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BIRMANIE – CONFLIT : La junte éprouvée par sa mauvaise gestion du séisme

Date de publication : 05/05/2025
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séisme Birmanie sauvetage

 

Une chronique birmane de François Guilbert

 

Si le tremblement de terre dit de Mandalay a été l’occasion pour le général Min Aung Hlaing de sortir de son isolement diplomatique asiatique, force est de constater qu’il ne lui permet pas de gagner en légitimité intérieure. A vrai dire, ce n’est pas surprenant ! Depuis le cyclone Nargis en mai 2008 et ses dizaines de milliers de victimes, nous savons qu’en temps de catastrophe naturelle l’objectif primordial de l’armée est de protéger, avant toute autre chose, le pouvoir des siens.

 

Dans la continuité de cet axiome, le Conseil de l’administration de l’État (SAC) a considéré ces dernières semaines qu’il était de son intérêt premier, non pas de venir au secours de tous les sinistrés mais de faire obstacle à l’acheminement de l’aide dans les régions contrôlées par ses ennemis (no-go zone). Sans hésitation, ni compassion, la junte a poursuivi sa politique de « punition collective » des familles de ses opposants, même quand celles-ci ont été meurtries par la nature. A dire vrai, l’attention des putschistes n’a pas été beaucoup plus empathique pour les populations à sa charge. Celles-ci vivent pourtant dans 70% des territoires dévastés par la catastrophe du mois dernier. D’ailleurs du temps du gouvernement civil (2017 – 2020), le commandant-en-chef de l’armée avait déjà mégoté ses soutiens aux civils et à l’administration d’Aung San Suu Kyi quand celle-ci fut confrontée aux défis humanitaires de la COVID-19.

 

Seule la situation à Nay Pyi Taw compte vraiment aux yeux des généraux

 

La situation créée par le séisme du 28 mars a accentué un biais récurrent de la gouvernance des juntes passées. Depuis plus d’une vingtaine d’années, les régimes successifs ont alloué l’essentiel des ressources de l’État à la capitale et aux instances relais de l’appareil militaire. Or aujourd’hui une des régions les plus durement frappées par les mouvements de la croûte terrestre est celle de Nay Pyi Taw. Dès lors, le SAC dirige(ra) ses quelques ressources matérielles et financières disponibles vers « sa » terre de pouvoir. Il faut le dire : au détriment de toutes les autres provinces qui ont pu être malmenées par le tremblement de terre dit de Mandalay. Par ailleurs, le général Min Aung Hlaing entend bien profiter de la reconstruction des édifices publics pour marquer de son empreinte personnelle la capitale voulue et instaurée par les généraux des régimes militaires devanciers.

 

Une bonne partie du territoire et des habitants de la République de l’Union du Myanmar va donc être abandonnée au profit des fonctionnaires du centre. Pour répondre aux besoins de ces derniers, les citoyens vont, au fond, se passer de l’État et s’employer pour (sur)vivre à contourner ses contraintes administratives et sécuritaires. Cette distanciation vis-à-vis des pouvoirs publics est dommageable pour le futur du pays et des populations. Cette posture ne peut qu’accentuer une perception de relégation et d’abandon chez les Bamars de la Dry Zone mais également chez ceux de Mandalay, la seconde ville la plus peuplée du pays. Le sentiment de déclassement politique va se ressentir au sein même d’une classe moyenne pourtant indispensable à la survie du régime instauré par la force le 1er février 2021.

 

L’État est de fait aux abonnés absents

 

Au cours du mois qui vient de s’écouler depuis le tremblement de terre, les ministres provinciaux et/ou du gouvernement central n’ont esquissé aucune politique de redressement. Aucun budget à la reconstruction ou à la relance économique n’a été annoncé, pas même le 29 avril lors de la première réunion du Comité de supervision de la reconstruction. Aucune mesure anti-inflationniste crédible n’a été ébauchée.

 

A ce stade, la gestion du drame n’apporte donc à l’armée aucune once supplémentaire de sympathie intérieure et par là-même de légitimité. Personne ne peut oublier que les dizaines de milliers de jeunes conscrits enrôlés dans les rangs de l’armée du général Min Aung Hlaing depuis la fin du deuxième trimestre 2024 n’ont pas été mis à la disposition de leurs communautés pour dégager les gravats et rebâtir au plus vite les infrastructures critiques endommagées. Cette invisibilité des soldats à l’heure où les habitants avaient tant besoin de leurs bras et de leur énergie ne peut qu’entretenir le rejet de la société à l’endroit de la conscription décidée en février 2024, de la Tatmadaw et du SAC.

