«Il faut que tout change pour que rien ne change»: la fameuse phrase de Tancrède dans le roman «Le Guépard» de Giovanni Lampedusa (reprise dans le film éponyme avec Alain Delon) correspond presque parfaitement à la situation de la Thaïlande de 2020. De la jeunesse nous parviennent, très sérieuses et étayées, des demandes de réforme politique profondes pour le royaume toujours figé dans le souvenir du défunt roi Rama IX. Et au final, comme toujours dans le pays, le risque est grand de voir le «système» l’emporter par un mélange de concessions de façade et de réelle répression.

Gavroche, petit observateur du ruisseau passionné de grande politique, ne veut pas faire preuve de pessimisme. Nos articles – qui peuvent et doivent bien sûr être critiqués – essaient de rendre compte des nuances de ce royaume qui, ne l’oublions pas, ne fut jamais colonisé et ne connait pas de réelle culture «républicaine».

Mais Gavroche est surtout lucide: les jeunes qui manifestent dans les rues de Bangkok, voire devant l’Ambassade d’Allemagne ce lundi, sont loin de disposer d’un rapport de force suffisant pour influer durablement sur le cours des choses. Ils ont pour eux la sincérité, l’envie de changement, la légitimité de certaines de leurs demandes. Ils ont contre eux le rempart des tenants de la monarchie et du pouvoir de l’armée, soutenus par les grandes familles qui contrôlent la vie économique.

Gavroche regarde, observe, s’efforce de se glisser au plus prés de la réalité. Et nous continuerons de le faire en essayant à chaque fois de refléter l’équilibre des forces en présence, et de rappeler la spécificité de la Thaïlande. Oui, il faut que tout change. Mais l’histoire a montré, jusque-là, qu’au bout du compte, les changements les plus importants sont surtout venus de l’ouverture économique, de la démographie, de l’émergence d’une classe moyenne. Les vrais bouleversements prennent du temps.

Tout changer exigera, de toute façon, patience et art du compromis. A moins que rien ne change…

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