Nos lecteurs aiment débattre de la politique française, même s’ils regardent la France avec distance depuis l’Asie. La preuve avec ce long commentaire envoyé par l’un de nos lecteurs fidèles.
A lire, pour débattre et continuer de parler de la France.
« Le Premier ministre a décidé de poser la question de confiance (art. 49 al. 1 de la Constitution) sur une question de politique générale (contenu du décret du 27 août 2025 de convocation du Parlement en session extraordinaire du 8 septembre 2025 un seul jour et sur ce seul ordre du jour). Observons que, contrairement à la lettre de l’article, la décision n’a pas fait l’objet d’une délibération préalable obligatoire, les ministres l’ayant appris par la suite. Nous remarquons que le Président de la République n’avait pas davantage délibéré avec le Président du Sénat ni la Présidente de l’Assemblée nationale (qui ne furent qu’informés) avant la précédente dissolution.
Nous semblons assister à une réplique d’une tentative de « coup de poker »
À l’issue d’une élection européenne catastrophique pour son camp, Macron pensait clarifier et faire un « reset » de l’Assemblée nationale alors qu’aucune raison de dissoudre ne s’imposait. L’échec fut au rendez-vous. La suite n’est que répliques. Bayrou voulut imiter le précédent pensant, habité par un « hubris » exacerbé, qu’il obtiendrait la confiance après des matraquages imprécatoires sur la situation financière de la France. Il occupa la scène des heures et des heures dans ses tentatives balbutiantes de convaincre les Français mais en les insultant. L’attaque du boomer en fut le sommet, crucifié par les deux clous des jours fériés supprimés. F. Bayrou essaya la potion magique, mais l’opinion ne supporta pas l’overdose. Elle la vomit. Contrairement à son illustre prédécesseur, la France ne se rallia que peu à son panache blanc.
La question de confiance n’est posée en Vème République que lorsqu’on connaît la réponse, positive évidemment. Depuis 1958, on compte 41 votes de confiance concernant 22 Premiers ministres différents (dont plusieurs pour le même), mais jusqu’à ce jour aucune n’a entraîné de vote négatif. F. Bayrou, ayant un sens aigu de l’histoire, a sans doute voulu la rejoindre, à moins que ce ne soit dans ses poubelles. N’est pas Mendès-France qui veut, lui qui dut aussi tirer sa révérence au bout de 8 mois.
F. Bayrou n’a pas mesuré la différence entre les al. 3 et 1 de l’article 49. Dans le premier cas, un groupe parlementaire (il y en a 11) ne mêlera pas ses votes à une motion venant d’un groupe opposé (sauf exception), garantissant ainsi une relative neutralité ou bienveillance et la stabilité relative de l’Assemblée. Dans le cas de l’al. 1, le vote ne se fait pas sur une motion déposée par un groupe, ceux-ci peuvent donc additionner leurs voix sur un texte qui n’émane d’aucun d’eux. De plus, la confiance est refusée si les votes négatifs – exprimés – sont supérieurs aux votes positifs – exprimés –, les absents et les abstentions n’étant pas pris en compte. Nous aurons donc les résultats très rapidement lundi après-midi.
Alors Bayrou un Kamikaze ? Un adepte du « suicide plus ou moins assisté » ? Il est permis de penser que, dans une démonstration de chantage public exacerbé, volant ainsi la primeur à Macron (se laissant une marge éventuelle d’intervention au cas où, embourbé en Ukraine et présidant un conseil de Défense secret le jour même de « Bloquons tout ») pendant des heures de plateaux télévisés, il convaincrait mais surtout [obtiendrait] la neutralité du RN. Il espérait tenir Marine Le Pen en laisse, suspendue qu’elle est à une décision de justice invalidant sa candidature à une nouvelle élection législative en cas de dissolution. Pour le moment, la dissolution n’est pas acquise du moins pour le moment. Peine perdue, les électeurs du RN ne l’auraient pas toléré. Les ultimes tentatives bayrouistes d’accorder au RN quelques miettes sur des restrictions à l’accès à l’aide médicale d’État aux étrangers en situation irrégulière firent long feu.
Le sort de F. Bayrou semble donc scellé à moins d’un coup de théâtre dont la politique française a le secret. Mais dans l’un ou l’autre cas, la situation politique n’en restera pas moins critique, au point de faire basculer une crise politique en crise institutionnelle.
