Une chronique cambodgienne de Yann Moreels
Comment peut-il y avoir autant de désinformation venant de partout sur un conflit frontalier entre un petit pays agressé et une grande puissance militaire ?
Pourquoi une amitié entre deux pays voisins, en pleine recherche de nouveaux développements économiques, s’est-elle soudainement transformée en conflit militaire ? Revenons aux faits récents du conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge, sans refaire toute l’Histoire des anciens empires régionaux.
La France, puissance coloniale, avait mis son protectorat sur le royaume du Cambodge et découvert l’absence de frontières entre les deux pays en question, jadis fiers ennemis. Ainsi, des négociations diplomatiques aboutirent en 1904 à un accord sur le partage des provinces khmères et à la création d’une commission chargée de valider les cartes des frontières.
Ce sont 11 cartes qui, en 1907, firent l’objet d’un traité entre le Siam et la France.
Ces frontières ne furent jamais remises en question.
– Excepté entre 1941 et 1946, où les Japonais furent accueillis et imposèrent leur autorité militaire aux Siamois, qui reprenaient alors pied dans trois provinces khmères, jusqu’à la fin de la guerre du Pacifique.
En 1953, le 9 octobre, le Cambodge obtenait son indépendance. Toute la géopolitique régionale évoluait. La France se retirait militairement, tout en gardant des relations avec le roi Sihanouk, pacifique et non aligné.
C’est en 1962 que le Siam, devenu Thaïlande, demanda à revoir la carte visant le temple de Preah Vihear. La Cour internationale de justice reconnut alors le temple comme appartenant au Cambodge, validant les cartes de 1907, alors acceptées par le Siam.
Rappelons que le général de Gaulle vint à Phnom Penh le 1er septembre 1966, réaffirmant son soutien au royaume et à Sihanouk.
– De 1975 à 1979, ce sont les Khmers rouges qui occupent la frontière thaïlandaise, puis se joignent à eux les troupes royalistes qui combattent les Vietnamiens en place dans la capitale.
– 1991 : les accords de Paris amènent 20 000 Casques bleus répartis sur l’ensemble du territoire cambodgien. La paix revient dans les années suivantes, et avec elle une explosion économique notable. Le commerce est florissant entre les deux pays.
– 2000 : le Cambodge obtient l’enregistrement par l’UNESCO de ses anciens temples au patrimoine mondial. Ce qui ne plaît pas aux entreprises touristiques thaïlandaises. L’entente cordiale entre les deux pays conduit à des discussions et à la signature d’un texte (« Accord MOU ») qui a valeur de traité sur la base des accords franco-siamois et des cartes faisant partie du traité de 1907.
Les coups d’État militaires à Bangkok n’ont pas favorisé cet accord. Pire encore : en 2012, l’armée thaïlandaise envahit le temple de Preah Vihear. La Cour internationale, saisie, réitère en 2013 que ce temple appartient au Cambodge et que les cartes franco-siamoises s’imposent. Fin de non-recevoir à Bangkok.
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