Un éditorial de notre conseiller éditorial Richard Werly publié par Blick, dont nous vous recommandons la lecture.
La France n’est pas au pied de la falaise. Elle est en train de tomber. Le pays a déjà un pied dans le vide.
François Bayrou l’a compris, et sa décision d’engager la responsabilité de son gouvernement le 8 septembre, deux jours avant le mot d’ordre de blocage social du 10 septembre, en apporte la preuve. Le Premier ministre centriste sait que le grand saut financier, mais surtout politique, a sans doute sonné pour la République. Inutile, dès lors, de persister dans le déni.
Le problème est que la France, notre voisin et partenaire, va se faire très mal en tombant de cette falaise. Même si la confiance est votée, ce qui serait un succès extraordinaire (et aujourd’hui très improbable) pour Bayrou, son projet de budget 2026 et ses 44 milliards d’euros d’économies ne suffiront de toute façon pas à redresser la barre économique.
Pas d’efforts
Pour mémoire : cette somme si difficile à atteindre, puisque personne ne veut faire d’efforts ou presque, ne représente que 60% des 66 milliards d’euros que le pays devra payer en intérêts de sa dette en 2026 ! Impossible, avec une croissance atone d’environ 1% en 2025, d’espérer tisser le moindre filet de sécurité. D’un point de vue financier, la chute apparaît inévitable et Bayrou se sait tout près de la porte de sortie.
La question, dès lors, est de savoir pourquoi le Premier ministre en est arrivé là. Et pourquoi Emmanuel Macron, ce président modernisateur qui a fortement alourdi les finances publiques de son pays à hauteur de 1000 milliards d’euros depuis dix ans, n’a pas agi autrement ou tiré le signal d’alarme beaucoup plus tôt ?
Bayrou et Macron sont résignés
La réponse est malheureusement simple. Malgré leurs exhortations à produire plus et à être compétitifs, Bayrou comme Macron sont en fait résignés. Ils savent que personne, en France, n’aime anticiper et accepter la loi des chiffres. Que personne n’est capable d’imaginer un État moins obèse et moins dépensier. Que l’idée ancrée dans le pays n’est pas celle du sursaut possible et indispensable, mais celle de la crise, puis de la révolution, inéluctable.
L’engrenage que vient d’enclencher avec courage François Bayrou est celui de l’incapacité collective française à accepter les faits. Le déluge d’argent public déversé depuis des décennies sur le pays a plongé presque toutes les familles dans une réalité virtuelle. La toxicomanie de la dette à grande échelle empoisonne et aveugle tout : la gestion nationale, celle des collectivités locales, celles du secteur associatif, celle des administrations.
Le FMI, seul recours ?
La France est programmée pour tomber de la falaise parce que la majorité de sa population s’est habituée à produire moins, à épargner le plus possible, à vivre à crédit et à ne plus faire confiance à ses gouvernants. Lesquels, eux aussi, ne croient même plus à leurs propres mots d’ordre. Au point que certains affirment, en coulisses, qu’une intervention du Fonds Monétaire International en cas de faillite serait peut-être la meilleure solution…
Dans ce contexte, oui, François Bayrou a eu raison de clarifier les choses en engageant la responsabilité de son gouvernement le 8 septembre. Il a bien fait, aussi, d’indiquer la profondeur du gouffre qui attend la France. Ceux qui ne veulent pas voir ne pourront au moins plus dire : nous ne savions pas.
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Richard Werly publiera en novembre un essai percutant assuré de faire débat : « cette Amérique qui nous déteste », aux éditions Nevicata.
RV au Balzac, le café francophone et espace culturel de notre ami Chango Favre. Soi Charoenkrung 43, Bangkok. Jeudi 28 août à 18 heures.
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Quelques mises au point et mettre l’église au centre du village :
I – Montant des retraites perçues en France
1- Selon un document de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) paru en 2024, le montant brut de la retraite de droit direct s’élevait, en 2022, à 1 626 euros bruts. Le montant médian (se situant à une position de 50 pour cent des retraités) était de 1 970 euros par mois.
2 – Le montant moyen de la pension AGIRC-ARRCO, régime complémentaire (quand il existe), était en 2023 de 587 euros pour les hommes et 368 euros pour les femmes. Un écart sensible place la retraite AGIRC-ARRCO pour les femmes à un niveau inférieur (de 10 à 40 pour cent au détriment des femmes). Le cas des femmes seules, de plus en plus nombreuses, est plus que préoccupant. Une pension de réversion, jamais supérieure à celle du conjoint décédé, et soumise à certaines conditions, peut être versée.
