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BIRMANIE – CONFLIT : EXCLUSIF – Comment la guerre civile se nourrit des terres rares

Date de publication : 30/06/2025
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terres rares en Birmanie

 

Une chronique du conflit birman par François Guilbert

 

La guerre d’Ukraine et les tensions commerciales sino-russes ont fait de l’accès aux terres rares un enjeu stratégique largement débattu publiquement. Ce défi politico-économique connaît toutefois un angle mort dans les débats : la dépendance de la République populaire de Chine aux ressources birmanes. Le sujet est loin d’être anodin. La guerre civile et les récentes conquêtes territoriales des ennemis de la junte installée à Nay Pyi Taw depuis février 2021 ont changé la donne des approvisionnements chinois.

 

Les avancées en 2023 – 2024 des rebelles hostiles au joug de la Tatmadaw dans l’État Kachin et le nord de l’État Shan ont rebattus les cartes au point de pousser Pékin à composer matériellement, financièrement et politiquement avec les insurgés. La dépendance continue des ressources en terres rares extraites de Birmanie renforce le rôle de ce pays dans la stratégie de sécurité des ressources de la Chine. Elle souligne plus largement encore l’influence des minéraux dans la configuration des dynamiques régionales de pouvoir alors même que la Birmanie des généraux est sous sanctions politico-économiques occidentales.

 

La Birmanie est devenue la principale source extérieure de terres rares pour la Chine
Selon une étude de l’Institut pour la stratégie et la politique – Birmanie (ISP) de Chiang Mai, au cours des huit dernières années, la Birmanie est devenue le principal fournisseur étranger de la Chine. Entre 2017 et 2024, la valeur totale des exportations s’est élevée à 6 milliards de dollars. 84 % de cette valeur transactionnelle ont été réalisés avec le Conseil de l’administration de l’État (SAC). Autrement dit, si la coopération sino-birmane s’est bien développée du temps du gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi, les affaires les plus florissantes ont été conduites avec le régime des généraux, tout au moins jusqu’à l’année record de 2023 (1,4 milliard de dollars pour 42 000 tonnes) et ses revers répétés dans le nord et le nord-est de la Birmanie.

 

Depuis près d’une dizaine d’année, la Birmanie est devenue un partenaire clé. De 2016 à 2020, le gouvernement civil issu des rangs de la Ligue nationale pour la démocratie n’a cessé de voir ses livraisons prendre de l’importance. La Chine n’a d’ailleurs jamais été autant dépendante en volume de la Birmanie qu’à l’heure de la gouvernance de cette dernière sur la voie de la démocratie (2018 : 82,1 % ; 2019 : 81,2 % ; 2020 : 87,2 %). L’inefficience économique et militaire du régime du général Min Aung Hlaing fait que la Chine se doit de trouver de nouveaux partenaires pour son industrie consommatrice de terres rares (ex. Laos, Malaisie). Mais toute chose égale par ailleurs, le gouvernement chinois n’en doit pas moins toujours compter sur les importations de Birmanie car si leur proportion dans le volume global ne cesse de diminuer (-8,8 % de 2022 à 2024), elle représente encore 62,8 % pour la dernière année écoulée.

 

L’instabilité dans le nord de la Birmanie est un danger pour les fournitures à la Chine
Alors que le putsch de 2021 ne perturba qu’à la marge le commerce bilatéral des terres rares, il n’en est pas de même avec l’intensification des combats depuis deux ans entre le SAC et les Kachins, le SAC et l’Alliance des trois fraternités. La junte n’a eu pourtant de cesse de délivrer des permis d’exploitation à des affidés et à des sociétés minières détenues par des ressortissants chinois.

 

L’expansion des activités s’est toutefois partiellement retournée contre ses promoteurs. Les déplacements de population qu’elle a induite et les dégâts enregistrés sur l’environnement ont nourri des hostilités communautaires dont les insurgés ont pu tirer avantage pour chasser les soldats inféodés à Nay Pyi Taw. A charge pour l’opposition maintenant de ne pas faire les mêmes « erreurs » de management territorial. Pas sûr toutefois que l’on en prenne pleinement le chemin !

 

Loin des observateurs internationaux, l’écosystème des terres rares est en pleine recomposition. La Nouvelle armée démocratique – Kachin (NDA-K) qui agissait comme garde-frontière des militaires a dû céder la place à une gestion de fait à l’Armée de l’indépendance Kachin (KIA). Un business juteux auquel les acteurs politiques et économiques chinois ont su s’adapter progressivement depuis novembre 2024. La frontière avec le Yunnan s’est rouverte aux importations de terres rares depuis le début de l’année 2025, enrichissant aux passages douaniers l’un des plus solides opposant au régime des généraux ou tout au moins sur sites et check-points certaines de ses unités (ex. brigades 5 et 7 de la KIA).

 

L’exploitation continue des terres rares ne constitue pas un facteur de stabilité pour l’avenir de la Birmanie

 

Depuis six mois la reprise en toute opacité des activités minières démontre le caractère bien peu irénique de la production des terres rares. La Tadmadaw cherche à reconquérir les terroirs perdus, sources de revenus : les terres rares venant s’ajouter à celles des mines de fer, de jade, de marbre, de zinc et de pierres précieuses. Des combats qui conduisent à des enrôlements forcés, y compris d’enfants soldats, et exposent les territoires aux bombardements aériens indiscriminés de la Tatmadaw.

 

L’exploitation irraisonnée du sous-sol génère pour les travailleurs une surconsommation de stupéfiants et une destruction de l’écologie environnante. L’eau des nappes et des rivières se voient rapidement et massivement polluées.

 

A la frontière thaïlandaise, la dégradation aqueuse est telle qu’elle suscite des tensions entre le gouvernement du Royaume et la rébellion wa. Les images satellites mettent en effet en évidence une démultiplication des sites exploités (ex. multiplication par 9 de 2015 à 2025 dans la région de Mong Bawk dans l’Etat Shan), une augmentation de la taille moyenne des mines et une expansion alarmante des contaminations fluviales à l’arsenic (ex. rivières Kok et Sai) provoquées par les partenaires de l’Armée de l’Etat Wa unifié (USWA). Plus au nord, l’usage massive d’agents chimiques rend les productions agricoles impropres à la consommation. Les commerçants chinois et lisu opérant avec le township de Chipwi dans l’Etat Kachin refuseraient désormais, du fait des pollutions massives, d’importer des coings, des noix ou encore du poivre du Sichuan. Les pollutions si massives que leurs effets se font ressentir sur la santé des populations, à commencer par la propagation des maladies de peau.

 

Tout aussi préoccupant pour l’avenir : l’empressement à lancer de nouvelles unités d’extraction pour répondre aux besoins des donneurs d’ordre chinois (laoban) qui concourent à la mise sur pied de stocks stratégiques pouvant utilement peser sur les Etats-Unis voire le Japon comme en 2010 et une industrie chinoise hyper-demandeuse de dysprosium, de terbium et d’yttrium, indispensables aux industries des véhicules électriques. Un état d’esprit entrepreneurial qui nourrit corruption galopante et confiscations brutales des terres par ceux qui détiennent le pouvoir des armes. Une mise au travail prédatrice des populations qui a n’en pas douter va nourrir les violences intercommunautaires et territoriales de demain. Politiquement, ces pratiques d’un capitalisme sauvage voire sanglant vont également étayées des interrogations sur les acteurs ethniques aspirant à gérer demain un Etat birman plus fédéral.

 

François Guilbert

 

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