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THAM LUANG – SOCIÉTÉ : Les secrets français de la grotte la plus célèbre de Thailande

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 29/12/2018
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grotte de Tham Luang

 

Le sauvetage des douze « sangliers » et de leur coach, coincés dans la grotte de Tham Luang, a capté en juillet l’attention du monde entier. En France, des observateurs ont suivi les événements avec encore plus d’attention. Car c’est grâce à leurs cartes que la topographie des lieux a pu en partie être reconstituée…

 

L’opération de sauvetage des douze enfants et de leur entraineur de football bloqués dans la grotte de Tham Luang, dans la province de Chiang Rai, en juin et juillet derniers, a été une histoire de plongeurs spécialisés, de secouristes courageux – agissant parfois au péril de leur vie – et d’experts dans les technologies d’évacuation.

 

Mais cela a aussi été, même si cela est moins connu, une affaire de cartes et de topographes.

 

Lorsque la nouvelle des enfants bloqués a été connue le samedi 23 juin en fin de journée, il n’existait pas, alors, de carte complète, homogène et actualisée, immédiatement utilisable pour l’opération de secours.

 

Dès lors, il a fallu en «construire une» à partir des cartes existantes : un travail collectif qui a impliqué des thaïlandais, des français et des anglais, et qui a été cruciale dans la réussite de l’opération et dans l’évacuation des douze enfants et de leur entraineur les 8, 9 et 10 juillet derniers.

 

La première carte réalisée de la grotte de Tham Luang avait été publiée en 1988 par l’association pyrénéenne de spéléologie après une mission dans la province de Chiang Rai en 1987, lors d’une mission régionale en Asie du Sud-Est.

 

«Il y avait des spéléologues et des scientifiques, certains très sérieux, ils étaient une petite dizaine et campaient chez moi, dans le salon, sur le canapé», se rappelle Louis Gabaude, membre de l’École française d’Extrême-Orient, qui avait hébergé la mission dans sa maison de Chiang Mai.

 

L’équipe comprenait, entre autres, Louis Deharveng, Anne Bedos, Didier Rigal, Daniel Dalger et Laurent Maffre.

 

«Pour nous, c’était comme un hobby», complète Louis Deharveng.

 

«Nous faisions cela parce que cela nous plaisait, mais il n’y avait aucun financement, on y allait sur nos fonds propres».

 

Malgré ce manque de moyens, la mission de 1987 exécuta un travail fondamental : l’établissement de la carte de la plus grande partie de la grotte, avec, comme il se doit, les descriptions, vitales pour ceux qui allaient explorer la grotte par la suite.

 

Cette exploration de Tham Luang en 1987 n’avait pas manqué de piquant.

 

«On y était allé avec un chef de village et un bonze – un moine extraordinaire, curieux et sportif, qui a marché quatre kilomètres dans la grotte pieds nus et sans casque. Il en est ressorti en saignant d’un peu partout», raconte Louis Deharveng.

 

Des photos d’époque montrent ces spéléologues aux cheveux longs accompagnés de villageois et d’un moine qui a l’air, en effet, de vouloir en découdre, le tout dans le décor d’une Thaïlande rurale qui a bien changé depuis.

 

Les principales caractéristiques de cette grotte d’une longueur d’environ huit kilomètres sont alors établies : une grotte qui n’est «pas du tout une grotte-labyrinthe», avec une seule galerie qui «suit le cours d’un ruisseau passé», lequel «passe encore en saison sèche» et dont «le niveau monte en saison humide».

 

Cartographie incomplète

 

La grotte n’a toutefois pas été totalement cartographiée par l’expédition française.

 

Ce sont des spéléologues anglais qui ont complété entre 2012 et 2016 le travail de la mission française.

 

Plusieurs missions anglaises à Tham Luang incluant Vern Unsworth, Rob Harper, Phil Collet et Martin Ellis, permirent alors de cartographier les zones non explorées par la mission française et, surtout, elles aboutirent à un relevé topographique précis de toute la zone d’entrée de la grotte et de la première section, connue sous le nom de Tham Sai Thong.

 

« Les Anglais sont passés là où on n’avait pas pu passer. Ils ont rajouté 200 à 300 mètres au sud, et environ 200 mètres au nord », explique Deharveng.

 

En termes plus techniques, Martin Ellis indique que les explorations entre 2012 et 2016 ont permis de faire des relevés « de la série Nang Non (entre l’entrée et le croisement Sam Yaek), de la série du Moine (au nord) et des extensions de la grotte principale».

 

Martin Ellis, un expert britannique des grottes thaïlandaises, auteur de plusieurs livres sur le sujet et créateur d’un site internet Caves & Caving in Thailand, a été un homme clé dans la composition de la carte finale pour l’opération de secours qui a permis d’évacuer les enfants et leur entraineur de Tham Luang.

 

Le 26 juin, il est contacté par le Département des ressources naturelles, au sein du ministère thaïlandais des ressources naturelles et de l’environnement.

 

«Ils avaient trouvé des études de la grotte sur mon site internet», explique-t-il, répondant à des questions envoyées par email.

 

Ellis fournit au département des scans de l’étude française, des «extensions de la grotte principale» topographiées par Rob Harper et sa propre étude composite, laquelle inclut Tham Sai Thong, ainsi qu’un dossier Google Earth KMZ et un shapefile ESRI – un type de dossier informatique regroupant données géospatiales et géographiques développé par la firme ESRI basée en Californie – de ces études.

 

Problèmes de données

 

Ellis exprime un certain scepticisme sur la précision de l’étude française de 1987.

 

« Le plus gros problème (avec cette carte) est qu’il n’y a pas de données sur l’élévation pour la partie principale de la grotte – c’est une carte en deux dimensions », dit-il.

 

Il écrit sur son blog le 30 juin : « l’étude de Tham Luang est très inexacte et ne peut pas être utilisée, telle quelle, pour sélectionner des cibles de percement ».

 

Quoiqu’il en soit, une équipe d’experts géographes de la société thaïlandaise GIS Co Ltd envisagent de digitaliser la carte française, pour aider à l’opération de secours.

 

Il faut dès lors traduire cette carte française et les descriptions attenantes – un travail technique qui doit être effectué immédiatement.

 

Napadol Wirakan, un Thaïlandais titulaire d’un doctorat en littérature française, est contacté et se met immédiatement à l’ouvrage.

 

« J’ai traduit la description de la grotte, environ deux pages. Il y avait quelques mots très spécifiques que je n’arrivais pas à comprendre avec un dictionnaire normal. Un ami m’a ensuite envoyé un lexique spéléologique », explique Napadol.

 

Une équipe de traducteurs français se monte ensuite sous l’égide du professeur Sirivan Chulakorn de l’université Chulalongkorn, ainsi qu’une équipe de traductrices pour les cartes anglaises.

 

Les cartes fournies par Martin Ellis et leur version traduite sont ensuite données à la société GIS Co Ltd, laquelle élabore la carte finale qui va servir à l’opération de secours, contribuant en partie à son succès.

 

«Cette carte finale a eu une grande importance. Elle a beaucoup aidé pour les décisions», indique Napadol, lequel a reçu, ainsi que ses collègues traducteurs, un certificat de remerciement du ministère des ressources naturelles et de l’environnement.

 

« A ce moment-là, mon impression était que c’était comme un moment d’union nationale. Tout le monde s’est réuni pour tout faire pour sauver ces enfants. Cela a montré l’unification des Thaïlandais ».

 

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