 

Bien qu’il y ait eu peu d’attente des Birmans vis-à-vis du pouvoir central et de ses relais, l’ampleur de la tragédie née le 28 mars suscite bien des frustrations dans la population. L’accumulation de celles-ci n’est pas sans danger pour le régime du général Min Aung Hlaing, même si elles ne s’expriment pas dans les rues par des cortèges de manifestants. Les insatisfactions se véhiculent avant tout au sein de la communauté bamar, non seulement celle qui a été victimisée mais également celle qui n’a pas été atteinte directement dans ses chairs. La formation politique relais historique de l’armée (USDP) ne pourra donc retirer aucune sympathie électorale lors des prochains scrutins des actions post-séisme de ses mentors militaires. Elle est restée coite depuis un mois, silencieuse face au drame et inactive auprès des victimes.

 

L’amertume vis-à-vis des généraux ne va pas s’estomper de sitôt

 

Les effets de la catastrophe vont se faire sentir pendant des mois voire des années. Ils vont être narrés, tout particulièrement dans les mois qui viennent, notamment quand le sort des quarante mille sans abris vivant sous des tentes de fortune et loin de chez eux va être dépeint dans toute sa crudité pendant les pics de la période de mousson. Les messages diffusés par les réseaux sociaux et les reportages des journalistes-citoyens donneront corps, images et échos à cette très dure et cruelle réalité. Pour tout dire, ils vont entretenir, dans le temps, les rancœurs nées de la non-gestion du 28 mars et de ses lendemains.

 

Le temps du séisme ne sera pas décontextualisé du régime oppressif et de son inefficience économique et social. Si le moment et l’ampleur de la secousse meurtrière étaient des facteurs imprévisibles en l’état des connaissances scientifiques, la dangerosité de la faille de Sagaing est, elle, connue de tous depuis fort longtemps.

 

Les militaires ont donc une double responsabilité dans la situation présente : ils se sont montrés inopérants le jour J et les suivants mais surtout ils ont manqué à leurs devoirs de prévoyance et de sauvegarde des populations. De surcroît, le putsch a désorganisé la capacité de gestion de crise de l’État et de son service dédié au management des catastrophes. Les moyens mobilisés par le passé ont été détournés de leur objet premier et siphonnés au profit des budgets des forces de sécurité.

 

La gestion du séisme et de ses lendemains entretient le caractère illégitime de la junte

 

L’attitude non-compassionnelle, distante et non-programmatique du SAC nourrit la défiance de la population vis-à-vis d’une armée qui se présente depuis des décennies comme la protectrice naturelle et ultime de la nation. Or il ne peut y avoir de gouvernementalité sans confiance. Dans ce contexte, la coupure profonde, visible aux yeux de tous, entre le gouvernement central et les citoyens a pour effet quasi-mécanique de donner du crédit aux projets de gouvernance locale promus par l’opposition et mis en œuvre dans quelques lieux où le séisme a frappé (ex. la province de Sagaing). Certes, les moyens de l’opposition sont limités mais des efforts plus conséquents et proportionnels aux moyens des autorités ont été mis en œuvre. Ils ont été sommet toute loués à l’intérieur du pays comme à l’étranger.

 

Dès lors, le conseil militaire ne semble avoir aucun autre projet politique que celui de faire la guerre à son pendant de l’opposition (NUG) et aux groupes ethniques armés kachin, kayah, kayin, rakhine et ta’ang. D’ailleurs, contrairement à l’Alliance des trois fraternités, le SAC n’a pas prolongé son soi-disant cessez-le-feu au-delà du 30 avril, date de son expiration. Une pause « humanitaire » n’est, à vrai dire, pas en phase avec un régime militaire qui cherche à regagner un peu des terrains perdus depuis novembre 2023. A la mi-mars, le commandement de la Tatmadaw aurait même promis des primes au chefs militaires qui se montreraient victorieux avant les élections par étapes qui sont programmées pour la fin décembre 2025.

 

En tout état de cause, ce n’est pas en s’affichant sur la Place Rouge au côté de Vladimir Poutine le 9 mai et en espérant ardemment y rencontrer le président Xi Jinping qui se dérobe depuis des mois à toute rencontre, que le général Min Aung Hlaing sera adoubé et enracinera sa légitimité auprès du plus grand nombre de ses concitoyens.

 

François Guilbert

 

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