Gavroche aime raconter la Thaïlande sous tous les angles. Nous avons donc accepté avec plaisir la proposition d’un jeune français passionné de joaillerie, Guillaume Soubiraa, qui se proposait de nous raconter ce monde si secret. Un reportage en quatre volets à ne pas rater, à diffuser et à commenter !
VOLET 2 : Bangkok, capitale mondiale des pierres de couleur ?
De retour aux côtés de Billie pour poursuivre notre découverte de cet univers si mystérieux qu’est celui de la joaillerie et des pierres précieuses. Plongeons, cette fois, au cœur des gemmes et découvrons pourquoi les inclusions, si longtemps considérées comme des défauts, révèlent désormais leur importance, voire leur beauté.

Cristal d’apatite comme suspendu au-dessus d’un nuage d’aiguilles de soie de rutile dans un saphir. Photo : E. Billie Hughes / Lotus Gemology
Billie, la Thaïlande est réputée pour son expertise dans le traitement thermique des pierres. As-tu expérimenté toi-même, comme tu l’as fait avec les inclusions, afin de trouver tes propres réponses ?
— Tout à fait. Nous recevons des retours du marché, des pistes à explorer qui nous sont soumises. Nous poursuivons ces indices et, le cas échéant, les vérifions. Le besoin de réaliser nos propres expériences de traitement thermique à basse température est ainsi apparu, bien qu’il s’agisse d’une méthode ancienne.
Tu es donc allée voir un burner ? (Remarque : burner est le terme courant dans le négoce pour désigner les experts en chauffe de pierres précieuses.)
— Non, nous avons procédé ici, dans nos propres locaux.
Avec votre propre four ?
— Oui.

Fais-tu aussi des expériences sur la chauffe à haute température, au béryllium par exemple ? Ou seulement sur la chauffe traditionnelle ?
— Sur la chauffe traditionnelle, précisément parce que c’est celle qui est la plus difficile à détecter. Tu sais, quand tu fais de la diffusion au béryllium (traitement visant à faire pénétrer des éléments chimiques, en l’occurrence du béryllium, dans la structure de la pierre, plus profondément que des éléments lourds comme le fer ou le titane, lesquels restent en surface), tu montes à des températures avoisinant les 1800 °C. Il est très facile de voir qu’une pierre a été chauffée à une telle température. Pour rappel, 2050 °C est le point de fusion du corindon, c’est-à-dire la famille regroupant rubis et saphir. Tout a fondu à l’intérieur, n’est-ce pas ? Et donc, je reçois beaucoup de questions de la part des clients : “Oh, je suis très inquiet à propos du traitement à haute température, de la diffusion au béryllium.” Le public entend parler de ces traitements, qui semblent plus modernes, plus avancés, et s’inquiète. Mais en réalité, il est assez facile de repérer une pierre chauffée à haute température, car cela modifie beaucoup de caractéristiques. Ce qui est parfois plus difficile à détecter, ce sont les traitements à basse température. C’est le traitement thermique traditionnel, à des températures plus basses, car les changements sont très subtils. J’ai d’abord mené des expériences sur les saphirs. Les rubis sont venus ensuite. C’était plus compliqué.
Peux-tu aussi nous parler des spinelles chauffés ?
— Nous en voyons très peu. Je privilégie ce qui constitue mon quotidien. Ainsi, nous voyons beaucoup plus de rubis et de saphirs chauffés que de spinelles. C’est pourquoi j’ai choisi d’expérimenter la chauffe à basse température sur les corindons, plutôt que sur le spinelle. D’autant plus que nous ne voyons qu’une poignée de spinelles chauffés chaque année. En revanche, des rubis et des saphirs chauffés, j’en vois tous les jours. Mes projets de recherche se fondent sur mes besoins quotidiens.
Donc très peu de spinelles traités ?
— Très peu chauffés. En revanche, ce que je vois surtout, ce sont des spinelles huilés, presque quotidiennement. À cause de la taille, bien sûr, mais aussi parce que certaines personnes les traitent à l’huile, comme les émeraudes. (Remarque : lors de la taille des pierres, les huiles de polissage peuvent s’infiltrer en quantité minime, ce qui a conduit à des ajustements dans les rapports d’expertise, aujourd’hui désignés par l’appellation établie minor oil). Un laboratoire comme le nôtre ne fait que valider l’espoir incarné par une pierre. Il est très rare qu’une surprise apparaisse. Les plus grandes différences se situent entre le chauffé et le non chauffé, le type de traitement et l’origine géographique.

Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.