Une chronique géopolitique de Ioan Voicu, ancien ambassadeur de Roumanie en Thaïlande
Il est de notoriété publique que l’ASEAN ne bénéficie pas de la large publicité internationale qu’elle mérite en tant qu’organisation régionale réunissant dix pays, dont la population totale est estimée à environ 699 854 727 habitants en 2025, selon Worldometer. Cependant, ses relations avec les Nations Unies sont examinées tous les deux ans par l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), qui adopte une résolution globale sur ce sujet d’actualité.
C’est également ce qui s’est produit en 2025, lorsque le Brunéi Darussalam, le Cambodge, l’Indonésie, la République démocratique populaire lao, la Malaisie, la Micronésie (États fédérés de), la Birmanie, le Nicaragua, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines, Singapour, le Sri Lanka, la Thaïlande, le Timor-Leste, le Turkménistan et le Vietnam ont soumis un pro jet de résolution de 9 pages contenant un long préambule et 36 paragraphes opérationnels. Le Secrétariat de l’ONU a ensuite annoncé la participation de nombreux autres co-parrains, parmi lesquels l’Australie, le Brésil, la Chine, l’Inde, la France, l’Allemagne, la Russie, la Suisse et la Roumanie.
Présentant le texte au nom de l’ASEAN, le représentant de la Malaisie, pays qui assure la présidence de l’ASEAN en 2025, a rappelé que le Secrétaire général de l’ONU avait décrit cette organisation régionale comme « un bâtisseur de ponts et un messager de la paix ». Ce document diplomatique a été adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 27 mai 2025 par un vote enregistré de 158 voix pour, 1 contre (États-Unis) et 1 abstention (Israël).
Le texte commence par rappeler les buts et objectifs de l’ASEAN, tels qu’ils sont consacrés dans la Déclaration de Bangkok du 8 août 1967, en particulier le maintien d’une coopération étroite et bénéfique avec les organisations internationales et régionales existantes ayant des buts et objectifs similaires. Le texte poursuit en notant les buts et principes consacrés dans la Charte de l’ASEAN, entrée en vigueur le 15 décembre 2008, notamment en ce qui concerne le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international.
Aspects essentiels
Dans cette chronique, pour des raisons de place, nous nous concentrerons uniquement sur quelques dispositions fondamentales des paragraphes opérationnels de cette résolution. Par ces dispositions, l’AGNU salue les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Vision communautaire de l’ASEAN 2025, qui devrait garantir une paix et une stabilité durables, une croissance économique soutenue, une prospérité partagée et le progrès social dans la région. Elle attend avec intérêt l’adoption de la Vision communautaire de l’ASEAN 2045 et de ses plans stratégiques, qui traceront l’orientation future de l’Association vers une ASEAN résiliente, innovante, dynamique et centrée sur les personnes en 2045.
Il est important de noter que l’AGNU reconnaît expressément les contributions importantes de l’ASEAN au renforcement de sa centralité, pierre angulaire de la stabilité et de la prospérité régionales, et pilier de la paix et de la sécurité internationales.
Par une disposition spéciale, l’AGNU soutient l’organisation d’ateliers, de séminaires et de programmes régionaux de renforcement des capacités entre l’ASEAN et l’ONU afin de promouvoir le dialogue sur les questions de sécurité régionale et mondiale, notamment la prévention des conflits, la diplomatie préventive, le désarmement et la non-prolifération, la cybersécurité, les opérations de maintien de la paix, la criminalité transnationale organisée, y compris, mais sans s’y limiter, le trafic d’espèces sauvages et de bois, la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent susceptible de mener au terrorisme, sur la base de la confiance mutuelle, d’intérêts partagés et du respect mutuel.
Dans des domaines plus spécifiques, l’AGNU encourage la poursuite de la collaboration et du partenariat entre l’ONU et l’ASEAN afin de renforcer la coopération dans les secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et de la foresterie, notamment en renforçant l’assistance technique dans les domaines de l’alimentation, de la gestion durable et efficace des ressources en eau et de l’agriculture durable, circulaire et intelligente, en améliorant la résilience de l’agriculture régénératrice et de la foresterie face aux effets néfastes du changement climatique, en promouvant les solutions fondées sur la nature et les efforts de décarbonation, en promouvant la numérisation dans les secteurs agricoles, en faisant progresser la gestion durable des forêts, la restauration des paysages forestiers et les initiatives de reforestation, et en favorisant les partenariats public-privé et la coopération agricole.
