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François Bayrou l’a répété dimanche 31 août : comme le bon roi béarnais Henri IV (1553-1610), dont il écrivit la biographie, le Premier ministre français se veut l’apôtre de la réconciliation. Ne voyez donc pas dans son jusqu’au-boutisme budgétaire une sorte d’opération kamikaze, pour se réincarner en sauveur de la France à la veille de l’élection présidentielle de mai 2027 !
Promis, juré : Bayrou le Béarnais ne pense qu’au bonheur financier de son pays et des Français. Il juge indispensable pour la France de se désendetter d’urgence. Il affirme que les 44 milliards d’euros d’économies proposées pour le budget 2026 sont le strict minimum pour demeurer crédible. Ce n’est pas une tentative de suicide politique. C’est, au contraire, l’ultime possibilité de ramener vers le rivage le navire France en train de sombrer…
J’avoue que le constat de Bayrou m’apparaît juste.
Je l’ai écrit plusieurs fois dans Blick : un pays dont l’économie stagne comme la France doit d’urgence se serrer la ceinture, pour retrouver l’agilité et la flexibilité qui donneront à ses innombrables talents l’occasion d’éclore et de prospérer. Même si la formule devient éculée, le « bon sens » impose d’arrêter l’hémorragie de dépenses publiques que l’État, de plus en plus obèse, ne parvient plus à contrôler ou à rendre efficaces. Faut-il, en contrepartie, ponctionner davantage les plus riches et les retraités, ces fameux « boomers » mieux lotis que leurs héritiers ? Pourquoi pas. Un pays avec 19 % d’épargne pourrait aussi, face aux défis, recourir à un emprunt national pour éviter la pression des bailleurs de fonds internationaux…
Bayrou ne fait qu’appliquer à la politique la règle budgétaire de Macron pendant le Covid : quoi qu’il en coûte ! Sauf qu’il le fait à l’envers : non pas pour protéger à tout prix les Français et leurs élus, mais pour les mettre, le 8 septembre – jour où les députés voteront ou non la confiance à son gouvernement –, face à leurs responsabilités. Dommage juste, qu’il ne se soit pas souvenu de ce dicton béarnais : « Pour ce qui est mal donné, ni merci ni gratitude. » Qui, dans une semaine, osera dire dans l’hémicycle, après avoir peut-être renversé son gouvernement : « Merci Monsieur Bayrou »?
Bonne lecture, au son du Béarn !
(Pour débattre : richard.werly@ringier.ch)
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Cet édito semble prendre la forme d’une déclaration d’amour pour la sauce béarnaise… Un amour aveugle que l’hésitation n’ébranle pas ; droit dans ses bottes ! Il nous a été fait grâce ici de la menace du père fouettard FMI et de sa Troïka qu’un amour immodéré de la Grèce éblouissait : la butte Montmartre pour l’Acropole. Il n’était plus question d’être plus « royaliste » que le ministre E. Lombard revenant l’après-midi sur ses propos du matin.
Les félicitations pour le constat de « bon sens » sont néanmoins obérées par le passé calamiteux du Premier ministre et dans tous les domaines excepté celui de la justice où il n’eût pas le loisir d’officier trop longtemps. Ce personnage boursouflé, imbu de sa personne par la croyance en son destin fantasmé confinant au ridicule, a approuvé tous les budgets quand il était élu. Quand il ne l’était pas, au Plan par exemple, il somnolait. Sa gestion paloise fait également état d’un déficit « notable ».
La pente ascendante des déficits budgétaires est bien antérieure au Covid et la politique du « quoi qu’il en coûte » est un argument faible. La politique mise en œuvre depuis n’a pas permis de redresser la situation que les comptes publics dissimulaient pendant que B. Le Maire se livrait à l’écriture licencieuse. La faute aux Français irresponsables entend-on, mais rien sur les « Big Pharma », l’impact certain des mesures prises comme le confinement sur l’économie, dont l’efficacité sanitaire est contestée ; rien sur l’immigration que, dans un éclair de lucidité, F. Bayrou qualifia de « submersion ».
L’édito reprend sans vergogne la charge contre les « boomers » qu’il associe aux plus « riches » (voir l’article du journal Le Monde daté du 5 septembre, page 9 : « À Paris, des grandes fortunes bien enracinées ») ; aux plus riches, il est vrai, est-il concédé. Les boomers, auxquels il n’est accordé aucune concession, seraient sans doute tous riches, à moins que, comme les koulaks d’autrefois, ils ne nécessitent un sacrifice public. Notre éditorialiste s’est bien gardé d’avancer une telle suggestion lors de la réunion qu’il eût, à Bangkok, devant un public presque exclusif de « boomers ». Ces boomers mieux lotis que leurs héritiers, peut-on lire… Mais recherchez les données relatives aux retraites moyennes et médianes et comparez-les aux tarifs des EHPAD.
Selon une étude de l’OCDE, en 2022, le revenu moyen d’un retraité français était égal à 94 % du revenu moyen global des Français. Une donnée qui contredit la croyance de tous ceux qui considèrent que les retraités sont un gisement à prélèvements supplémentaires. Et s’ils sont si riches, ils transmettront leur patrimoine si le fisc leur en laisse la possibilité et s’ils n’en ont pas fait profiter, de leur vivant, leurs enfants et petits-enfants. Quels boomers ? Ceux qui ont bénéficié des largesses fiscales des politiques de l’offre macronienne, sans résultats constatés, et qui peuvent dégager une épargne importante, à moins qu’ils ne l’aient convertie en placements boursiers ou ne lui fassent prendre le chemin des paradis fiscaux… ou des « comptes en Suisse » et du Luxembourg.
F. Bayrou aura marqué son temps en révélant, urbi et orbi, la vérité sans fard, dites-vous : il aurait levé le voile, exposé le pot aux roses, et ce serait la marque d’un politique responsable. À vous lire, il serait le premier et le seul. Un politique responsable ne serait-il pas celui qui se donne les moyens politiques de réussir ? F. Bayrou, en posant la question de confiance préalable à toute discussion sur des orientations mal définies ou absurdes, est exactement l’inverse. F. Bayrou excelle, en vieux curé, dans la morale et les imprécations. Il se révèle, une fois de plus, en personnage politique insignifiant et incompétent mais infatué. Son parcours en atteste, et il le fait payer (si l’on peut dire).