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BIRMANIE – LIVRE : «A trois doigts de la liberté», l’incroyable résistance de tout un peuple face à la dictature

Journaliste : François Guilbert Date de publication : 19/02/2022
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A trois doigts de la liberte

 

Un an après le putsch orchestré par le général Min Aung Hlaing, les premiers ouvrages sur la Birmanie sous la férule du Conseil pour l’administration de l’État (SAC) sortent des imprimeries. D’ores et déjà quatre manuscrits figurent sur les étals des libraires francophones. Notre chroniqueur François Guilbert est aux aguets !

 

Parmi les titres récemment publiés se trouvent le récit d’une activiste birmane (Thinzar Shunlei Yi – Guillaume Pajot : Mon combat contre la junte birmane, Robert Laffont, 2021, 192 p), un recueil de poètes birmans engagés (Printemps birman, ‎ Héliotropismes, 2022, 112 p) et un essai d’un anthropologue du Centre national de la recherche scientifique (François Robinne : Birmanie. Par-delà l’ethnicité, ‎ Dépaysage, 2021, 330 p).

 

Un livre jugeant de l’actualité birmane

 

Cette production dans la langue de Molière est sans pareil dans le monde anglophone, pourtant réputé plus attentif à décrypter la société et vie politique birmane. Certes, le nombre d’écrits jugeant de l’actualité immédiate est bien limité. Il n’en reflète pas moins par sa diversité et somme toute son nombre tout l’intérêt politique existant dans l’Hexagone à l’endroit du processus démocratique engagé au début de la dernière décennie et conduit pendant cinq ans, avec plus ou moins de bonheur, par Daw Aung San Suu Kyi.

 

L’émotion suscitée par le renversement du régime parlementaire librement élu en 2016 puis 2020 s’est ajoutée à celle qui avait ébranlé les consciences par les massacres subis par la communauté rohingya en 2017. Pour preuve de l’ampleur et de la profondeur de ce choc dans la société française, on relèvera l’accueil politico-médiatique attentif accordé, la semaine dernière, à la visite en France du ministre des droits de l’Homme du gouvernement s’opposant aux militaires. U Aung Myo Min a été largement reçu, se rendant successivement au Quai d’Orsay, à l’Élysée mais également auprès des parlementaires de l’Assemblée nationale du Sénat.

 

Parmi les soutiens exprimés à l’opposition démocratique birmane au cours des douze derniers mois, les élus nationaux ont joué un rôle d’importance. Auditions, questions au gouvernement et débats pour l’adoption de résolutions dénonçant le coup d’État militaire se sont enchaînés.

 

Dans un calendrier politique et international très chargé, cette mobilisation se poursuit. Le 23 février après-midi, les députés de la République débattront, conformément à l’article 34-1 de la Constitution, même publiquement d’une proposition de résolution transpartisane. Un tel débat, en fin de session parlementaire et à la veille de l’élection présidentielle, souligne combien le rejet du régime des généraux birmans fait consensus dans la classe politique française. Cet activisme traduit les convictions profondes des élus, leurs émotions mais il est aussi le fruit du travail d’influence des associations, des porte-paroles de la communauté birmane de France et de leurs relais citoyens.

 

Depuis des mois, ils multiplient les initiatives pour alerter les responsables politiques, les pouvoirs publics, la presse sur ce qui se déroule au quotidien dans les villes et les campagnes de la République de l’Union du Myanmar. Un travail acharné qui porte ses fruits.

 

Parmi les vigies voulant faire connaître au mieux les réalités de la dictature figurent en bonne place Pierre Martial. Ce journaliste-militant, comme il se plait à se définir, tient une newsletter quotidienne de qualité et assez largement diffusé. Ses photos et reportages rapportent les violences quotidiennes que les civils subissent mais également comment les résistances s’organisent, tant du côté de ceux qui poursuivent un combat politique pacifique que des autres qui ont fait le choix de s’opposer par la voie de la lutte armée.

 

De cette analyse journalière, le blogueur Pierre Martial a fait un livre à hauteur des hommes et des femmes qui font face au retour d’un ordre politique autoritaire, irrespectueux de toutes les règles de droit et des vies humaines. Par petites touches et une analyse chronologique, il revient sur les grandes étapes qui ont scandées la plongée d’une nation de plus de 50 millions d’habitants dans des abimes politiques, économiques et sociaux. La gestion du drame par la communauté internationale n’a pas constitué le cœur de sa démarche tant l’auteur s’est concentré sur les temps de la résistance, ceux du mouvement de désobéissance civile, des villes-mortes, des concerts de casseroles protestataires, des femmes et de la génération Z. Le propos est résolument engagé et empathique. Il regarde avec admiration ceux qui font face à une crise qui ne cesse de s’approfondir jour après jour.

 

Certes, il le fait essentiellement au travers les yeux d’un seul acteur mais comment pourrait-il en être autrement quand on est révolté par un régime qui met à bas l’économie de son pays, obère l’éducation et la santé de ses habitants et replonge tous les siens dans un passé qu’ils espéraient révolus depuis presque une décennie ?

 

François Guilbert

 

Pierre Martial : A trois doigts de la liberté, Éditions Victor H, 159 p, 25 €

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