Home Accueil ASIE – EUROPE: « La stratégie européenne dans l’Indopacifique est subtile et parfaitement adaptée »

ASIE – EUROPE: « La stratégie européenne dans l’Indopacifique est subtile et parfaitement adaptée »

Journaliste : Rédaction Date de publication : 04/02/2022
2

sous-marin indopacifique

 

Gavroche publie ici une autre analyse géopolitique de la Fondation Robert Schuman dont l’intégralité des publications peut être retrouvée ici. Il s’agit d’un entretien avec Patrick Hébrard, Vice-amiral d’escadre (2S), Officier de Marine, pilote de l’aviation embarquée, membre d’EuroDéfense-France et de Wise Pen International.

 

Avez-vous constaté une évolution allant dans le sens d’une plus grande interopérabilité des marines des États membres de l’UE ?

 

Tout d’abord, il faut souligner que l’interopérabilité des marines est quelque chose que l’Union européenne doit essentiellement à l’OTAN. En effet, au cours des dernières décennies, l’OTAN a défini un certain nombre de procédures et de normes pour permettre l’émergence d’une grande interopérabilité entre les forces navales alliées.

 

Les exercices menés sous l’égide de l’OTAN ont permis de valider ces procédures et de tenir compte des progrès techniques pour les adapter. Désormais, tous les navires européens peuvent se ravitailler mutuellement, faire poser leurs hélicoptères sur toutes les plateformes, échanger leur situation tactique en temps réel grâce à ces normes communes. Il s’agit d’une avancée essentielle qui doit être poursuivie. Il peut exister des systèmes de communication spécifiques à l’Europe… comme il y en a aux États-Unis : mais pour les procédures, d’une manière générale, il faut continuer à échanger et partager les informations par exemple sur la situation autour d’une flotte. C’est un acquis qu’il faut absolument préserver.

 

Quel est votre regard sur la stratégie européenne dans l’Indopacifique ?

 

La stratégie européenne dans l’Indopacifique peut être qualifiée de subtile et parfaitement adaptée. En effet, dans les conclusions publiées par le Conseil le 19 avril 2021 concernant la stratégie européenne pour la coopération dans l’Indopacifique, l’Europe ne s’oppose pas à la Chine ; mais le document mentionne bien la réticence des États européens à approfondir leurs échanges avec des États qui ne respecteraient pas ses valeurs, comme les droits de l’Homme. Premier point important, l’Europe veut que ses valeurs soient partagées. Par ailleurs, la stratégie européenne dans l’Indopacifique insiste sur la nécessité de renforcer les partenariats avec les États du Sud-Est de l’Asie (ASEAN) pour préserver la liberté de navigation et lutter contre la territorialisation des mers.

 

Même si certains pays de l’ASEAN sont moins développés économiquement et que certains comme le Laos, la Cambodge sont sous l’influence de la Chine et que certaines décisions sont conditionnées par l’accord de cette dernière, il est essentiel de renforcer les liens avec les pays de l’Asie du Sud-Est.

 

Enfin, la stratégie européenne dans l’Indopacifique mentionne la Global Gateway, initiative qui constitue une réponse européenne au projet chinois des nouvelles routes de la soie, et qui prévoit jusqu’à 300 milliards € d’investissements d’ici à 2027. On pourrait dire que l’Europe veut concurrencer la Chine à son jeu, avec une stratégie intelligente. Alors que de nombreux pays, y compris en Europe, courent le risque de devenir captifs des intérêts chinois, l’Europe fait une proposition différente, respectueuse de l’État de droit, des droits de l’Homme et des normes internationales.

 

Est-ce que le renforcement militaire dans la région représente une menace sécuritaire pour l’Europe ?

