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PHILIPPINES – REPORTAGE : Mont Mayon, l’homme face à un géant de la nature

Journaliste : Martin Bertrand
La source : Gavroche
Date de publication : 16/05/2020
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D’origine volcanique, les îles des Philippines font partie de la ceinture de feu du Pacifique et comptent de nombreux volcans encore en activité. Le mont Mayon, situé dans la province d’Albay, au sud-est de l’île de Luçon, connu pour sa forme la plus proche au monde de celle du cône parfait, est aussi le plus actif et abrite sur ses flancs une population nombreuse qui vit dans la crainte de la prochaine grande éruption… Ce reportage est proposé à nos lecteurs grâce à l’utilisation des archives de notre magazine.

 

Au bout d’un chemin difficile, dans une jungle éloignée des villes, se trouve Magapo, un village situé au pied du mont Mayon. C’est ici que vit Amalia Ansing, mère de quatre enfants. Elle évoque les difficultés de sa famille à habiter si près du cratère, à commencer par les nuages de cendres qui les forcent parfois à se couvrir les voies respiratoires et entraînent la mort des plantations de patates douces qui leur permettent de se nourrir en temps normal. Ils ont connu de légers tremblements de terre, mais la plus grosse difficulté reste celle de l’accès à l’eau. Comme ils vivent sur les hauteurs, l’eau du puits s’est évaporée depuis quelques années et ils doivent se contenter de l’eau récupérée à chaque averse. Malgré l’adversité, Amalia reste inquiète à l’idée de connaître une nouvelle fois une évacuation forcée.

 

Lors de la dernière éruption, d’octobre à décembre 2014, ils furent déplacés dans une école où ils vécurent à dix-sept familles (soit environ 90 personnes) à l’intérieur d’une salle de classe. Le plus traumatisant : la promiscuité et le manque d’hygiène dû aux difficultés d’accès aux toilettes et à l’eau. A l’occasion des fêtes de Noël, le maire leur a rendu visite afin de distribuer de la nourriture et offrir des jouets aux enfants. Quand ils regagnèrent enfin leur village, au bout de trois mois, leurs volailles et leurs animaux domestiques avaient succombé faute de nourriture.

 

La première éruption enregistrée date de 1616, et depuis, bien d’autres aussi meurtrières que destructrices ont suivi. La vraie problématique se retrouve dans les alentours du volcan : ils sont très peuplés. Les gens y travaillent et y vivent depuis des générations. L’épisode le plus traumatisant pour la région remonte au 1er février 1814. La lave ensevelit la ville de Cagsawa au point d’épargner seul le clocher de l’église. Douze mille personnes périrent.

 

Depuis, la verdure a réapparu parmi les roches volcaniques et l’église a été reconstruite sur les hauteurs de la ville de Daraga. On peut y observer le volcan et ses alentours. En 2014, à l’occasion du bicentenaire de la tragédie, une plaque fut apposée devant le clocher de l’église afin d’informer les visiteurs de l’histoire de ce lieu de recueillement devenu un emblème culturel.

 

Une légende qui remonte à la nuit des temps

 

Sur ces terres vivait Darang Magayon (« magayon » signifiant magnifique en tagalog, la langue locale), une sublime jeune fille convoitée par de nombreux hommes de différentes tribus. L’un d’entre eux, Pagtuga, grand guerrier chef de la tribu Iriga, insista pour lui demander sa main, mais la jeune fille n’était absolument pas intéressée.

 

Un jour, alors qu’elle marchait paisiblement le long d’une rivière, elle trébucha sur un rocher. Ne sachant pas nager, elle réussit à échapper à la noyade grâce à un garçon nommé Panganoron qui vint à son secours. Par la suite, le jeune homme courtisa la belle qui finit par tomber sous son charme. Son père, Rajah, ne fit aucune objection à cette union.

