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Khao Preah Vihear : le nationalisme par le petit bout de la lorgnette

Journaliste : Xavier Galland
La source : Gavroche
Date de publication : 12/12/2012
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On se souvient qu’en janvier 2003, une crise avait éclaté entre la Thaïlande et le cambodge, suite aux déclarations présumées d’une actrice thaïlandaise, Suvanant Kongying, demandant la restitution des temples d’Angkor. Malgré son démenti, l’ambassade de Thaïlande à Phnom Penh avait été prise d’assaut et des établissements commerciaux thaïlandais mis à sac. L’appartenance des sites religieux reste donc un sujet très sensible, comme on a pu le voir encore récemment à propos du temple de Khao Preah Vihear.

 

Le temple de Khao Preah Vihear, site majeur de l’histoire khmère, est perché sur une falaise qui surplombe de quelque 500 mètres la plaine environnante, à la limite des provinces cambodgienne de Preah Vihear et thaïlandaise de Si Saket, dans les monts Dang Rêk. Bien qu’infiniment plus accessible par le côté thaïlandais, il est officiellement de l’autre côté de la frontière et appartient donc au Cambodge. C’est là le nœud du problème.

 

Au début du XXe siècle, une commission bilatérale est créée entre la Thaïlande et la France. Elle est chargée de déterminer le tracé exact de la frontière entre les deux pays. Il est décidé que cette frontière suivra la ligne de partage des eaux ce qui, de fait, met le temple en territoire thaïlandais. La France fait des relevés topographiques et, en 1907, présente à la Thaïlande une carte sur laquelle le temple figure… en territoire cambodgien.

 

En 1954, suite à l’indépendance du Cambodge, la Thaïlande occupe le site et revendique la possession du temple au motif que la carte de 1907 ne respecte pas les principes arrêtés par la commission. Le Cambodge fait appel à la Cour internationale de Justice de La Haye qui, en 1962, tranche en sa faveur, arguant que la Thaïlande n’a jamais contesté la carte de 1907 car d’autres clauses du traité frontalier lui étaient favorables. A contrecœur, la Thaïlande se retire du site.

 

Quand, quelques années plus tard, le Cambodge demande l’adjonction de Khao Phreah Vihear au Patrimoine mondial de l’Unesco, la Thaïlande objecte au motif que cette candidature inclue des zones qu’elle considère lui appartenant. En 2008, cette fois-ci avec l’accord de Bangkok, le Cambodge fait de nouveau acte de candidature avec une carte remaniée. Le 18 juin, les deux pays publient un communiqué commun.

 

La PAD saute alors sur l’occasion et organise des manifestations côté thaïlandais qui forcent le Cambodge à fermer son poste de frontière.

 

Khao Phreah Vihear est finalement inscrit au Patrimoine mondial et tandis que des fêtes de rue ont lieu au Cambodge, le Conseil Constitutionnel thaïlandais statue que le communiqué conjoint du 18 juin est anticonstitutionnel et aurait nécessité l’approbation du parlement. Le ministre des Affaires étrangères, Noppadon Pattama, démissionne le 10 juillet.

 

Cinq jours plus tard, trois personnes qui voulaient planter le drapeau thaïlandais sur le temple sont arrêtées par les autorités cambodgiennes. Des troupes thaïlandaises – plus d’un millier d’hommes – sont déployées et un soldat perd une jambe dans l’explosion d’une mine anti-personnelle, vestige de l’ère des Khmers rouges.

 

Un échange de lettres officielles a lieu entre les deux Premiers ministres dont les représentants se rencontrent le 21 juillet. Pourparlers stériles, les deux pays campant sur leurs positions.
Début août, Bun Rany, la femme du Premier ministre cambodgien Hun Sen, ne trouve rien de mieux pour calmer les esprits que d’ordonnancer une cérémonie religieuse au temple à laquelle participent des milliers de Cambodgiens. Pour contrecarrer les effets négatifs que cette cérémonie pourrait avoir sur la Thaïlande, la PAD organise une contre-cérémonie et les habitants de la région sont appelés à s’habiller de jaune pour protéger le pays de la magie noire cambodgienne.

 

Une seconde controverse naît alors à Ta Moan, un autre complexe angkorien situé lui aussi en territoire contesté mais que les troupes thaïlandaises finissent par évacuer.

 

Pendant ce temps, les rencontres et réunions officielles ont toujours lieu mais sont brusquement interrompues par les événements de Bangkok où le PAD a entamé un bras de fer avec Samak. Le conflit politique interne a pris le pas sur celui de Khao Phreah Vihear, temporairement mis en veilleuse. Gageons néanmoins que nous reverrons bientôt de belles rodomontades ainsi que des rituels et contre-rituels magico-religieux saugrenus. Tant qu’il n’y aura pas de morts ce sera distrayant…

 

Xavier Galland,
Auteur du «Que Sais-je? n°1095, Histoire de la Thaïlande», présente chaque mois un personnage ou un lieu qui a marqué l’histoire du royaume de Siam.

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