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ASIE – ONU: Quelle parole asiatique à l’Assemblée générale de l’ONU ?

Journaliste : Dr Ioan Voicu Date de publication : 12/09/2022
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Notre collaborateur et chroniqueur Ioan Voicu s’interroge sur la prochaine Assemblée générale de l’ONU, en pleine guerre en Ukraine. Quelle place pour l’Asie ? Voici sa réponse.

 

La 77e session de l’Assemblée générale des Nations Unies débutera ses travaux le 13 septembre 2022 avec un ordre du jour provisoire de 180 points couvrant tous les grands problèmes mondiaux de l’humanité à examiner par 193 États membres.

 

L’un des participants les moins connus et modestement médiatisés, sans statut juridique auprès de l’organisation mondiale, est le Forum régional de l’ASEAN (ARF) créé en 1994.

 

En fait, l’ARF est une plate-forme régionale importante pour la promotion du dialogue sur la sécurité en Asie et dans le Pacifique. Il offre un cadre dans lequel les membres peuvent discuter des problèmes de sécurité actuels et développer des mesures de coopération pour renforcer la paix et la sécurité dans la région.

 

L’ARF se caractérise par une prise de décision basée sur le consensus et un dialogue franc. Il comprend 27 membres : les 10 États membres de l’ASEAN (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) ; 10 Partenaires du dialogue de l’ASEAN (Australie, Canada, Chine, Union européenne , Inde, Japon, Nouvelle-Zélande, République de Corée , Russie et États-Unis), ainsi que le Bangladesh, la République populaire démocratique de Corée, Mongolie, Pakistan, Sri Lanka, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Timor-Leste.

 

Le 29e Forum régional de l’ASEAN s’est tenu le 5 août 2022 à Phnom Penh, sous la présidence du Royaume du Cambodge en 2022.

 

Son principal document diplomatique est la Déclaration du Forum régional de l’ASEAN visant à promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité par des mesures de confiance et  la préventive.

 

À la suite de négociations diplomatiques et d’efforts de rédaction, ce document adopté par deux organisations régionales et par une liste impressionnante de pays mentionnés ci-dessus ne peut être ignoré ou condamné à l’obscurité.

 

Une courte analyse de son contenu essentiel mérite d’être partagée avec les lecteurs de Gavroche.

 

Cadre conceptuel prometteur

 

Le document commence par un long préambule en réaffirmant la responsabilité de tous les membres de l’ARF de faire respecter les principes de respect mutuel de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’égalité des droits de toutes les nations, tels qu’ils sont inscrits dans la Charte des Nations Unies et le Traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est,et appelle toutes les nations à faire preuve d’un maximum de retenue et à déployer tous les efforts possibles pour poursuivre un dialogue pacifique par tous les canaux, y compris par des moyens diplomatiques, afin de réduire les tensions et d’atténuer les conflits.

 

On  reconnaît les impacts et les incertitudes posés par la complexité croissante des défis de sécurité régionaux et mondiaux, y compris les problèmes de sécurité traditionnels et non traditionnels, et  on  reconnaît que ces défis nécessitent une approche holistique et globale pour les résoudre.

 

Une disposition importante traite de la pertinence continue de l’ARF et de l’engagement de ses membres dans la promotion et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région et de son rôle vital dans le renforcement de la confiance entre ses participants.

 

L’expression « rôle vital » doit être interprétée comme une compréhension consensuelle de ce que l’ARF attend de son activité.

 

Dans un langage nuancé ARF rappelle une priorité :

 

l’engagement de l’ARF à favoriser un dialogue et une coopération constructifs sur les questions politiques et de sécurité d’intérêt et de préoccupation communs ; améliorer la compréhension mutuelle et la transparence, accepter et, dans la mesure du possible, concilier les points de vue divergents afin de réduire les risques pour la sécurité, promouvoir le respect du droit international, y compris la Charte des Nations Unies et ses instruments connexes, ainsi que promouvoir le renforcement de la confiance et la diplomatie préventive pour maintenir la paix, la stabilité, et la prospérité de la région.

 

Pour des raisons de cohérence, l’ARF rappelle également les principes de base contenus dans le document conceptuel de l’ARF de 1994, qui est un document fondamental important qui a guidé le développement de l’ARF depuis sa création.

 

Pour des raisons similaires, le document réitère l’importance accordée par l’ASEAN aux principes et objectifs des Perspectives de l’ASEAN sur l’Indo-Pacifique.

 

Un élément important du document est la référence spécifique au dialogue englobant l’interaction interconfessionnelle et interculturelle ainsi qu’aux efforts visant à promouvoir le respect, la compréhension et la tolérance entre les personnes de toutes religions et sans religions, croyances et cultures en tant qu’élément important  des efforts de l’ARF pour promouvoir la paix et la sécurité.

 

L’actualité du document est également révélée par la référence générale à tous les principes et buts des Nations Unies énoncés dans la Charte des Nations Unies qui appellent au maintien de la paix et de la sécurité internationales; et soulignant la nécessité de respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire dans le règlement des conflits.

 

Il convient de prêter attention au fait que l’ARF a réaffirmé en termes clairs le rôle de ASEAN en tant que force motrice principale de l’ARF et a souligné que la participation et la coopération actives et égales de tous les participants de l’ARF sont essentielles au succès de l’ARF.

 

En face des tensions actuelles dans les relations internationales, l’ARF a le mérite de souligner dans le document à l’examen l’importance du règlement pacifique des différends et du maintien de la paix, notamment par la prévention des conflits armés, le renforcement de l’État de droit et la promotion de la croissance économique durable, l’éradication de la pauvreté, le développement social, le développement durable, la réconciliation et l’unité, notamment par le dialogue et la médiation inclusifs, l’accès à la justice, la responsabilité, la bonne gouvernance et l’égalité des sexes tout en promouvant et en protégeant les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

 

Le document est réaliste dans ses évaluations. En effet, malgré les meilleurs efforts et les efforts réussis de l’ARF, des menaces et des défis à la sécurité qui pourraient saper la paix, la sécurité et la stabilité de la région existent toujours, et ces défis sont de plus en plus multiformes et nécessitent une résolution et une coopération communes pour y faire face.