 

La légende raconte que lorsque Pagtuga apprit la nouvelle, il entra dans une colère noire et enleva le père de Darang pour l’emmener dans les montagnes. Comme il menaçait de le tuer si la jeune fille ne l’épousait pas, elle se résigna de peur qu’il ne mette sa menace à exécution. Lorsque Panganoron l’apprit, ses guerriers et lui se précipitèrent pour délivrer la belle. Une sanglante bataille eut lieu entre les deux tribus. Panganoron vainquît son adversaire mais il succomba par la suite à ses blessures. La bien-aimée courut vers son fiancé agonisant lorsqu’un archer du camp ennemi la transperça d’une flèche. Les deux amoureux moururent dans les bras l’un de l’autre sur le champ de bataille.

 

Les jours passèrent et de leur sépulture naquit une montagne, le volcan Mayon. Son appellation est un diminutif de Magayon, le nom de famille de la belle défunte. Certains continuent à dire que les éruptions du volcan seraient les pleurs des époux meurtris. Au contraire, d’autres racontent que l’esprit de Darang demeure-rait dans le volcan et celui de Panganoron dans les nuages. Ainsi, chaque année, il peut disperser la pluie pour enfanter les fleurs et les plantes fraîches afin de faire renaitre la beauté du volcan.

 

L’activité économique de la région est principalement centrée sur le volcan. Les terres des alentours du cratère étant très fertiles, les rizières et autres cultures agricoles sont nombreuses. Etant de part sa beauté et son histoire le symbole de la région, le volcan est l’objet également d’une grande activité touristique. Des gens viennent de loin pour réaliser son ascension, non sans risques. Au mois de mai 2013, trois touristes allemands et leur guide philippin ont péri suite à une éruption volcanique soudaine.

 

Les risques volcaniques sont très surveillés par l’Institut philippin de volcanologie et de sismologie (PHIVOLCS), qui dispose de nombreux centres d’observation autour du volcan. Régulièrement, l’institut publie des rapports et fixe le niveau d’alerte. En fonction de leurs analyses, les ordres d’évacuation sont décrétés. Ces dernières années, les populations furent souvent contraintes de quitter leur lieu de vie et donc d’abandonner leurs animaux et leurs cultures. Les moyens de relogement des familles évacuées sont très limités, mais les autorités locales ne peuvent pas se permettre de laisser les habitants en danger de mort. Aussi l’armée fut-elle réquisitionnée pour veiller à ce qu’ils ne regagnent par leur domicile.

 

Actuellement, l’alerte est de niveau 2. Les habitants ne sont pas contraints à l’évacuation, mais il est déconseillé de pénétrer dans une zone de six kilomètres autour du volcan. Les coulées de lave ont creusé des rivières où les éboulements sont fréquents. Malgré cela, les hommes sont contraints de s’y rendre souvent afin de se procurer de la terre et des pierres pour construire ou reconstruire leurs habitations.

 

Difficile pour les populations qui vivent ici depuis des générations de quitter leur terre face au danger. De jour en jour, elles portent le fardeau d’une vie « en transit » pleine d’instabilité et dictée par ce géant de la nature. Dans quelques années peut-être, ou quelques siècles, cette belle région et ses habitants pourraient bien disparaître sous une ultime colère du volcan.

 

Martin Bertrand

 

 

Légendes des photos:

 

Le volcan Mayon, enveloppé d’un nuage épais, vu depuis l’église de Daraga construite suite aux destructions causées par l’éruption du 1er février 1914.

 

Lorsque les nuages se dispersent, les habitants du port de Legazpi ont une vue imprenable sur le volcan qui culmine à 2462 mètres.

 

A la force des bras, ces hommes récupèrent les pierres de la rivière déversées par le volcan lors des éruptions. Elles serviront à reconstruire les maisons.

 

En hommage aux victimes du volcan, de nombreuses croix se trouvent sur le chemin menant au cratère.

 

Les épais nuages posés sur le flanc du Mont donnent l’impression que le volcan est entré en éruption. On distingue sur le devant d’anciennes coulées de lave.

 

Village de Magapo. C’est d’ici que les familles ont été évacuées pendant plusieurs mois à la fin de l’année 2014.

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