Gavroche a sélectionné pour vous les faits marquants de l’actualité birmane de la semaine écoulée. Un panorama essentiel pour comprendre l’évolution politique, économique et sociale de ce pays d’Asie du Sud-Est.

Politique / Diplomatie

À une semaine de l’ouverture des élections, le régime militaire birman a verrouillé l’ensemble de l’appareil politique. L’objectif du général Min Aung Hlaing est clair : garantir un Parlement dominé par les militaires sous une façade prétendument “civile”, incarnée par le parti USDP. Le scrutin, étalé jusqu’en janvier, exclura d’emblée 65 circonscriptions — soit environ 15 % du territoire — principalement dans les zones contrôlées par la résistance, notamment dans les États Chin, Kachin et Kayin. L’ONU a dénoncé un véritable “théâtre de l’absurde”, rappelant qu’aucune élection crédible n’est possible dans un pays qui compte plus de trois millions de déplacés et subit des bombardements quasi quotidiens.

Le Pakistan enverra une mission d’observation électorale en Birmanie pour surveiller les élections du régime, prévues à partir du 28 décembre et jusqu’en janvier 2026, rapportent les médias locaux. L’ambassadeur pakistanais, Tariq Karim, a rencontré Min Aung Hlaing à Naypyidaw mardi pour discuter du renforcement des relations bilatérales, notamment dans les domaines du commerce, de l’économie, de la défense, de la santé et de la politique. La Biélorussie, la Chine et la Russie ont également annoncé l’envoi d’observateurs pour ces élections.

Le Gouvernement d’unité nationale (NUG), principale force d’opposition en exil, traverse une période délicate. Le remaniement ministériel du 15 décembre, marqué par la dissolution et la fusion de plusieurs portefeuilles, a suscité de vives critiques. Présentée comme une mesure de rationalisation, cette réforme est perçue par beaucoup comme un signe de fragilité. La démission du Dr Sasa a accentué le malaise, tandis que les accusations de manque de transparence financière et de soutien logistique insuffisant aux Forces de défense du peuple se multiplient. Une question se pose désormais : le NUG parviendra-t-il encore à fédérer la résistance armée alors que son mandat, issu des élections de 2020, arrive à échéance fin 2025 ?

L’Inde renforce discrètement ses liens avec le régime afin de protéger ses projets d’infrastructure dans l’État de Rakhine, tout en craignant une instabilité croissante à sa frontière. Cette approche a été dénoncée par la résistance comme une hypocrisie démocratique.

La Chine, soucieuse de stabiliser sa frontière, a fermé plusieurs points de passage et restreint l’approvisionnement des zones contrôlées par les groupes armés ethniques du Nord. Cette pression vise à empêcher toute perturbation du scrutin, faisant de Pékin un arbitre de fait du conflit.

Le régime a affirmé mardi que la conseillère d’État Aung San Suu Kyi, emprisonnée, est « en bonne santé », un jour après que son fils Kim Aris a déclaré à Reuters ne recevoir que peu d’informations sur l’état de sa mère de 80 ans et craindre qu’elle ne meure sans qu’il le sache. Détenue depuis le coup d’État militaire du 1er février 2021, elle purge une peine de 27 ans pour incitation, corruption et fraude électorale. Le communiqué officiel ne fournit aucune preuve ni détail sur sa santé.

Économie

Selon la Banque mondiale, les effets cumulés du séisme de mars, du conflit et des pénuries ont aggravé la crise humanitaire : 3,6 millions de déplacés, 12,4 millions de personnes en insécurité alimentaire et 22 millions dépendant de l’aide humanitaire. Malgré tout, la croissance 2025 est légèrement révisée à -2,0 %, portée par un timide rebond de l’activité et une inflation en ralentissement (+19,8 % en octobre). Hors alimentation, les prix restent élevés, notamment à cause des restrictions d’importation et des hausses des tarifs électriques.

Dans un geste stratégique pour séduire Pékin, le régime a annoncé la relance du controversé barrage de Myitsone, suspendu depuis 2011. Ce projet hautement symbolique vise à consolider le soutien chinois après les élections et à renforcer les liens économiques et politiques entre les deux pays, malgré les critiques locales et internationales. Situé à 32 km de Myitkyina, le programme de 7,2 milliards de dollars prévoit plusieurs barrages sur les rivières Mai et N’Mai, avec une capacité de production proche de 20 000 MW. Soe Win a assuré que le barrage principal serait renforcé pour résister aux séismes, suite au tremblement de terre de magnitude 7,7 sur la faille de Sagaing en mars dernier.

La situation macroéconomique reste extrêmement fragile. Le PIB devrait se contracter de 2,5 % en 2025/2026, sous l’impact combiné des destructions causées par le séisme et de la guerre civile. La pénurie de main-d’œuvre s’aggrave, alimentée par la conscription et l’exode des jeunes. Cette semaine, le kyat a de nouveau perdu de la valeur, incitant le régime à durcir les contrôles de change, une mesure qui paralyse les échanges et alimente la contrebande.

Les prix de l’or 24 carats en Birmanie ont atteint un nouveau record à 9,2 millions de kyats (2 300 USD) le tical (16,33 g) jeudi, contre 8,8 millions plus tôt ce mois-ci. Cette hausse reflète notamment l’augmentation du prix de l’or sur le marché international, qui s’établit à 4 300 USD l’once dans un contexte d’incertitudes géopolitiques mondiales.

Société / Répression / Conflit

Le fait marquant du week-end est la création, le 21 décembre, de la Spring Revolution Alliance, réunissant 19 groupes armés révolutionnaires. Cette alliance vise à coordonner les actions militaires et à proposer une alternative politique crédible face aux élections du 28 décembre.

Le tribunal du district de Western Rangoun a ajouté 10 ans de prison à la journaliste Sut Ring Pan, alias Pu Noi Tsawm, portant sa peine totale à 13 ans, rapporte l’Assistance Association for Myanmar-based Independent Journalists (AAMIJ). Selon l’AAMIJ, elle a été torturée et battue pendant 22 jours d’interrogatoire avant d’être transférée à la prison d’Insein. Sut Ring Pan, journaliste depuis plus de deux ans, est détenue depuis son arrestation le 29 septembre 2024.

Des forces de la People’s Defense Force (PDF) ont pris d’assaut un poste de la junte à Letpadan, dans l’ouest de Bago, près de la route Rangoun-Pyay, mardi. Dix-huit soldats de l’amée birmane, dont un officier de police, ont été tués et des armes saisies, selon le commandement régional de Bago du gouvernement d’unité nationale. Au moins trois autres affrontements ont eu lieu depuis le 12 décembre le long de cette route, faisant dix victimes supplémentaires parmi les forces armées.

Le Karen National Union (KNU) prévoit de transformer l’ancien site de Shunda Park à Min Let Pan, contrôlé par la DKBA et utilisé pour des escroqueries en ligne transnationales, en campus éducatif spécialisé dès que la sécurité et la stabilité politique seront rétablies. Le régime birman détruit parallèlement les infrastructures des hubs d’escroquerie chinois KK Park et Shwe Kokko à Myawaddy et remet le matériel saisi aux autorités anti-fraude, tandis que Shunda Park subit des attaques quotidiennes de l’armée.

Chaque semaine, recevez notre lettre d’informations Gavroche Hebdo. Inscrivez-vous en cliquant ici.