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GAVROCHE – ROMAN: L’impératrice rouge, épisode 4: «Love Story»

Journaliste : Rédaction
La source : Gavroche
Date de publication : 10/05/2021
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Belle aventure que celle de «L’impératrice rouge» racontée par notre romancier Patrice Montagu-Williams. Un parcours inédit au cœur des saisies de drogue qui atteignent un niveau record dans le 13ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos. Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ?…..

 

Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

Rappel de l’épisode précédent : l’affaire est remontée jusqu’à la direction de l’OFAST, l’Office anti-stupéfiants. Il est cependant décidé d’en informer le cabinet du Premier Ministre, à Matignon, en raison des implications diplomatiques possibles concernant la Chine que laisse entendre le message qu’a fait passer le suspect arrêté.

 

Épisode 4 : Love story

 

Le soir du vernissage de l’exposition – c’était il y a plus d’un an – elle était venue directement vers lui, comme attirée par un aimant. C’était elle la propriétaire de la galerie Willette, rue de Médicis, face au jardin du Luxembourg. Eva Willette, lointaine descendante du peintre, illustrateur, affichiste et caricaturiste Adolphe Willette, l’homme qui dessina le « Moulin Rouge » et fut l’un des fondateurs de la « République de Montmartre », attirait tous les regards : grande, mince, les yeux verts, des cheveux longs aux reflets auburn, elle affichait la fausse simplicité qui est la règle dans ce milieu : des sneakers Louboutin noires à près de mille euros la paire dépassaient d’un simple jean Levi’s 501 skinny.

 

L’exposition, pour laquelle elle avait mis gracieusement à disposition sa galerie, pourtant spécialisée dans la peinture et la photographie contemporaine, portait sur l’art Hmong. Organisée avec l’aide d’une association, « Batik international », il s’agissait de faire connaître le savoir-faire de ce peuple en termes de tissage artisanal du chanvre et d’utilisation du batik à la cire d’abeille. Des photos extraites du livre de Sebastião Salgado sur les Hmong, paru longtemps auparavant, étaient accrochées aux murs.

 

Le batik indigo

 

Une femme, membre de l’association, expliquait à un journaliste que les vêtements hmong étaient généralement confectionnés quelques mois avant l’arrivée du nouvel an lunaire, en février. Les femmes peignaient sur le tissu des motifs exprimant leurs vœux pour la nouvelle année. Pour le batik traditionnel, on utilisait des tissus fins en fibres naturelles, principalement du chanvre. On avait recours à la cire d’abeille fondue pour peindre à sa surface avec un outil ressemblant à un stylo, le « tjanting », avant de passer à l’étape finale, celle de la coloration.

 

— Le batik indigo est une tradition hmong ancestrale, expliqua-t-elle. L’indigotier est une plante très répandue dans les régions où ils vivent.

 

La rencontre

 

— Vous êtes Hmong, demanda Eva à Ly ?

 

— Né en France, répondit-il en souriant, mais c’est pour ça que je suis ici ce soir.

 

— Je viens d’apprendre que l’on appelait les Hmong, « Les Chats Sauvages ».

 

— Ce sont les Annamites et les Thaïs qui nous ont donné ce nom de « Man Meo ». « Meo » veut dire chat en sino-vietnamien. C’est un terme onomatopéique, assez péjoratif, qui fait référence au miaulement de l’animal.

 

— On dit que les chats sauvages sont extrêmement farouches et évitent de s’approcher des humains.

 

— Cela me correspond assez bien, assura Ly, sans se départir de son sourire.

 

— Alors, pour tenter de vous apprivoiser, je vous invite à venir prendre un verre au buffet avec moi, lui ordonna-t-elle.

 

Voyage en terre inconnue

 

Les histoires d’amour explosent souvent sous les pas de ceux qui les vivent comme des mines anti-personnel : rares sont ceux qui en sortent indemnes. La grande bourgeoise était fascinée par ce fils d’immigrés sorti de nulle part, irradiant un charme asiatique qu’elle n’arrivait pas à définir. Avec cet homme, qui n’était pas de son monde, elle avait l’impression d’embarquer pour un voyage en terre inconnue, comme Stevenson aux îles Samoa. De plus, il ne parlait jamais de son métier et ne répondait à aucune question sur ce sujet, ce qui épaississait encore le mystère qui l’entourait. La seule chose qu’Eva était arrivée à savoir c’était qu’il avait fait Sciences Po. Or, elle sortait d’un divorce difficile avec un banquier d’affaires qui avait essayé de la dépouiller de tout, y compris de l’immense appartement dont elle avait hérité, au-dessus de la galerie, et elle avait besoin d’oublier. Alors, elle plongea dans la nouvelle aventure qui s’offrait à elle, sans trop réfléchir. Gran Torino

 

Le week-end suivant, Ly emmena Eva voir « Gran Torino » au cinéma « Les Trois Luxembourg », rue Monsieur Le Prince, à côté de chez elle. Le film, dirigé par Clint Eastwood, mettait en scène, dans une banlieue d’une petite ville du Michigan, des Hmong confrontés à un vétéran raciste de la guerre de Corée. En sortant, ils allèrent dîner au « Rostand ».

 

Évacuer les souvenirs

 

Il ne parlait pas de lui, mais de son peuple. Elle ne parlait que d’elle et il écoutait. Il sentit qu’elle avait besoin qu’on l’aide à évacuer de son souvenir les scories encore brûlantes de son divorce. Ils finirent la bouteille de Saint-Nicolas de Bourgueil puis elle se leva.

 

— Allons chez moi continuer cette conversation, Cher Ly, si vous le voulez bien. Cela m’a fait un bien fou de converser avec un chat sauvage, ajouta-t-elle en riant.

 

Ils longèrent les grilles du jardin du Luxembourg, sur lesquelles étaient accrochées une centaine de photos tirées du livre « La Terre vue du Ciel », du photographe Yann Arthus-Bertrand, puis pénétrèrent dans l’immeuble au pied duquel se trouvait la galerie. Dans l’ascenseur, elle lui prit la main.

 

Le hasard ou le destin

 

Elle se tenait à présent debout devant la fenêtre de la chambre, silencieuse et entièrement nue. Face à elle, de l’autre côté de la rue, s’étalaient les vingt-trois hectares du célèbre parc. Elle semblait profondément apaisée après s’être donnée sans réserve et sans aucune pudeur à cet homme qu’elle ne connaissait pas.

 

— Ce n’est pas le hasard qui nous a fait nous rencontrer, tu sais, Ly, dit-elle sans se retourner : c’est le destin…

 

A suivre…

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