3 – La retraite moyenne brute des fonctionnaires dits trop nombreux, et dont la retraite est calculée sur les 25 dernières années (et non les 25 meilleures) et donc dits « privilégiés », est la suivante en 2023 :
pour les fonctionnaires civils de l’État : 2 388 euros ;
pour les fonctionnaires militaires : 1 662 ;
pour les fonctionnaires territoriaux : 1 360 ;
pour les fonctionnaires hospitaliers : 1 707 ;
pour les ouvriers d’État : 2 355.
II – Comparons ces montants aux tarifs des maisons de retraite ou EHPAD.
Selon le site Cap Retraite, le tarif des EHPAD peut aller, par mois, de 1 600 à 7 300 euros. Paris détient les records et l’Aveyron les meilleurs tarifs. Le service, dans ces établissements gouvernés selon des impératifs principalement financiers, laisse à désirer si ce n’est plus. Il est préférable d’y réserver sa place plusieurs années à l’avance faute de places suffisantes.
III – S’agissant de l’aide à domicile, un article du 21 août 2025 du journal Le Monde dressait un tableau de l’envolée du coût de ce service : un exemple de hausse de 325 euros est signalé pour une retraite de 1 800 euros ; un autre exemple fait état d’un doublement des frais en 2024, soit 600 euros avant crédit d’impôt.
Sur les boomers, Bayrou a certainement raison. Cette génération se caractérise par sa grande insouciance, favorisée par la facilité procurée par la société de consommation. Les boomers ont fait « Salut les Copains » en 1962 à 16 ans, mai 68 à 22 ans (« 10 ans ça suffit »), mai 81 à 35 ans. Ils sont indifférents à la grandeur et à la dissuasion nucléaire. Or c’est exactement en 1981 que date le commencement de la fin.
La question est donc de savoir pourquoi les boomers ont failli. Sans doute ont-ils manqué de racines ; leurs aïeux ont été eux-mêmes traumatisés par la guerre, 4 ans d’occupation et de restrictions. Une telle situation est un terreau fertile pour toutes les aventures.
Ce n’est pas du pied de la falaise qu’on saute dans le vide, mais du sommet.
Engager la responsabilité du ministre devant la représentation nationale est un geste normal en démocratie, mais dans un régime fondé sur le culte du chef (Macron veut…), les commentateurs sont traumatisés.
C’est en réalité le 10 mai 1981 que la France a sauté dans le vide. C’est évidemment une réalité difficile à admettre pour l’intelligence française.
En droit, le Président est irresponsable et inamovible ; en revanche, le ministre est responsable devant la représentation nationale. En se réfugiant derrière son immunité et son inamovibilité, le Président oblige le ministre à s’engager à sa place. Bayrou ne fait pas autre chose. Maintenant, ce sont les représentants de la nation qui sont face à leurs responsabilités. Et on voit mal l’actuelle Assemblée donner sa confiance à un ministre nommé par l’actuel président. Le compte à rebours a commencé. Mais il fallait crever l’abcès. C’est le mérite du médiocre Bayrou de l’avoir fait.
les boomers sont-ils des « salauds » ? F. Bayrou, dans la langue d[’]un Shakespeare modernisé, emploie un équivalent, « boomer ».
Les enfants des boomers ainsi stigmatisés, désignés fauteurs de crise, sont plongés dans la honte d’avoir de tels géniteurs.
Quant à leurs petits-enfants, quels peuvent être leurs sentiments ? Un grand-père, une grand-mère parangons de l’égoïsme.
En bon chrétien, Bayrou a le sens des familles, dont la fin de mois de la mère est assurée, quand c’est possible, par la retraite du boomer et dont les études du petit-fils sont financées par lui.
Un modèle qui, il faut en convenir, tend à se substituer à l’insuffisance orchestrée de la solidarité instituée en 1945, et aux tentatives de la réduire jusqu’à sa suppression.
Ou comment ce personnage attise les divisions les plus profondes de la société française. Une retraite à Betharram s’impose…
Né à la fin de la guerre, dans un milieu rural fortement touché par celle-ci, dans une famille de boulangers dont le père avait été rappelé au début de la guerre, puis démobilisé et ayant retrouvé son commerce et sa maison détruits et pillés à son retour, il a dû faire face, sans dédommagement aucun, aux difficultés de la fin de guerre et de la période qui a suivi. Les « Trente Glorieuses » ne démarrèrent pas en 1946 dans les campagnes françaises… il fallut « trimer » dur.
