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THAÏLANDE – POLITIQUE : Gavroche brosse le portrait de Prawit Wongsuwan

Date de publication : 13/05/2023
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Prawit Wongsuwan

 

Nous poursuivons notre série de portraits de leaders politiques thaïlandais signés par Philippe Bergues.

 

Prawit Wongsuwon, un stratège politique hors-pair

 

Né le 11 août 1945 et originaire de Bangkok, Prawit Wongsuwon a toujours baigné dans un environnement élitiste militaire, avec un père Prasert Wongsuwon, général de division. Diplômé de l’Académie militaire royale de Chulachomklao en 1969, Prawit a établi des relations précieuses pendant sa formation. Notamment avec la classe des cadets comportant l’ancien commandant de l’armée, le général Sonthi Boonyaratglin, et l’ancien commandant suprême, le général Boonsrang Niempradit. Deux de ses jeunes frères, Sithawat et Patcharawat ont également embrassé la « carrière » en étant amiral et général de police. Dès 1981, il dirige tour à tour les 2ème et 12ème régiments d’infanterie avant de devenir aide de camp royal en 1992.

 

Le parrainage de Chaovalit

Il ne cesse ensuite de monter dans la hiérarchie : commandant de la 1ère région d’armée incluant Bangkok et le centre de la Thaïlande en 1998, commandant en chef adjoint de l’armée en 2003. Puis commandant en chef des armées royales en 2004 alors que Thaksin Shinawatra est Premier ministre et Chavalit Yongchaiyudh, une vieille connaissance amicale de Prawit, ministre de la défense. Très populaire auprès du gouvernement, Thaksin l’a nommé à ce poste car il considère que Prawit est le plus compétent pour régler l’insurrection croissante des séparatistes dans le sud de la Thaïlande en 2004. De plus, il semblerait que Prawit ait créé une véritable amitié avec la femme de Thaksin, Potjaman Na Pombejra (désormais son ex-épouse). Ces rapports cordiaux du début des années 2000 avec le clan Thaksin, dont des députés du Thai Rak Thai, expliquent-ils la rumeur persistante actuelle d’une possible coalition entre le Palang Pracharat de Prawit et le Pheu Thai dont Paetongtarn Shinawatra sera le porte-drapeau ? Les résultats électoraux de 2023 influenceront évidemment les alliances possibles, mais il semble réel que les canaux de discussion entre Thaksin et Prawit ne se soient pas détériorés.

 

Prawit passe directement à la carrière politique après sa retraite militaire

 

Ayant pris sa retraite militaire, Prawit devient membre de l’Assemblée Législative nationale de Thaïlande (en étant nommé) suite au coup d’État de 2006 orchestré par le général Sonthi Boonyaratglin qu’il avait connu durant ses études militaires. Suite aux manifestations des « Chemises jaunes » en 2008 qui occupent les aéroports de Bangkok, Prawit est nommé ministre de la Défense dans le gouvernement dirigé par Abhisit Vejjajiva, leader du Parti démocrate. Ce gouvernement s’installe suite à un renversement spectaculaire d’alliances grâce à Newin Chidchob, ancien bras droit de Thaksin qui « offre » ses amis du Bumjamthai dans la nouvelle coalition. Prawit servira comme ministre de la Défense jusqu’en 2011 et supervisa la répression des manifestations des « Chemises rouges » à Bangkok au printemps 2010. Aîné de Prayut Chan-o-cha de 12 ans, Prawit participa à sa nomination comme chef des armées en 2010 et conservera jusqu’à aujourd’hui des relations fraternelles avec lui, de même qu’avec Anupong Paochinda, tous les trois ayant servi dans les « Tigres de l’Est » aussi appelés les « Gardes de la Reine ». Ces trois généraux ont aussi en commun d’avoir occupé tour à tour cette fonction de chef des armées royales thaïlandaises. La presse les surnomme souvent les « 3P », indéfectibles dans leur gouvernance de l’ancien Siam depuis le coup d’État de 2014. Des chercheurs académiques écrivant sous pseudonyme, comme Paul Sanderson sur le site australien spécialisé sur l’Asie du Sud-est newmandala.com, expliquent que Prawit serait « l’architecte du coup d’État de 2014 tandis que Prayut en serait l’entrepreneur ». Récemment, en décembre 2022, Prawit a néanmoins affirmé publiquement que « la seule responsabilité de ce coup de force incombait à Prayut ». Tactique politique maintenant que les deux généraux sont concurrents pour le même poste ?

