Home Opinions et débats GAVROCHE – ROMAN: «L’impératrice rouge», épisode 12: La voleuse de sang

GAVROCHE – ROMAN: «L’impératrice rouge», épisode 12: La voleuse de sang

Date de publication : 21/06/2021
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Les saisies de drogue atteignent un niveau record dans le 13ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos. Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ? L’agent très spécial Ly, de la DGSE, est envoyé en Thaïlande pour régler le problème, par tous les moyens. Persuadé, comme le dit Sartre, qu’on ne peut vaincre le mal que par un autre mal, il vivra une histoire de passion, de folie et de trahison.

 

Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

Rappel de l’épisode précédent : Un réseau de laboratoires a été démantelé par l’armée birmane. La production de drogue est perturbée. Le marché est en train de changer. Il s’oriente vers la fabrication massive de méthylfentanyl, la « yaba », la drogue qui rend fou. Une nouvelle stratégie doit être mise en place.

 

Épisode 12 : La voleuse de sang

 

Lorsque le Camarade Liang, du Guoanbu, l’avait chargé de cette mission, dont le Parti attendait beaucoup, il lui avait demandé de quels moyens elle souhaitait disposer.

 

— Je n’ai besoin que d’une couverture solide sur place, Camarade. Le reste, je m’en occupe.

 

The Empire of Temptations

 

Deux semaines plus tard, elle avait été reconvoquée :

 

— Nous avons trouvé ce qu’il te faut, lui dit Liang : officiellement, tu dirigeras un « go-go bar ». Il s’appelle « The Empire of Temptations ». Il se trouve en plein Nana Plaza, le « red light district » de Bangkok. Anonymat garanti. Nous avons fait en sorte que les flics du « Narcotics Suppression Bureau » te laissent tranquille : il te suffira juste de leur donner, chaque mois, ce qui est convenu et qu’ils viendront te réclamer. Par contre, tu devras absolument éviter tout contact avec l’ambassade de Chine, même si l’opération tourne mal. Tu es seule, camarade Wu, et personne ne viendra à ton secours en cas d’échec, tu le sais. D’ailleurs, c’est simple, officiellement, tu n’existes pas. Même pour nous. Si tu te fais prendre, nous dirons que nous ne te connaissons pas. Nous ne voulons pas de problèmes avec les autorités thaïs qui, jusqu’ici, sont restées bienveillantes à notre égard. Nous avons déjà suffisamment d’ennemis dans la région ! Nous avons aussi pensé qu’il te faudrait un bras droit sur lequel tu puisses compter.

 

— Je te remercie, Camarade : après tout, je suis une faible femme, avait-elle répondu en souriant.

 

L’autre faillit éclater de rire. Il se souvenait d’un rapport de la police de Kunming qui lui avait été transmis, après l’attentat commis dans la gare de cette ville du Yunnan par des terroristes Ouïghours qui avaient tué, au couteau, vingt-neuf Chinois. L’officier en charge du dossier signalait l’extrême cruauté dont avait fait preuve l’agent Wu, que le Guoanbu avait dépêché sur place. Cruauté purement gratuite : les coupables ayant déjà fourni tous les renseignements souhaités, pourquoi avoir versé de l’acide dans les yeux à deux d’entre eux et coupé les doigts au sécateur à un troisième ? Aucune sanction n’avait toutefois été prononcée à son égard : les agents qui haïssent la race humaine sont souvent les meilleurs, même s’il leur arrive d’avoir du mal à se contrôler !

 

— Tu auras à tes côtés un Mongol, un type qu’on est allé débusquer dans une tribu de guerriers : les Djalayirs. Il s’appelle Muqali. C’est un roc. Il est déjà sur place. Le Parti a décidé de te faire confiance, Camarade, malgré ta maladie. Je voudrais que tu saches que ce Mongol n’est pas là pour te surveiller, mais pour te seconder !

 

Soif de sang

 

Elle prétend que, pour sa sécurité, il faut qu’elle reste cachée et qu’elle ne peut pas se rendre tous les mois à l’hôpital, pour sa transfusion de sang : si elle veut continuer à vivre, le médecin du Guoanbu, à Pékin, lui a dit qu’elle doit impérativement maintenir son taux d’hémoglobine entre douze et seize grammes par décilitre.

 

Alors, Le Mongol a pris les grands moyens. Concernant le matériel, comme il dit, il a fait affaire avec un gang de Samphanthawong, le quartier chinois de Bangkok, spécialisé dans le trafic d’êtres humains, qui lui trouve, contre cent dollars américains pièce, des filles pauvres, des Birmanes le plus souvent, en situation illégale, ramassées dans la rue, et abruties au préalable par de fortes doses de Stillnox, un somnifère à base de zolpidem, un hypnotique très puissant. Sitôt prévenu, il va les chercher la marchandise dans un atelier de confection, derrière Yaowarat Road. Gersendji, un infirmier du Bumrungrad Hospital, un Mongol du clan des Djalayirs, comme lui, un fidèle qu’il paye très cher et dont il est certain qu’il ne parlera pas, est prévenu et le retrouve directement sur place. Une fois vérifié que le groupe sanguin de la fille correspond à celui prescrit et qu’il n’y a aucune trace de VIH dans son sang, on procède à l’appareillage.

 

L’opération de transfusion dure entre deux et quatre heures. Le Mongol et l’infirmier restent aux côtés de la patiente afin d’éviter tout risque d’incident transfusionnel non infectieux, ce que l’on appelle le TRALI, le syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel. La fille perd connaissance assez vite et ne se rend compte de rien.

 

La Comtesse sanglante

 

Elle croit qu’un sang jeune et frais va lui permettre, non seulement de ne pas mourir, mais, aussi, de ne pas vieillir et de conserver sa beauté.

 

— Tu seras toujours belle, lui a dit Le Mongol, pour la rassurer, le jour où elle lui avait parlé de cette comtesse hongroise qui, au seizième siècle, se baignait dans le sang de ses victimes pour garder sa jeunesse. Il pense qu’elle perd peu à peu le contact avec la réalité. Une fois, elle lui avait même demandé, en plaisantant à moitié, de l’appeler Sa Majesté. Il n’avait rien dit et décidé de ne pas en informer, pour l’instant, le camarade Liang.

 

À la fin de chaque transfusion, il se contente d’enlever le corps de la donneuse avec l’aide de Gersendji.

 

— Que vas-tu en faire, lui avait demandé, la première fois, la Camarade Wu ?

 

— Ne t’inquiète pas, je m’en charge, avait-il répondu. Il n’y aura aucune trace.

 

Alors, elle s’était rendormie, épuisée et, depuis, n’avait plus jamais posé la question.

 

A suivre…

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