J’ai donc vécu une enfance encore fortement marquée par les suites de la guerre et par l’intense effort qui anima tous ceux qui durent reconstruire la France après avoir pansé les plaies. Les « boomers » que nous sommes sont nés dans ce contexte et n’ont pas ménagé leurs efforts. Avec leurs ainés, ils ont largement contribué à relever la France.
L’école fut pour moi le moyen de contribuer à cette tâche, et pendant 45 ans, j’ai transmis, ou du moins essayé de le faire, les moyens d’élever les connaissances et le goût de l’effort de ceux qui étaient plus jeunes.
Cette vocation, accomplie au sein du service public et dont certains rêvent de diminuer drastiquement les effectifs et, avec eux, ceux de la fonction publique, fut une vocation chevillée au corps et pas toujours gratifiée en retour ; des années entières, nos rémunérations ont été gelées et, selon certaines estimations, les professeurs auraient perdu plus de 20 % de leur pouvoir d’achat. Ayant suivi des études longues, la nécessité de totaliser les annuités requises pour bénéficier d’une retraite à taux plein m’a contraint à poursuivre mon activité jusqu’à 68 ans.
L’accusation indigne de Monsieur Bayrou, visant l’irresponsabilité des « boomers », est simplement abjecte.
Un grand merci cher lecteur pour votre commentaire sur les accusations de François Bayrou. La réalité est ce fardeau de la dette est une responsabilité collective. Ne faut il donc pas un effort collectif pour redresser la barre ? Bien à vous, la rédaction
Qu’est-ce que la responsabilité collective ? Celle mise en œuvre par l’occupant pendant la Seconde Guerre mondiale ? La responsabilité collective est un narratif culpabilisant qui dissimule mal le poids des charges qu’il est fait supporter aux uns et son absence aux autres. Il entraîne un surplus de contrôles, une sur-administration que par ailleurs on veut ou plutôt prétend réduire (mais sans avoir présenté la moindre avancée dans ce sens) et une judiciarisation des contrôles « tatillonnesques ».
La source du désendettement est la réduction raisonnée des dépenses publiques et l’investissement y compris par l’endettement dont la garantie de remboursement, largement garantie par le système fiscal français (à condition qu’il ne mette à mal le consentement à l’impôt), le volume de l’épargne individuelle (qui ne peut être valablement mobilisée que dans le cadre de politiques économiques d’abord existantes et ensuite crédibles) et une diminution des dépenses publiques, en priorité celles nées de la sur-administration et de la judiciarisation bureaucratiques inutiles et paralysantes, stérilisant toute initiative individuelle et la confiance qu’elle requiert et d’abord celle en ses « dirigeants ».
La responsabilité collective n’est que l’autre nom des phénomènes conjugués de stérilisation de l’initiative individuelle donnant l’impression à une partie de la population de soutenir une autre partie sans contreparties.
Sur la question des « boomers » et de leur irresponsabilité et de leur « égoïsme » (que vous semblez leur prêter) et au-delà du message politique immédiat désastreux qu’il véhicule, il en distille un autre. Il accrédite l’idée, martelée, que le droit à la retraite est un songe dont il faut se départir (et que les médias distillent et instillent comme une « vérité » économique, un dogme), que les fonds de pensions privés doivent prendre le relais et, à tout le moins, qu’il faut instiller dans les esprits que les droits doivent être réduits (sous couvert d’impératif « solidariste ») : travail non payé, réduction des salaires par l’immigration massive, allongement de la durée de travail, etc. ne sont-ils pas les dessous affriolants des mots « responsabilité collective » et « solidarité » ?
En bon successeur des médecins de Molière et du bon docteur Knock, le diagnostic pourrait être le suivant : De la bradypepsie, de la bradypepsie dans la dyspepsie, de la dyspepsie dans l’apepsie, de l’apepsie dans la lienterie, de la lienterie dans la dysenterie, de la dysenterie dans l’hydropisie… j’ajouterai de l’hydropisie dans la chienlit et par-dessus tout un cluster…
Dans un accès de bégaiements sépulcraux, le « Génie de Pau » aux abois, dans un français châtié estampillé par une agrégation de lettres classiques, s’en prend aux « boomers » dont on ne sait pas exactement s’il s’exclut de cette « engeance » honnie.
