Une chronique cambodgienne de Yann Moreels

Il n’y a plus de doute désormais : le Cambodge s’est habillé, depuis une semaine, en costume militaire.

La communication et les images diffusées par le gouvernement cambodgien, son porte-parole et les médias les plus proches, conduisent la population à se mobiliser dans les esprits. C’est clair : l’union est sacrée dans l’opinion publique. Les quelques partis politiques d’opposition font aussi allégeance à la cause nationale de défendre tous ensemble le pays.

Désormais, sur les grandes routes mais aussi toutes les voies départementales, le visage de l’ancien Premier ministre Hun Sen, avec Heng Samrin à ses côtés, sur les panneaux électoraux du Parti du Peuple, est doublé ou remplacé par le même homme en costume militaire.

La jeunesse khmère actuelle n’avait jamais vu le leader en chef des armées, et voici que Hun Sen apparaît maintenant pour ce qu’il est réellement, dans le fond : le général cinq étoiles le plus haut gradé du pays !

C’est clair : tout le peuple est averti.

L’ennemi pourrait envahir le pays. La Thaïlande a avancé sur les points frontaliers de Sa Kéo, qui faisaient jusqu’alors consensus entre les militaires des deux côtés de la frontière. Désormais, ils ont avancé, ils ont tiré et ils ont tué un Khmer. De plus, ils ont fermé les postes-frontières avec des portes grinçantes et des blocages de passages des Khmers ayant un travail frontalier !

Attention, l’escalade gronde !

Enfin, Hun Sen commence à penser que son ami Thaksin, son « frère thaïlandais », pourrait le trahir. Sa fille est effectivement Première ministre et politiquement « mal en point » face aux forces militaires qui confortent aussi la démocratie à la thaïlandaise… D’un royaume à l’autre… une histoire pas prête de s’achever, puisque les non-dits et l’hypocrisie règnent de chaque côté sur l’enseignement de l’Histoire contemporaine. Un peu plus à l’Ouest ? De part et d’autre, les peuples sont-ils formés et informés, et les chercheurs ont-ils [libre] parole ?

Alors, Hun Sen mobilise ses troupes et vient de leur rendre visite à Oddar Meanchey ce 25 juin 2025.

Il rencontre les personnes déplacées, notamment autour du temple khmer de Preah Vihear, et à forte voix relance sans cesse sa volonté de régler le conflit pacifiquement par les décisions des instances internationales.

Hun Sen prépare la guerre parce qu’il veut imposer la paix. Lui aussi, d’ailleurs, se verrait bien avec un prix Nobel ! N’est-il pas celui qui a mis fin à l’occupation vietnamienne et arrêté la guerre civile ? Peu importe qu’il ait pu avoir du sang sur les mains, il se bat encore pour arrêter un conflit.

Il se montre partout en hélicoptère sur la frontière et, de Preah Vihear à Choam Ksant, pour rallier les points de friction de Mum Bei, Ta Moan Tauch, Ta Krabei, et montrer sa détermination à protéger la souveraineté du pays et attendre la réouverture des frontières par les Thaïs.

Ne parlons plus électricité, carburants et autres fruits et légumes. Le Cambodge est fier. Hun Sen montre ses gros bras pour que les Thaïs se décident à négocier et vouloir la paix, pour régler des soucis de frontières récurrents qui ont déjà suffisamment duré — et un peu trop tué.

Quelle réaction de Bangkok, où l’on méprise encore l’ancien Khmer rouge, sorti de son fauteuil de président du Sénat ?

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