Une donnée majeure, absente lors de la dissolution et du renversement Barnier, est la journée du 10 septembre dont personne ne connaît l’ampleur des mobilisations, ni leur durée, ni les retentissements et engrenages possibles dans l’opinion. Le Mouvement des « gilets jaunes » de nov. 2018 n’était pas si intimement articulé à une crise institutionnelle en forme d’impasse. L’accumulation des [mécontentements] dans les opinions, les incertitudes européennes et internationales, le délitement progressif institutionnel, les déficits publics et la dette peuvent être de puissants détonateurs pour des explosions sociales à venir, dont personne ne peut, actuellement, mesurer l’ampleur. Si la confiance était accordée, il est à penser qu’une mobilisation accrue aurait lieu et [serait] renforcée. Dans le cas contraire, la gestion des affaires courantes ne pouvant être que brève, les mouvements sociaux peuvent ne pas faiblir si aucune issue nouvelle avec des perspectives crédibles n’apparaissait, pouvant atténuer l’ampleur éventuelle des mouvements sociaux qui risqueraient de durcir leurs mobilisations. Le risque insurrectionnel, tactique de l’extrême gauche avec certaines complicités, risque de conduire à une situation politique, sociale et économique instable et incertaine, celle qu’abhorrent les acteurs économiques et financiers, que la notation de Fitch prévue pour le 12 septembre pourrait exacerber.
Une situation de dérapage plus ou moins progressif aurait inévitablement pour effet de fragiliser la position du Président, dont la popularité est actuellement de 15 % des sondés et que l’exposition mondiale d’un proche procès américain pourrait exacerber. Alors Bayrou, l’accoucheur d’une nouvelle révolution ? Mélenchon se frotte les mains : « La République, c’est moi »… »
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« J’aurais voulu avoir les horaires de train pour aller à Pau », ainsi commence cette fameuse comédie « Le train pour Pau » interprétée en 1992 par deux comédiens que cette pièce rendit célèbres. Son succès fut tel qu’elle connut une seconde vie avec, en 2022, une version féminine : le voyageur était une « voyageuse ».
La nuit dernière, au-delà du rêve, m’est apparue une version renouvelée du fameux sketch. Un Premier ministre en quête de confiance et la quémandant désespérément, mais sur un constat calamiteux dont il fut l’artisan et non sur un programme à venir, se vit remercié de la pire façon, dépassant le score de Madame Édith Cresson. On le pria de prendre le train pour Pau le plus vite possible.
C’est alors qu’une version renouvelée du sketch s’installa dans mon rêve, mais dans un contexte de mouvements sociaux et d’une menace de grève des trains imminente mais sauvage. Pau avec un P est-il précisé et martelé à un agent plutôt récalcitrant et sans doute syndiqué. L’offre, au guichet, s’avère à priori normale et disponible, si ce n’est que les possibilités offertes s’avèrent être des propositions pour des trains fantômes et même, de guerre lasse, pour des avions fantômes, offres qui, somme toute, correspondaient au voyageur.
Le sketch nous narre un scénario qui devient progressivement apocalyptique, comme le fut le parcours de ce 1er ministre dont, enfin, le Président de la République réussit à se débarrasser, comme d’un vieux sparadrap, l’ayant, peut-être, nommé pour cela.
Le sketch est ponctué de leitmotivs comme le célèbre « y en a qu’ont essayé », ce qui résume bien le parcours de ce 1er ministre, et surtout « c’est vous qui voyez », une version populaire de la question de confiance.
Si Gavroche veut bien gratifier son public de ce « bijou » de comédie et l’aider à entamer sa journée dans le rire, on lui en sera gré, Monsieur Werly aussi, j’en suis sûr…
Les choses sont beaucoup plus simples. Bayrou a bien vu que la Ve République, et en particulier son « chef », avait atteint – largement – la limite d’usure et il a voulu accélérer le processus. Il n’y avait rien d’autre à faire.
Votre « fidèle lecteur » semble donner un cours de droit constitutionnel mais je n’ai pas été au-delà du premier paragraphe de son courrier, compte tenu des erreurs proférées avec un vernis de sérieux. Voici le texte de la constitution :
« Article 49
Version en vigueur du 05 août 1995 au 01 mars 2009
Modifié par la loi constitutionnelle n°95-880 du 4 août 1995 – art. 5
Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. »
Cette délibération a eu lieu en Conseil des ministres le 27 août 2025 :
« Sujet débattu :
Délibération sur l’engagement de la responsabilité du Gouvernement par le Premier ministre
Le Premier ministre a demandé, conformément au 1er alinéa de l’article 49 de la Constitution, la délibération du Conseil des ministres sur l’engagement devant l’Assemblée nationale de la responsabilité du Gouvernement sur sa déclaration de politique générale. »
Fermez le ban !
Pour transmission à votre fidèle lecteur…
Vérification faite, vous avez raison concernant la délibération préalable relative à la question de confiance qui, en l’occurrence, ne pouvait être mise en œuvre qu’après publication d’un décret du Président de la République convoquant le Parlement en session extraordinaire avec pour ordre du jour une déclaration de politique générale. M’étant reporté au site officiel de l’Élysée et au compte rendu du Conseil des ministres du 27 août 2025, ce que j’aurais dû faire, je prends acte de votre sérieux sans vernis et vous remercie pour votre rectification. Ne vous gênez surtout pas pour relever, avec ou sans vernis, les autres erreurs puisque vous semblez en avoir relevé plusieurs autres, bien que n’ayant pas été au-delà du premier paragraphe. Nous corrigerons volontiers, humblement et sans vernis !