Notre éditorialiste avisé peut-il enquêter et nous faire l’inventaire de ses revenus et nous le faire connaître ? Quel pourrait être le montant de ses actuelles et futures innombrables pensions et retraites ? En bon démocrate chrétien, Monsieur Bayrou ne semble plus savoir à quel saint (ou sainte) se vouer… Un séjour à La Trappe semble s’imposer après une génuflexion à la grotte de Lourdes-Massabielle dans l’espoir d’une guérison aussi rapide que possible.
François Bayrou serait donc le seul, avec notre éditorialiste et à sa suite nos « voisins », à voir la réalité en face. Il est en tout cas bien placé pour avoir occupé une sinécure au Plan. Et de s’ériger en Pythie et Cassandre réunis, avec une sortie programmée en grande pompe dans les habits d’un Christ social-démocrate-chrétien sacrifié. Il n’ignore nullement, madré et indéboulonnable politicien qu’il est, à Paris comme à Pau, que la confiance ne lui sera pas acquise, même s’il a pu compter, naguère, sur un RN compatissant et un PS compréhensif, moyennant rétributions.
Les électorats, dans la crise politique actuelle, que l’« accélérateur Bayrou » est en passe de transformer en crise de régime, ne veulent plus s’en laisser conter. À ces électorats s’ajoutent l’électorat LFI et Vert. Quinze LR voteront probablement contre la confiance ainsi que, sans doute, le groupe LIOT. Leurs représentants devront suivre, sous peine de sanctions sévères aux municipales. Il (F. B.) nous donne le spectacle d’un Ponce Pilate se lavant les mains, anticipant certainement une motion de censure ultérieure et des conflits sociaux durs qui risquent de déraper. Il restera toutefois pour gérer les affaires courantes, et cela peut être long, comme nous l’avons vu récemment. À moins qu’il ne soit reconduit dans son poste, faute de trouver un successeur pour une tâche impossible.
Bayrou aura beau dire qu’il avait prévenu et faire son « de Gaulle », une carte qu’il ne manquera pas de jouer en 2027, ou avant, pour se présenter au poste qu’il convoite depuis des lustres : « moi ou le chaos ! ».
Les préconisations du Premier ministre, dans une situation plus difficile du point de vue économique que financier, sont incertaines, oscillantes, bref absentes, mais surtout absurdes. Elles se résument à un ensemble de recettes visant à opposer les Français les uns aux autres, une politique des « boucs émissaires » : stigmatiser les « mauvais Français » opposés à lui-même. Une politique qui brise l’unité de la nation, qui oppose le cadre à l’ouvrier, le retraité à l’actif, l’urbain au rural, l’actif au chômeur, l’immigré au national, etc.
Une politique absurde qui consiste à racketter les retraités, à faire payer les malades, à faire travailler ceux qui travaillent sans les payer (les deux jours fériés non payés qui ont fait déborder le vase). Bayrou est conscient de l’absurdité d’une telle politique, mais il doit s’agiter… et faire semblant, agrégeant tous les mécontentements ; bref, activer le feu sous la bouilloire. Et, comme la grenouille, s’échapper de l’eau qui commence à bouillir.
La question de confiance, comme la dissolution récente, est une pièce supplémentaire dans l’organisation de l’instabilité politique. Et le ministre des Finances, E. Lombard, d’agiter le FMI à 10 heures du matin pour dire le contraire l’après-midi. Les marchés ne craignent pas tant les déficits ni la dette, tant que l’État n’est pas fragilisé par ses dirigeants, que sa capacité à lever l’impôt est assurée et que le consentement à l’impôt reste une valeur civique ancrée et partagée.
La priorité est l’investissement productif et la croissance qu’on en attend. L’endettement n’est pas un problème économique majeur si les prêteurs ont la certitude d’être remboursés. La politique de Bayrou met en péril la confiance de nos prêteurs. L’agitation des peurs peut, en particulier sur les marchés financiers, se transformer en prédiction autoréalisatrice. F. Bayrou semble être un de ces prophètes.
Le FMI est certainement la solution.
Nous faisons face à des prélèvements fiscaux importants. L’explication officielle, relayée par les politiques et les médias, est qu’il s’agit de redistribuer pour plus d’équité. Pourtant, personne dans ce microcosme ne veut reconnaître que l’utilisation de cet argent est souvent inefficace, et qu’une partie est détournée pour améliorer le confort de certains. Nos élites portent une responsabilité considérable. Pendant ce temps, nos entrepreneurs, agriculteurs, artisans et commerçants affrontent chaque jour des difficultés concrètes qui semblent ne jamais toucher ces élites.