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GAVROCHE – ROMAN: «La voie du farang», épisode 7: Dans le quartier de Sathorn…

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 27/11/2020
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Le héros de la «la Voie du farang» doit trouver son chemin dans le dédale de Bangkok. Cette cité des anges est sa base opérationnelle. Il s’agit, à partir de là, d’œuvrer pour les coulisses sombres de la République et celles de Total, le géant pétrolier français. Notre agent très secret ne ressortira pas indemne de ce labyrinthe thaïlandais…

 

« La voie du farang » : un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvana.

 

Rappel de l’épisode précédent :envoyé en Thaïlande pour aider le groupe Total, pris dans un scandale international suite à la signature d’un contrat gazier avec la junte militaire birmane, Martin Decoud rencontre le SBB, la police politique du régime, dont il obtient l’appui.

 

Épisode 7 : Dans le quartier de Sathorn…

 

Pattie Delmas, la propriétaire du restaurant Le Lys, vient les accueillir en personne à la porte de l’établissement et les conduit à une table, en extérieur. On apportera de quoi manger au chauffeur et au garde du corps restés dans la voiture, une Toyota Corona blanche blindée, qui est garée devant l’entrée.

 

— C’est dans ce quartier de Sathorn Taï que je venais étudier, au lycée français, dit Winnie à Martin. Bangkok n’était pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Avant, Nang Linchi, c’était des plantes, des fleurs et des canaux. Sur Sathorn, il y avait une succession de maisons coloniales où de grandes familles très riches vivaient à l’européenne parce que c’était la mode. Le canal était large et la rue toute petite…Mais, je parle trop. Comme vous êtes Français, je vous laisse choisir le vin, ajoute-t-elle en souriant avant de se plonger dans la lecture de la carte.

 

Le meilleur rosé du monde

 

Martin opte pour un Tavel, un grand cru de la Vallée du Rhône que certains considèrent comme le meilleur rosé du monde et qui s’accommode à tous les types de cuisine.

 

— Comme vous vous en doutiez sans doute, c’est moi qui vous ai fait suivre depuis l’aéroport, lui dit-elle un peu plus tard : on s’était occupé de votre passage en douane et on ne voulait pas qu’il vous arrive quelque chose avant que nous nous rencontrions. La ville est relativement sûre, mais beaucoup de gens sont impliqués dans ce qui est devenu une affaire d’état, y compris des ONG, et nous n’avons pas encore réussi à identifier toutes les pièces du puzzle. Je joue gros dans cette mission que l’on m’a confiée, Martin, vous savez ? Le palais, et le roi lui-même, sont tenus régulièrement informés de l’évolution de la situation !

 

Il perçoit aussitôt une certaine nervosité chez cette femme très séduisante, même si les Thaïs savent parfaitement masquer leurs sentiments.

 

J’étais communiste dans ma jeunesse

 

— J’ai lu votre dossier et je sais tout de vous, continue-t-elle en souriant. Enfin presque. Vous avez trente-deux ans, vous menez à Montmartre une vie de célibataire et vous êtes déjà intervenu dans la région pour cette affaire d’otages des Khmers Rouges, au Cambodge, il y a deux ans. À mon tour donc de vous parler un peu de moi. Je fais partie de ces Thaïs d’origine chinoise que le roi Rama VI qualifiait de « Juifs d’Orient » et qui ont dû adopter des noms thaïs pour pouvoir bénéficier de la nationalité. J’ai à peu près le même âge que le vôtre et travaille au SBB depuis ma sortie de l’université. Dans ma jeunesse, j’étais une sympathisante communiste. C’est pour cela que le Bureau m’a engagée : ils pensaient que je les aiderais à mieux connaître ce mouvement. Moi, j’avais une mauvaise image de ce que je considérais comme la police politique du régime.

 

Red Drums Killing

 

On disait que le SBB avait participé, à la fin 1972, au fameux Red Drums killings, à Lam Sai, dans la province de Phatthalung, où près de trois mille sympathisants communistes furent tués et certains brûlés vifs dans des barils d’essence sans que les responsables ne soient jamais inquiétés. À dire vrai, ils ne m’avaient pas trop laissé le choix : ou je collaborais ou j’aurais des problèmes. Et ma famille aussi, par la même occasion. Les prisons en Thaïlande, c’est « bienvenue en enfer » : les cellules sont tellement surpeuplées que celui qui de lève pour aller aux toilettes ne retrouve plus sa place pour dormir ! De toutes façons, mon communisme était assez sommaire. Vous savez, dans nos pays, l’idéologie communiste ne peut prendre que si elle incarne au départ le nationalisme. Or, la Thaïlande a toujours réussi à sauvegarder son indépendance et à échapper à la domination coloniale. Par ailleurs, à l’époque, la majorité des diplômés pouvaient devenir fonctionnaires ou officiers et le capitalisme étranger était peu présent. Tout ceci explique pourquoi le communisme n’a jamais vraiment pris chez nous, sauf dans quelques régions marginales du pays où le sous-développement économique recréait justement une situation de type colonial.

 

L’amour fait partie de mon métier

 

Après le dîner, elle a voulu savoir s’il était bien logé.

 

— C’est nous qui avons mis ce logement à la disposition de l’ambassade de France quand nous avons été informés de votre venue. Il est entièrement sécurisé.

 

Martin comprend que c’est une façon de le prévenir que la villa est truffée de micros et il sourit, un sourire qui n’échappe pas à Winnie. Elle lui prend la main avant qu’ils ne pénètrent dans la maison.

 

— On fait équipe. Tu es seul, petit farang. Moi, j’ai le SBB, c’est-à-dire la loi, avec moi et c’est mon pays. Je vais t’aider, si tu m’es fidèle. Vous êtes trop naïfs, vous les occidentaux…Allez, viens : faire l’amour permet de mieux connaître son partenaire et tant pis si nous sommes écoutés : je trouve ça plutôt excitant !

 

A suivre…

 

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