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GAVROCHE – ROMAN: «La voie du farang», épisode 2: Mission Cambodge

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 07/11/2020
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Un bon polar mêle toujours la réalité à la fiction. Notre ami et auteur Patrice Montagu-Williams maitrise ce genre à la perfection et il le prouve dans ce deuxième épisode de son nouveau feuilleton écrit exclusivement pour Gavroche: «La voie du farang».

 

Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvaṇa.

 

Rappel de l’épisode précédent : enfant de la Butte Montmartre, Martin Decoud a intégré la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure. Il s’efforce de cacher comme il le peut aux femmes qu’il rencontre, comme à ses amis, qu’il est un agent secret.

 

Épisode 2 : Mission Cambodge

 

Il s’est toujours senti en sécurité dans le métro. Pourtant, l’année passée, il y avait eu l’attentat du GIA à la station RER Saint-Michel : huit morts et cent dix-sept blessés. Une bombe artisanale enfouie sous un siège. Bien sûr, il est armé. Ce sont les consignes. Mais son holster d’épaule ne se voit pas sous sa veste de tweed.

 

À la station Belleville, il quitte la ligne 2 pour la 11, direction : Porte des Lilas. À Belleville, se dit-il, on est en territoire Wenzhou, ces Chinois originaires du Zhejiang, une province côtière située au sud de Shanghai, qui se sont installés à Paris depuis plusieurs générations.

 

Otages des Khmers Rouges

 

S’il n’était jamais allé en Chine, c’est en Thaïlande et au Cambodge qu’il avait effectué sa première mission, deux ans plus tôt, avec Kurtz, un autre agent qui était devenu un ami. Un type secret qui ne parlait jamais de son passé.

 

Selon la version officielle, un Français, un Britannique et un Australien avaient été enlevés, le vingt-six juillet 1994, par des Khmers Rouges lors de l’attaque d’un train qui les conduisait de Phnom Penh à Sihanoukville. Les faits s’étaient déroulés à proximité de Damnak Chang Aeur, à quelques kilomètres de Kep, dans le Phnom Voat, la montagne des lianes, là où se trouvaient les fameuses plantations de poivre. Les ravisseurs avaient d’abord demandé une rançon avant d’exiger l’arrêt immédiat des bombardements du gouvernement cambodgien sur leurs bases arrière. Sur ordre du gouvernement français, qui ne voulait pas laisser dire qu’il n’avait rien fait pour sauver l’un de ses ressortissants, la DGSE avait alors envoyé les deux hommes sur place avec mission d’essayer de contacter ceux qui détenaient les otages.

 

Pour des raisons de sécurité, ils étaient basés à Bangkok, la guerre civile continuant à faire rage au Cambodge.

 

Le rapport que firent les deux agents, qui s’étaient rendus plusieurs fois dans le sud du pays sans en avoir, bien sûr, informé les autorités locales, était accablant. Plusieurs témoignages attestèrent en effet que des militaires des forces royales cambodgiennes prêtèrent main forte aux hommes du général Khmer Rouge Noun Paet, responsable de l’enlèvement, avant de piller le train, les maquisards s’étant servis les premiers. Les négociations, menées par un membre du Deuxième Bureau cambodgien qui avait réussi à établir le contact avec les ravisseurs, furent près d’aboutir. C’était à lui que l’on devait confier les cent-cinquante mille dollars de la rançon. Mais c’était sans compter sur certains haut gradés qui, par jalousie et cupidité, firent décharger l’homme de sa mission et lancèrent des bombardements sur la région. Les trois occidentaux furent alors exécutés.

 

Affaire étouffée

 

Affaire étouffée : le gouvernement ne voulait pas se mettre à dos un gouvernement vis-à-vis duquel il avait une lourde responsabilité diplomatique suite aux accords de Paris sur le Cambodge de 1991, accords co-présidés par la France et l’Indonésie, lui avait expliqué à l’époque l’officier avec lequel il avait rendez-vous ce matin. L’aide occidentale au gouvernement royal cambodgien serait maintenue.

 

Soutien au régime militaire birman

 

Ce sont deux anciennes casernes qui se font face de part et d’autre du boulevard Mortier, à proximité de la Porte des Lilas : la caserne des Tourelles et la caserne Mortier. Des bâtiments bas, insignifiants. On passe de l’un à l’autre par un tunnel souterrain. À la DGSE, on les appelle « La centrale » ou « La boîte ». Les médias les ont surnommés « La Piscine », en raison de leur proximité avec la piscine des Tourelles. Le Service Action, lui, est basé au fort de Noisy, à Romainville.

 

Colonel de réserve

 

Les cheveux gris coupés en brosse de l’homme qui fait face à Martin trahissaient le militaire. Colonel de réserve, c’était un ancien du SDECE, le service auquel avait succédé la DGSE, en 1982. Il avait été en poste à Saïgon lors de la chute de la ville, le trente avril 1975, qui marquait la fin de trente-six années de conflit. Il était maintenant chef du service Mission, dit DO SM, service chargé de la recherche de renseignements via des officiers traitants dans les zones où la DGSE n’avait pas de poste fixe.

 

Le Monde est posé sur son bureau.

 

— Un café, Martin ?

 

— Non merci colonel

 

— Bien. Vous avez vu le journal, je suppose ? Aung San Suu Kyi affirme que Total est devenu le principal soutien du régime militaire birman. Vous n’imaginez pas le bordel que cette déclaration a foutu en haut lieu ! Le premier groupe français finançant une dictature ! Il nous faut savoir qui est derrière tout ça, Martin. Bref, vous retournez à Bangkok. Vous parlez le thaï et serez notre honorable correspondant là-bas. On vous laisse quelques jours pour vous préparer. L’ambassade vous attend. On vous expliquera tout sur place. Vous aurez carte blanche. C’est un peu Mission Impossible, je vous l’accorde, mais nous n’avons pas le choix. Enfin, vous connaissez la devise de la maison : Ad augusta per angusta, À des résultats grandioses par des voies étroites.

 

Alors bonne chance…

 

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