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ASIE – FRANCE : que peut faire l’Europe dans le triangle stratégique « Chine – États-Unis – Asie du Sud-Est » ?

Journaliste : Christian Lechervy Date de publication : 17/03/2022
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Chine états-unis asie du sud-est

 

Christian LECHERVY est ambassadeur de France en Birmanie. Il vient de collaborer à un ouvrage collectif intitulé « Un triangle stratégique à l’épreuve – La Chine, les États-Unis et l’Asie du Sud-Est depuis 1947 » sous la direction de Pierre Journoud. Gavroche en publie ici un extrait et vous recommande sa lecture intégrale.

 

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Par Christian Lechervy, Ambassadeur de France en Birmanie

 

De 1947 à nos jours, l’Asie du Sud-Est n’a pas cessé d’avoir une définition géographique fluctuante. Il reste à savoir si celle d’aujourd’hui est plus durable que les précédentes pour dimensionner de manière idoine les politiques extérieures de ses partenaires. Elle semble toutefois s’incarner depuis cinquante ans dans un sous-ensemble organisé et présenté comme central pour toute l’Asie-Pacifique, voire dans la mise en œuvre du concept Indo-Pacifique. Si l’Asie du Sud-Est se veut dorénavant l’expression d’une communauté rassemblée dans « ses » frontières, incarnée dans l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), elle n’en semble pas moins toujours menacée d’être engoncée entre l’Inde et la Chine.

 

L’Asie du Sud-Est ne se définirait-elle pas par elle-même ? En choisissant une dénomination cardinale « neutre » pour la qualifier, serait-elle « simplement » le point d’intersection de ses grands voisins, quelque part au sud de la Chine et à l’est de l’Inde et condamnée à être soumise à la sphère d’influence de l’une et/ou de l’autre, à balancer entre Pékin et New Delhi ?

 

À l’avenir, l’Asie du Sud-Est ne pourrait-elle plus se départir de l’histoire des civilisations voisines et des jeux d’influence de ses deux pôles attractifs, étant entendu que les États-Unis seraient tendanciellement une grande puissance déclinante dans la région ? Après avoir été durablement « indianisée », serait-elle condamnée irrémédiablement à se « siniser » ?

 

En attendant de trancher ces alternatives clivantes, si une rivalité sino-indienne semble vouloir se (re)bâtir de la mer d’Andaman à la mer de Chine méridionale, de l’océan Indien à l’océan Pacifique, force est de constater que les parenthèses coloniales, de la Guerre froide et de la pax americana avaient apaisé pendant quelques siècles ces appétits. Pour prolonger cette mise à distance, l’Asie du Sud-Est, et l’ASEAN à travers elle, se veulent l’expression d’« une vision » et d’« une identité » propres. L’une et l’autre constitueraient une nouvelle polarité stratégique, fondée sur une communauté d’intérêt politico-sécuritaire (APSC), un projet économique intégrateur (AEC) et une communauté socio-culturelle (ASCC).

 

Présentement, ces communautés d’avenir sont plus des objectifs à atteindre que des réalités objectives et réellement imbriquées. Mais, en affirmant d’ores et déjà leur existence, l’ASEAN fait valoir qu’elle ne saurait être condamnée à être arrimée à une puissance asiatique, être seulement une nouvelle territorialité « Indo-Chine ». Son essence même, son projet stratégique serait a contrario d’attirer vers elle les puissances du monde et
non être une région sous influence.

 

Toutefois géographie faisant loi, un tripode « Inde – ASEAN – Chine » aux géométries variables se constitue-t-il sous nos yeux en Asie-Pacifique, les États-Unis étant un partenaire de plus en plus distant et l’Union européenne (UE), un interlocuteur politique incertain ? Si une telle géo-polarité s’esquisse, quelle place est-elle susceptible de réserver aux autres puissances asiatiques, à la République de Corée, au Japon et à la Fédération de Russie, voire à des puissances plus lointaines telles l’Australie ou l’Amérique du nord, puisque l’Asie du Sud-Est est le nexus de la concurrence stratégique dans la région « Indo-Pacifique » ? Cette recomposition pluri-polaire est-elle de l’intérêt des Européens et ces derniers peuvent-ils y prendre part, y jouer un rôle individuellement (Allemagne, France, Royaume Uni, par exemple) ou collectivement ? Cependant, à l’heure où la Chine met
en œuvre l’Initiative ceinture et route (BRI, acronyme anglais de Belt and Road Initiative), ses corridors terrestres et maritimes, les États-Unis et le Japon une politique « Indo-Pacifique libre et ouverte », l’Inde une « politique en acte de l’Asie de l’Est », les Européens n’ont pas de vocable unificateur pour énoncer leur politique. Si l’expression des intérêts européens reste vague, empreinte d’un langage très administratif, l’UE a su montrer une grande adaptabilité fonctionnelle aux sous-régions de l’Asie-Pacifique

1 COMMENTAIRE

  1. Si l’occident veut jouer un rôle, il doit lui-même commencer par réaliser sa propre unité. La seule expression politique de l’occident, c’est l’OTAN ; or l’OTAN ne fait pas l’unanimité. Pourquoi ? C’est ici que se trouve la question préalable à toute action en direction de l’Asie du Sud-Est.

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