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ASIE DU SUD-EST – CHRONIQUE : « Barattage de la mer de lait »

Journaliste : François Dor Date de publication : 30/07/2022
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mythe asie du sud-est

 

Un article tiré des archives de notre mensuel Gavroche, publié en juillet 2015.

 

Les mythes décrivent la création du monde, les actes des premiers humains. Mystérieux, ces récits semblent échapper à la raison et rester indéchiffrables. Cela est d’autant plus perturbant qu’ils constituent notre fondement, notre mémoire première. Cependant, basé sur cette science récente qu’est l’embryologie, un nouveau point de vue sur ces récits fondateurs montre qu’ils figurent la mémoire fœtale de l’embryogenèse

 

L’Asie du Sud-Est représente inconsciemment dans ses mythes sa mémoire fœtale du cordon ombilical sous la forme d’un lotus, d’une liane, d’un pont de rotin, d’un lien, d’un pilon, d’un pilier de feu, d’un arc, d’un grain de riz gros comme une courge, ou encore d’un serpent, ainsi du fameux naga.

 

Le cordon ombilical se fixe au nombril, ce lieu prodigue la vie à l’embryon ; il est capital. Obéissant à leurs mythes, c’est-à-dire à la réminiscence de l’organisation fœtale, les civilisations ont reconstitué inconsciemment ce nombril qui prodigue la vie à coup sûr, centre du monde fœtal, dans leur ville capitale, « centre du monde », ainsi d’Angkor – sanscrit khmérisé de nagara.

 

Nos connaissances sur les mythes, perçus comme une réminiscence de la vie utérine, nous permettent d’appréhender un mythe fameux, et inexpliqué à ce jour, celui du « barattage de la mer de lait ».

 

« Il y a bien longtemps, Indra et les trois mondes perdirent leur vigueur première. Vichnou leur apparut, sourit et dit : « Je vous rendrai votre puissance. Voici ce qu’il vous faut faire : Prenez le mont Mandara comme bâton et le serpent Vâsouki comme corde et barattez la mer de lait, vous en verrez sortir la liqueur d’immortalité. » On mit le mont Mandara sur le dos d’une tortue géante. Les efforts persévérants des dieux eurent leur récompense : apparut la liqueur d’immortalité. » (1)

 

Désormais, nous pouvons voir dans ce serpent Vâsouki comme corde, une figuration du cordon ombilical ; dans ce mont Mandara comme bâton, la zone très renflée du nombril de l’embryon ; dans cette tortue géante, l’embryon qui flotte dans le liquide amniotique, cette mer de lait ; et dans cette liqueur d’immortalité, le sang, la circulation sanguine ombilico-placentaire qui s’est établie et qui prodiguera une vie sans cesse renouvelée au fœtus, Indra.

 

« Le système vasculaire de l’embryon humain apparaît lorsque l’embryon ne peut plus satisfaire à ses besoins nutritionnels par simple diffusion. (2) Le développe-ment du placenta commence à la nidation. Des ébauches vasculaires se développent. « Lorsque se réalise la jonction entre les vaisseaux placentaires, « le serpent Vâsouki comme corde », et ceux issus de l’embryon, « le mont Mandara comme bâton », la circulation sanguine s’établit, « apparut la liqueur d’immortalité », au moment où précisément la nutrition de l’embryon par simple diffusion ne pouvait plus suffire à son développement, « Indra et les trois mondes perdirent leur vigueur première. » (3)

 

« Les espèces vivantes se reproduisent. L’invention de l’œuf crée un milieu intérieur au sein duquel l’embryon dispose d’éléments nutritifs. Cependant, l’embryon sait se suffire de sa dotation alimentaire initiale. Vient alors l’invention mammifère : l’alimentation devient permanente et renouvelée. » (4) L’embryogenèse est une récapitulation brève et rapide de l’évolution de la vie depuis l’origine. Sa mémoire, « la mythologie ancienne décrit Brahmâ comme né d’un œuf d’or ; mais les développements tardifs expliquent qu’il est né d’un lotus issu du nombril de Vichnou », (5) constitue le reflet fidèle de l’embryogenèse. Ainsi de ce mythe du barattage de la mer de lait, mémoire fœtale du passage à l’invention mammifère.

 

Les dirigeants de notre chère Thaïlande ont choisi d’orner par une magnifique représentation de ce mythe le hall de départ de l’aéroport Suvarnabhumi à Bangkok.

 

François Dor

 

Juriste de formation, François Dor a consacré plus de vingt années à la rédaction d’un livre sur cette découverte fondamentale des mythologies, mémoires de la vie fœtale.

 

(1) Selon P. Masson-Oursel, L. Morin, Mythologie de l’Inde, Mythes et Mythologies,Larousse, 1996, p. 449.
(2) Selon J. Langman, Embryologie médicale, Pradel, 2003, p. 221.
(3) Selon G. Pradal, Embryologie humaine élémentaire, Ellipses, 2006, p. 281.
4 – Selon J.-M. Delassus, Le génie du fœtus, Dinod, 2001, p. 25.
5 – Selon J. Schmidt, Mythes et Mythologies, Larousse, 1996, p. 635.

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