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JAPON – FRANCE: Face à la fuite de Carlos Ghosn, des Japonais pas si scandalisés

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 04/01/2020
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Rien de tel que le point de vue d’un observateur éclairé et familier de la langue japonaise. Notre ami Yves Carmona, diplomate plusieurs fois en poste à Tokyo, a ces jours ci décrypté les médias nippons et leurs réactions face à la fuite de l’ancien PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn. Or surprise : la condamnation de cette «évasion» rocambolesque n’est pas du tout unanime dans l’archipel. Pour en savoir plus, il faudra attendre la conférence de presse de l’intéressé à Beyrouth, le 8 janvier….

 

Par Yves Carmona, analyste, ancien Ambassadeur

 

La nouvelle de la fuite de Carlos Ghosn a été connue dans les heures précédant le nouvel an qui, au Japon, est l’occasion d’un long congé et de grandes réjouissances familiales.

 

Les chaines de télévision n’ont pas tardé à s’en emparer et à faire écho aux nombreux messages sur les réseaux sociaux.

 

Réaction favorable

 

La réaction dominante a été favorable : il a bien fait de partir ! Ainsi Horie Takafumi, homme d’affaires non conformiste qui a payé de près de deux ans de prison d’avoir lancé en 2005-2006 Livedoor, un site d’investissement contestant l’ordre établi, dit à la télévision que Carlos Ghosn « en avait jusqu’à 80 ans » s’il s’était laissé juger et qu’il a donc bien fait d’éviter cela.

 

Dans une autre émission, un commentateur, évoquant les réactions hostiles au système judiciaire japonais des médias étrangers justifiant la fuite de Ghosn, met en cause leur « mauvaise information » mais est contredit par un de ses  pairs selon lequel  les médias ont très bien compris de quoi il retourne et ont raison de dénoncer le système !

 

Contestable approche culturaliste

 

Aussi, contrairement à ce qu’affirme dans « C dans l’air » Valérie Niquet dans une contestable approche culturaliste, « les Japonais »  ne pensent pas tous la même chose ( ils sont quand même 127 millions !) et ne sont pas tous pénétrés de la vénération de la règle. Il y a bien sûr les grands quotidiens bien-pensants comme Yomiuri, proche du monde des affaires, qui dénonce l’attitude de l’ex-patron félon, mais nombreux sont ceux qui félicitent ou admirent Ghosn pour le bon tour qu’il a joué aux autorités. Dans les émissions de divertissement qui animent traditionnellement le nouvel An, on le compare hardiment à Arsène Lupin, héros de mangas très apprécié au Japon pour son habileté à disparaître et à déjouer la police. Fort heureusement, le rôle de la France est à peine évoqué .

 

Une évasion sans coup férir

 

Il est vrai que l’épisode de son évasion, réussie sans coup férir alors que ses trois passeports étaient confisqués, ainsi que le mutisme embarrassé du gouvernement nourrissent le mystère .

 

Et si le gouvernement avait facilité ou au moins laissé faire sa fuite ?

 

Certains avancent que le premier ministre Abe n’avait pas intérêt à laisser entacher la réputation du Japon par un procès fortement médiatisé à l’étranger, prévu deux mois avant les Jeux Olympiques, censés en donner une image exemplaire. Laisser partir l’encombrant personnage, c’était à la fois affaiblir ses protestations et déconsidérer son avocat Hironaka Junichiro, redoutable défenseur des droits humains, qui s’est dit trahi par la fuite de son client.

 

L’essentiel aux yeux du pouvoir étant bien sûr que les intérêts de Nissan soient confortés. Ses dirigeants actuels ont beau jeu de dénoncer l’ex-CEO qui « n’a pas le courage de se défendre au tribunal »…

 

La conférence de presse convoquée par Ghosn le 8 janvier permettra-t-elle de lever un coin du voile ?

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