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CAMBODGE – EUROPE : Pour donner une chance à la paix en Ukraine, regardons du coté du Cambodge en 1991

Journaliste : Sam Rainsy Date de publication : 11/03/2022
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accord de Paris Cambodge

 

Notre chroniqueur et ami Sam Rainsy voit dans les accords de paix négociés pour le Cambodge en 1991 un possible modèle pour sortir de la crise ukrainienne.

 

Par Sam Rainsy

 

La situation actuelle de l’Ukraine n’est pas sans rappeler celle du Cambodge en 1991 : Après l’invasion vietnamienne en 1979 conduisant à une occupation étrangère qui avait duré dix ans (1979-1989), le pays était déchiré par une guerre civile mettant les “forces gouvernementales” soutenues par le Vietnam et l’Union Soviétique face à la “Résistance” soutenue par la Chine, les États-Unis et les six pays pro-occidentaux de l’ASEAN de cette époque. Il s’agissait pour les parrains de la “Résistance” d’arracher le Cambodge de la sphère d’influence soviétique. Cette tâche qui paraissait difficile dans les années 1980, devenait plus facile dès 1989 avec les premiers signes de l’effondrement de l’Union Soviétique qui ne pouvait plus fournir à son allié vietnamien les moyens pour entretenir la guerre au Cambodge.

 

Dans le contexte européen actuel, c’est la Russie qui cherche à arracher l’Ukraine de la sphère d’influence occidentale. Le président russe Vladimir Poutine affirme que l’Ukraine est non seulement attenante à la Russie sur le plan géographique mais qu’elle lui est également très proche sur les plans historique et culturel, ce qui donne à la Russie au moins un droit de regard sur cette Ukraine.

 

En plus, dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle de la guerre froide, Moscou accuse Kiev de menacer la sécurité de la Russie à cause des “connivences” croissantes de l’Ukraine avec l’Occident compte tenu des demandes possibles ou potentielles d’adhésion à l’Union Européenne et à l’OTAN , demandes qui semblent être considérées avec bienveillance par les pays occidentaux.

 

Dans ce contexte de tension régionale extrême où chaque partie avance des arguments plus ou moins légitimes, la seule solution pour ramener la paix en Ukraine d’une manière durable semble être la neutralisation de ce pays sous garantie internationale par le biais d’un traité international sur le modèle des Accords de Paris sur le Cambodge de 1991. Ces Accords de paix stipulent que le Cambodge doit proclamer et maintenir sa neutralité en toutes circonstances, et cette clause de neutralité doit être inscrite dans sa Constitution, avec une mention spécifique sur l’interdiction d’abriter des bases militaires étrangères.

 

La communauté internationale doit veiller au respect de cette neutralité du Cambodge en même temps qu’elle lui garantit son indépendance, sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale. Ces Accords ont été signés par les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU (USA, Royaume-Uni, France, Union Soviétique, Chine), tous les voisins du Cambodge, toutes les puissances régionales (Japon, Inde, Australie) et d’autres pays concernés ou intéressés.

 

Dans le cas de l’Ukraine, un traité pour ramener durablement la paix devrait être signé notamment par l’Ukraine elle-même, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Moldavie, la Bulgarie, la Turquie, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, peut-être l’Union Européenne dans son ensemble, la Chine et d’autres pays directement ou indirectement concernés.

 

Les Accords de paix de Paris sur le Cambodge comportent trois volets :

 

–       La paix elle-même avec les clauses de cessez-le-feu, de désarmement, de démobilisation, de réinstallation des réfugiés et de retrait des forces étrangères;

–       La reconstruction et le développement économique grâce à une aide massive de la communauté internationale;

–         L’installation d’un “régime démocratique de type libéral et pluraliste” avec l’organisation d’”élections libres et équitables”.

 

Les deux premiers volets ont été appliqués d’une façon relativement satisfaisante, ce qui a permis le retour effectif à la paix, la réinstallation des réfugiés et l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble des habitants après une longue période de souffrances. L’application du troisième et dernier volet laisse à désirer avec un dérapage du processus démocratique et des violations des droits de l’homme qui durent jusqu’à ce jour.

 

Mais dans l’ensemble, les Accords de Paris se sont révélés cruciaux pour ramener la paix et préserver le Cambodge en tant que nation grâce à une solidarité internationale active. On peut en tirer des leçons pour régler d’autres conflits régionaux ou internationaux.

 

Même en tenant compte des particularités nationales et régionales ainsi que d’un contexte géopolitique différent de celui de 1991, le traité mettant fin à la guerre au Cambodge peut inspirer tous ceux qui réfléchissent sur l’avenir de l’Ukraine en ce moment dramatique de son histoire. Ce traité signé sous l’égide des Nations Unies et qui a répondu aux principales préoccupations de toutes les parties en conflit, peut fournir les axes d’un règlement international du conflit en Ukraine qui, sinon, risque de se prolonger et de s’étendre dangereusement.

 

Le Cambodge il y a trente ans et l’Ukraine maintenant partagent en effet les traits d’un conflit régional impliquant toutes les grandes puissances du monde. Les Accords de Paris de 1991 constituent un modèle possible pour tous ceux qui veulent donner une chance à la paix.

 

Sam Rainsy

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