 

En 2014, Prawit est devenu le numéro 2 de Prayut dans bien des fonctions : vice-Premier ministre, chef adjoint de la junte appelée Conseil national pour la paix et l’ordre (NPCO) et aussi ministre de la Défense.

 

C’est aussi lui qui a supervisé la liste de noms proposés au Sénat après l’adoption de la nouvelle constitution en 2016, avant d’être soumise à approbation royale. Néanmoins de décembre 2017 à 2018, Prawit doit faire face à une sérieuse affaire de corruption concernant la possession de montres de luxe suisses de différentes marques prestigieuses. La Commission nationale anti-corruption (NACC) ouvre une enquête sur ses divulgations d’actifs, car 18 montres identifiées à l’époque, ne figuraient pas sur ses déclarations de patrimoine obligatoires en 2014 au moment où il accède aux fonctions de vice-Premier ministre et ministre de la Défense. Prawit justifie alors ces montres par « des prêts d’amis ». Finalement, l’ancien général en chef de la police Watcharapol Prasarnrajkit devenu président de la Commission nationale anti-corruption de Thaïlande innocentera le général Prawit dans cette affaire. Non sans que la presse thaïlandaise ait remarqué « la proximité entre Watcharapol et le frère de Prawit, le général de police Pacharawat ».

 

En devenant chef du parti Palang Pracharat, Prawit renforce son influence de stratège politique

 

Pour les élections générales de mars 2019, les premières depuis 2011, Prawit soutient fraternellement la candidature de Prayut Chan-o-cha au poste de Premier ministre. La formation d’un gouvernement coalisé doit beaucoup à Prawit : il devient le stratège politique en chef du gouvernement. Avec la création de son nouveau parti conservateur, le Palang Pracharat, dont il deviendra vite le chef, Prawit rameute en son sein des figures de bords opposés comme Thammanat Prompao, ancien du Thai Rak Thai thaksinien, qui deviendra sous-ministre de l’Agriculture. Prawit devient donc le garant de la majorité de Prayut à la Chambre basse, y compris lors de votes de défiance à son encontre où il contrôle les troupes. Même si un petit nombre, dont Thammanat, ose vouloir faire tomber Prayut en août 2021 en n’accordant pas la confiance à Prayut. Mais une fois encore, c’est Prawit Wongsuwon qui permet à Prayut de rester en place même si « la manœuvre de trahison » coûte son poste ministériel à Thammanat Prompao.

 

Néanmoins, cet épisode semble avoir affecté la relation Prayut-Prawit sans que ne soit marqué en public un véritable refroidissement. Finalement, c’est sans doute la suspension judiciaire de Prayut le 22 août 2022 pendant pratiquement un mois qui a modifié les habits de Prawit Wongsuwon. Celui-ci est devenu pendant cette période Premier ministre intérimaire, le numéro 1. Alors que depuis le début de sa carrière politique, il s’était cantonné au rôle de numéro 2 derrière Prayut. Multipliant les déplacements à Bangkok et en province pendant cette période et toujours largement accompagné de partisans, Prawit a semblé retrouver une « certaine jeunesse », lui qui montrait auparavant des signes de fatigue dus à son âge. Considéré comme « plus empathique » que Prayut par de nombreux thaïlandais, Prawit continue de surfer sur cette image en ce début 2023. Au moment où les partis se mettent en ordre de marche pour la campagne électorale. D’ailleurs, le Palang Pracharat, en présence de Prawit, a promis le 17 janvier dernier d’augmenter les taux d’allocations mensuelles pour les titulaires de la carte d’aide sociale à 700 bahts s’il revenait au gouvernement après les prochaines élections. Prayut et Prawit sont devenus concurrents.

 

Question: l’anti-thaksinisme de Prayut Chan-o-cha (et de l’UTN son nouveau parti) ne serait-il pas de nature à favoriser un rapprochement entre Prawit Wongsuwon et les forces de l’ancien Premier ministre Thaksin en exil, auquel pourrait s’ajouter le parti Bumjamthai « faiseur de rois », dans une perspective de plateforme gouvernementale. Cela modifierait de façon très substantielle les équilibres politiques actuels ?

 

Philippe Bergues

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