 

Pour y répondre, il convient de partir du fait que la décision de la Nouvelle Calédonie de rester partie de la communauté française, est essentielle pour la France, pour l’Europe, mais aussi pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande afin de faire front commun face à l’emprise croissante de la Chine dans l’Indopacifique, cet espace qui est le cœur du commerce mondial. La Chine cherche à accroître son influence et les ambitions chinoises rendent compte de la nécessité pour l’Europe d’être davantage présente dans l’Indopacifique. L’Europe doit renforcer le nombre de navires de ses marines présents de façon permanente ou en mission temporaire dans la zone afin de se rendre visible sur place. La Chine s’est emparée de la mer de Chine méridionale alors même qu’elle avait signé la convention de Montego Bay sur le droit de la mer. Elle y a créé une zone économique exclusive (ZEE) qui ampute celle du Vietnam, des Philippines, de la Malaisie et de l’Indonésie, pour des raisons stratégiques mais aussi parce que, ayant un très vaste territoire, et étant une économie mondiale en forte croissance, la Chine a le sentiment de ne pas avoir une ZEE correspondant à son statut. Celle-ci est en effet contrainte par les barrières d’îles des pays voisins.

 

Quelle est la plus-value de la Boussole stratégique européenne ?

 

Le projet de Boussole stratégique européenne est une bonne idée, à condition de ne pas se limiter à de bonnes intentions. Dans le cas de la marine, la Boussole stratégique doit permettre de renforcer la coopération entre États européens. Des avancées ont déjà été faites : les États membres se sont mis d’accord pour coordonner leur présence dans certains endroits, comme dans le golfe de Guinée ou l’océan Indien. Il faut aller plus loin, notamment en matière de logistique.

 

Il faudrait arriver à des accords avec les entreprises de construction navale de manière à avoir des séries de bateaux qui soient suffisamment importantes. Il s’agit d’un véritable travail de fond : la diminution des coûts, l’existence d’une logistique commune, une formation commune. Il sera alors plus simple d’échanger les équipages entre pays car ils connaîtront déjà le fonctionnement du bateau. Il en va de même pour les armements des bateaux qui, pour le moment, répondent à des législations différentes. Il faudrait donc que cette Boussole stratégique déblaie un certain nombre de sujets et permette d’avancer, sans pour autant créer une Marine européenne, ce qui demandera du temps.

2 Commentaires

  1. Que va donc faire la France dans cette galère ? L’Europe est une coquille vide masquée par des notions aussi floues et d’interpretations aussi opposées et divergentes que celle de “droits de l’Homme”, de valeurs que l’on est incapable de définir, bonnes à effectuer quelques gargarismes vocaux et souvent générer la guerre. L’Europe de la défense est un fantasme ou , au mieux un voeu creux, un mantra tout juste bon à masquer les divisions irréductibles. L’indo-pacifique nouvelle frontière que se découvre la France, arc-boutée sur ses “possessions” du pacifique que la Nouvelle-Zelande et l’Australie voudraient bouter ( et cela en accord avec la Chine) hors de la région. Quelle peut être une stratégie européenne de l’euro-pacifique pour l’Inde et l’Australie ou des USA dont les buts sont divergents. Quelle peut être une stratégie européenne de l’euro-pacifique alors que les pays européens sont en désaccord et que la France entend assurer seule le leadership arrognant ( “puissance “nucléaire et membre de conseil de sécurité)
    Penser que l’on peut contenir la puissance economique et technologique de la Chine par des moyens militaires est absurde. Mais demander à un militaire de s’exprimer ne peut donner qu’une analyse limitée et fausse. Le partenariat économique régional global ( RCEP en anglais) est actuellement le plus grand accord de libre-échange jamais signé, entre les pays de l’ASEAN (ANASE en anglais) , la Corée du Sud, Le Japon et la Chine. Les intérêts de cette dernière vont d’ailleurs bien au dela de la zone, en Afrique, en Amérique latine et même en Europe. La Russie n’est pas en reste.
    Quel attrait l’OTAN peut-il bien avoir ? quelle crédibilité lui accorder ainsi qu’à ses leaders ? des échecs retentissants depuis la guerre du Vietnam, le denier en date subi à Kaboul. Aucun succès n’a été obtenu de son point de vue et de ses buts. Les USA ont d’ailleurs déclaré vouloir cesser de se projeter à l’extérieur ( America First et tentation isolationniste). Quand à la France, une exemple grandeur nature de débandade en Afrique, remplacée par la Russie, La Chine, la Turquie. L’OTAN comme a dit l””autre” est atteinte de mort cérebrale.
    J’ajoute que la participation à cette galère se fait sans l’accord des citoyens qui, en tant que caniches du “Maître”, devront, le cas écheant payer de leur sang. Les militaires eux n’engagent que rarement leur vie mais celle des autres.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les plus lus