 

Enfin, en guise de conclusion, le préambule du document est consacré à l’objectif de souligner l’importance de « créer un environnement favorable au renforcement de la coopération entre nos pays dans le respect des principes de consensus, d’égalité, de partenariat, de concertation et de respect mutuel » , et de  la valeur de l’ARF en tant que lieu de dialogue constructif, contribuant ainsi à la paix, à la stabilité et à la prospérité dans la région et dans le monde en général ».

 

Des engagements responsables

 

L’ensemble du document analysé dans ces pages rappelle par sa structure et son style une résolution de l’ONU. Son dispositif est ouvert par une terminologie intéressante. Ce qui suit sont 12 paragraphes dans lesquels l’ARF informe de ce que ses participants s’engagent à faire à l’avenir.

 

Tout d’abord, l’ARF participants renouvellent leur engagement individuel et collectif à s’appuyer sur les réalisations du ARF et à renforcer le dialogue et la coopération dans les domaines existants et nouveaux pour promouvoir et maintenir la paix et la sécurité régionales.

 

Les participants de l’ARF s’engagent à maintenir et à promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité grâce à des mesures de confiance et à la diplomatie préventive dans l’esprit du respect des principes fondamentaux du droit international tels qu’ils sont reflétés dans la Charte des Nations Unies et les principes fondamentaux de l’ASEAN, ainsi que des valeurs et normes partagées.

 

L’ARF veut approfondir la coopération vers une réponse collective et efficace à la pandémie de COVID-19 ; faire progresser la reprise régionale grâce à une gestion efficace du déploiement du vaccin contre la COVID-19 et soutenir le renforcement de la coopération et des initiatives régionales dirigées par l’ASEAN, y compris la mise en œuvre du cadre de relèvement global de l’ASEAN  et de son plan de mise en œuvre, en garantissant un accès équitable à des services sûrs, efficaces et vaccins COVID-19 de qualité garantie.

 

Dans le même temps, l’ARF souhaite travailler conjointement pour encourager un dialogue constructif et des partenariats afin de construire un terrain d’entente pour la coopération dans les domaines d’intérêt mutuel et d’intérêt partagé et le règlement pacifique des différends internationaux.

 

Un autre engagement prometteur consiste à faire preuve de retenue dans la conduite d’activités susceptibles d’affecter la paix et la stabilité, à s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, à adhérer aux principes de la diplomatie préventive et à régler les différends  par des moyens pacifiques, conformément avec le droit international.

 

Le document est tourné vers l’avenir car les Participants de l’ARF (l’original utilise une majuscule pour ce mot) sont déterminés à renforcer davantage la coopération dans la réponse aux nouveaux défis de sécurité traditionnels et non traditionnels, notamment par le partage d’informations, la sensibilisation, ainsi que la capacité  de mesures de construction.

 

En outre, les participants de l’ARF s’engagent à une coopération concrète et pratique pour résoudre les problèmes d’intérêt commun, en vue de renforcer les capacités, de développer l’expertise et d’améliorer la coordination dans les domaines qui peuvent contribuer aux objectifs de sécurité collective de la région.

 

Dans le même contexte, l’ARF est prête à mener des mesures de confiance et de diplomatie préventive plus concrètes et plus efficaces, afin de promouvoir le respect mutuel, le dialogue et la concertation, ainsi qu’une culture de paix et de non-violence, qui peuvent contribuer à éviter les malentendus et erreur de calcul, promouvoir les buts et principes inscrits dans la Charte de l’ASEAN et soutenir le multilatéralisme fondé sur les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et sur la base du droit international.

 

Il est instructif de noter que l’ARF souhaite «soutenir la centralité de l’ASEAN en tant que force motrice dans le maintien d’une architecture régionale ouverte, transparente et inclusive basée sur les principes du droit international ».

 

Sans être plus précis, l’ARF a l’intention d’explorer de nouveaux domaines de coopération possibles, conformément à son objectif de promouvoir la confiance et le respect mutuels et les avantages mutuels, contribuant ainsi à la paix, à la stabilité, à la prospérité et à la durabilité à long terme.

 

Le dernier paragraphe du dispositif du document analysé contient l’engagement fondamental de « Promouvoir la coopération dans les initiatives de consolidation de la paix, notamment en encourageant la participation des femmes et des jeunes aux processus de paix, favoriser le partage d’expériences, les meilleures pratiques, le renforcement des capacités et la collaboration sur les questions politiques et de sécurité , questions d’intérêt et de préoccupation communs, y compris l’aide humanitaire et les actions de déminage en vue de parvenir à la paix, à la stabilité, à la prospérité et à la durabilité dans la région et au-delà ».

 

Mise en œuvre ?

 

Les résultats de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations Unies devraient démontrer dans quelle mesure les engagements du ARF sont réalisables.

 

Dans un monde caractérisé par des vulnérabilités, des perplexités et des discontinuités mondiales, la diplomatie ne peut pas générer de miracles. C’est une réalité troublante que le devoir de solidarité au niveau interrégional ne soit pas traité comme un préalable impératif d’une globalisation à visage humain.

 

Cependant, si l’ARF prend son mandat au sérieux et est guidée par une véritable solidarité interrégionale, (non mentionnée dans le document considéré ci-dessus), un optimisme modéré peut émerger et être visible dans un avenir qui ne peut être prédit actuellement.

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