Les règles de la politique thaïlandaise commencent à flirter avec celles de la science fiction. C’est en tout cas l’impression laissée par la dernière annonce de la Cour constitutionnelle du Royaume, même si les décisions de justice doivent évidemment être respectées. Cette institution, placée au sommet du pouvoir judiciaire dans le pays, vient en effet de se déclarer compétente pour instruire une plainte en sédition déposée contre le parti d’opposition «Future Forward Party» (parti de l’avenir). Motif: cette formation politique dirigée par Thanathorn Juangroongruangkit serait lié aux «Illuminati», cette confrérie, qui, selon les théoriciens du complot, cherche secrètement à dominer le monde. Parallèlement, et plus sérieusement, le «Future Forward Party» fait l’objet de poursuites devant la même cour constitutionnelle pour avoir enfreint les lois électorales en acceptant un prêt de son leader Thanathorn.

Selon les médias thaïlandais, la plainte déposée en juillet par l’avocat Natthaporn Toprayoon accuse le «Future Forward Party» d’utiliser ces liens avec les «Illuminati» pour chercher à renverser la monarchie constitutionnelle Thaïlandaise. Le nouveau parti, qui a remporté le troisième plus grand nombre de sièges de députés lors des législatives du 24 mars 2019, nie cette allégation.

Sa condamnation pourrait entrainer sa dissolution, tout comme les poursuites engagées contre la formation d’opposition pour avoir accepté un prêt de son dirigeant, l’homme d’affaires Thanathorn Juangroongruangkit. Celui-ci a par ailleurs du quitter son siège de parlementaire car il a, selon la justice, violé une loi électorale interdisant aux propriétaires de sociétés de médias de se présenter au Parlement.

Le tribunal a rejeté l’affirmation de Thanathorn selon laquelle il avait vendu sa participation dans une société de production de médias avant la date limite de dépôt de sa candidature.

Le triangle des «Illuminati»

La plainte de juillet contient des déclarations de responsables du parti critiquant les traditions thaïlandaises. Elle souligne aussi que son logo – un triangle inversé – ressemble, s’il est tourné vers la droite, au symbole des «Illuminati», cette prétendue confrérie de dirigeants résolus à prendre le contrôle de la planète.

Les «illuminati» sont une référence constante des réseaux conspirationnistes et des amateurs de la théorie du complot qui prolifèrent sur internet.

Aucune audience avant jugement

Plus grave est, toutefois, la méthodologie de la Cour Constitutionnelle: Celle ci a affirmé dimanche 22 décembre qu’aucune audience ne serait tenue dans l’affaire car le tribunal «dispose déjà de suffisamment de preuves». Aucune date n’a été précisée pour sa décision.

La porte-parole du «Future Forward Party» Pannika Wanich , elle aussi sous le coup de poursuites judiciaires, a déclaré que sa demande d’audience avait été refusée, mais qu’elle avait envoyé à la Cour les documents pour sa défense.

Thanathorn devant la justice le 27 décembre

L’avocat à l’origine de cette accusation estime que la ressemblance du symbole du parti avec celui des «Illuminati» montre son objectif caché et confirme que ses membres et élus «ne font pas confiance aux pensées conventionnelles». Thanathorn et un autre chef de parti doivent comparaitre ce vendredi 27 décembre devant un tribunal de Bangkok pour avoir participé, le 14 décembre, à une manifestation non autorisée dans le centre de Bangkok.

Les deux hommes sont accusés d’avoir bloqué une station de transport en commun et d’avoir utilisé un mégaphone sans autorisation.