Une attention particulière est accordée à la collaboration entre l’ONU et l’ASEAN afin de promouvoir l’éducation au développement durable. Cette collaboration vise à répondre aux besoins des enfants et des jeunes, y compris ceux qui ne sont pas scolarisés, à améliorer l’accès à une éducation de qualité, à renforcer la coopération dans l’enseignement et la formation techniques et professionnels, à promouvoir l’engagement des jeunes et le sport au service du développement, et à favoriser une culture de l’apprentissage tout au long de la vie grâce à des initiatives alignées sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les priorités du développement humain.
Le tourisme ne saurait être ignoré, et l’AGNU encourage une coopération plus étroite entre l’ONU et l’ASEAN dans ce domaine, notamment pour promouvoir un tourisme durable et inclusif et des programmes de renforcement des capacités dans le secteur touristique, reconnaissant ainsi la valeur du tourisme comme moteur de croissance et de développement socio-économiques.
Sensible aux réalités de l’Asie du Sud-Est, l’AGNU encourage une coopération plus étroite en matière de réduction des risques de catastrophe, d’intervention et de gestion des urgences entre l’ONU et l’ASEAN afin de garantir une réponse et une gestion efficaces des catastrophes naturelles, de renforcer les mesures d’adaptation au changement climatique et de renforcer la résilience aux catastrophes, notamment en améliorant le financement et l’assurance des risques, grâce à la mise en œuvre du Plan d’action stratégique conjoint de l’ASEAN sur la gestion des catastrophes (2021-2025), et de renforcer les capacités et le soutien technique des initiatives et centres pertinents de l’ASEAN par l’intermédiaire de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) et du Bureau régional pour l’Asie et le Pacifique du Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe, et de concrétiser la vision de l’ASEAN d’être un leader mondial de la gestion des catastrophes.
Dans le domaine social, il est instructif de mentionner le fait que l’AGNU encourage davantage la coopération et les efforts de collaboration entre l’ONU et l’ASEAN pour promouvoir le travail décent pour tous, y compris la protection des travailleurs migrants, la reconnaissance des compétences, le développement des compétences, y compris les compétences numériques et vertes, la protection sociale, la sécurité et la santé au travail, les emplois verts et l’emploi inclusif, et pour améliorer les normes du travail grâce à une inspection du travail efficace, des systèmes d’information sur le marché du travail, le dialogue social et l’intégration d’une perspective de genre, la coopération continuant à soutenir les études régionales, les ateliers et d’autres activités d’intérêt mutuel.
Conclusion
Dans son ensemble, la résolution, dont les éléments essentiels ont été évoqués ci-dessus, réaffirme le partenariat durable entre l’ONU et l’ASEAN, fondé sur le respect mutuel et un engagement commun en faveur du multilatéralisme. Elle souligne le rôle stratégique de l’ASEAN dans les affaires régionales et mondiales et reflète la reconnaissance par l’ONU des organisations régionales comme piliers essentiels de la coopération internationale.
En renforçant les liens institutionnels et en élargissant la collaboration thématique – du changement climatique à la réponse aux crises –, la résolution contribue, au moins sur le plan diplomatique, à un ordre mondial plus interconnecté et résilient, où les organisations régionales comme l’ASEAN jouent un rôle essentiel de moteur de paix, de développement et de progrès humain.
La lutte pour des contributions régionales à un multilatéralisme efficace se poursuivra. Dans ce contexte, il est nécessaire de rappeler que l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé au Secrétaire général de l’ONU de lui soumettre, lors de sa quatre-vingt-unième session (2026), un rapport sur la mise en œuvre de la résolution présentée ci-dessus, et a décidé d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de sa quatre-vingt-unième session, au titre du point officiellement intitulé « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et autres », le sous-point intitulé « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est ».
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