte un correctif opportun et nécessaire aux cadres dominants qui ignorent ou sous-estiment souvent les riches contributions des civilisations au-delà de l’Occident. Cette recherche souligne avec force que toutes les civilisations sont interconnectées et capables de coexister, de s’adapter et de coopérer, malgré leurs nombreuses différences et tensions historiques actuelles.

 

Loin de déplorer ce que l’on appelle l’érosion de la primauté occidentale, Amitav Acharya célèbre l’émergence manifeste d’un monde polycentrique où l’interaction permanente de diverses valeurs civilisationnelles favorise l’innovation et la résilience. Dans cet ordre en évolution, aucune tradition ne peut monopoliser la sagesse ou l’autorité ; au contraire, l’humanité peut progresser en puisant sélectivement dans de multiples sources de savoir et de gouvernance. Ainsi, l’ouvrage « L’ordre mondial passé et futur : pourquoi la civilisation mondiale survivra au déclin de l’Occident » n’est pas seulement une grande étude géopolitique, c’est aussi une profonde réflexion sur le potentiel durable de la collaboration humaine au-delà des frontières.

 

Le message général d’Amitav Acharya est clair et optimiste : l’histoire ne s’arrêtera pas avec le déclin de l’Occident, ni ne régressera dans le désordre, comme l’affirment les pessimistes. Au contraire, elle continuera d’avancer, espérons-le de manière plus inclusive, plus juste et plus connectée à l’échelle mondiale que jamais auparavant.

 

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