Home Accueil Phuket, perle du nautisme

Phuket, perle du nautisme

Journaliste : Oriane Bosson
La source : Gavroche
Date de publication : 17/02/2014
0

Tour à tour barque ou galère pour finalement se transformer en fier navire, le vent de l’expansion a gonflé les voiles du secteur nautique de Phuket, lui permettant ainsi d’échapper aux eaux troubles de la concurrence.

 

En 1974, James Bond et L’Homme au pistolet d’or ont permis au monde entier de découvrir le site paradisiaque de la baie de Phang nga. Fin des années 70, Phuket la tumultueuse est en plein développement économique. L’exploitation de l’étain bat encore son plein. Le port de Phuket reçoit les bateaux de transport du minerai. A terre, les ateliers de mécanique marine s’affairent aux réparations des navires. On découpe sur les plages d’Ao Makham les cargos échoués et trop vieux pour récupérer l’acier. Les barges-mines sont mouillées le long des côtes. Pendant ce temps, le monde entier a soif de voyages et de découvertes, le transport aérien commence à se démocratiser, on part aussi en voiture, en autostop, en minibus et en bateau.

 

C’est à cette époque que la Thaïlande connaît son premier essor touristique. Chiang Mai, Pattaya et Bangkok sont les destinations privilégiées car équipées de structures d’accueils adéquates. Phuket est belle et sauvage, Patong abrite quelques paillotes sous une merveilleuse cocoteraie. Les hôtels sont rares sur le bord de mer, on les trouve plutôt en ville s’adressant à une clientèle d’affaires. Seuls quelques touristes aventuriers découvrent l’île aux côtes sauvages. Les rares tourmondistes font escale dans le port de Phuket. Ici, ils peuvent réparer et s’approvisionner. L’île est sur la route des Indes et les vents des moussons portent les bateaux vers ses eaux calmes. Phuket est aussi une destination de villégiatures pour quelques riches familles de Bangkok qui apprécient sa tranquillité.

 

Après les violents événements d’octobre 76 sur le campus de l’université Thammasat à Bangkok, des groupes rebelles se sont réfugiés dans l’extrême-nord du pays, le sud et les environs de Phuket. Une amnistie est déclarée en 1979 et le général Kriangsak Chomanan Prem Tinsulanonda, plus connu sous le nom de Prem, signe des accords avec les insoumis. En 1983, la zone est sécurisée. Le marché de l’étain est en train de s’effondrer, les barges se raréfient, il faut trouver une autre manne pour l’île. Phuket, avec ses longues plages de sable blanc et son aéroport, s’offre aux investisseurs. Mais les capitaux thaïlandais n’affluent pas pour promouvoir l’île lointaine (860 km de Bangkok). De petits resorts apparaissent à Patong et dans le sud. Enfin, deux gros hôtels s’installent : le Pansea, sous direction française, et L’Amanpuri. Ce sont ces structures d’accueil qui génèrent le besoin et la demande d’activités nautiques.

 

En 1983, Philippe Zircon et Mickaël Law gèrent avec Ocean Center les premières jonques mouillées dans la baie de Makham. Les croisières à la journée se vendent auprès des hôtels, comme les locations de planches à voile et de scooters des mers, le parc de bateaux de passage prend de l’importance et sert aux premiers charters. Les touristes visitent les îlots au large de rawai, plongent dans des eaux poissonneuses et chaudes. Sur la mer cohabitent quelques barges à étain, de nombreux bateaux de pêche, quelques bateaux de promenade et la flottille disparate des voyageurs et tourmondistes à la voile.

 

Les hôtels sont les gros promoteurs du tourisme nautique. Le plan d’eau est superbe, des centaines d’îles entourent la perle d’andaman et les sujets de visites sont innombrables : gitans des mers, James Bond Island, l’île de Phi-Phi, la cueillette de nids d’hirondelles dans des grottes, miel sauvage, balades en canoë kayak, îlots au milieu des eaux, temples cachés dans des cavernes, peintures rupestres, plongée, pêche au gros, faune exotique, dîners dansants la nuit en mer… L’imagination n’a pas de limite pour exploiter le site.

 

Dévoilant peu à peu ses plus beaux atours, la belle suscite la curiosité. Deux importants réceptifs s’intéressent à la promotion de l’île. Le Français Gérard Dudeffend (Compagnie Générale du siam) et le sénateur Mom Luang Tridosyuth Devakul (Mom Tri), architecte, participent à la création de trois grands établissements de luxe : Le Phuket Yacht Club de nai Harn, Le Club Méditerranée de Kata et le Méridien de Patong.

 

Le vent en poupe

 

Nous sommes en 1984-1985. Des capitaux japonais financent le port en eau profonde de Phuket au sud de Phuket Town. Le tourisme nautique bat son plein de l’autre côté de la planète. Les Antilles raflent le gros du marché. Les Thaïlandais ne sont pas traditionnellement de grands navigateurs, la mer reste pour eux un domaine mystérieux et mythique abritant déesse et dragons ; les légendes vont bon train sur ce qui se passe sur et sous l’eau. Les marins et les bateaux du monde entiers ont jeté l’ancre autour de Phuket. Les australiens et les néo-Zélandais, marins émérites, ont fait de l’Océan indien leur zone de prédilection pour la navigation. Ils voguent pour la plupart entre la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie, construisent de nombreux bateaux et réhabilitent jonques et penisi. La mer est encore un espace de liberté. Le petit monde de la voile s’organise. Chalong est le port d’entrée sur l’île, ao Makham aussi devient un mouillage important. Dans le nord, près de Koh aen, se mettent en place des systèmes de mouillage sur corps morts. Les bateaux trouvent leur place pour servir les luxueux hôtels de Phuket.

 

Petit à petit, l’image de Phuket se construit autour de ses plages. Seule la façade ouest de l’île offre aux touristes ses langues de sable blanc. La côte Est fait face au continent, la mangrove la longe. C’est là que se tient le deuxième trésor de la Perle d’andaman. Un plan d’eau immense, jonché de centaines d’îlots karstiques : la majestueuse Baie de Phang nga. C’est un domaine de navigation idéal débordant de curiosités et exploitable toute l’année.

 

Dans l’esprit de nos deux tours opérateurs, Mom Tri et G. Dudeffend, naît une idée qui permettra de promouvoir tout le patrimoine de l’île et d’en modifier l’image, une opération de promotion sans précédent. Nous sommes en 1986. Ils décident d’organiser une régate en hommage au roi pour son 60ème anniversaire. Bhumipol Adulyadej est passionné et féru de voile. La King’s Cup regata naîtra le 5 décembre 1987. Les autorités locales encouragent l’initiative.

 

La première régate démarre avec des quillards, des catamarans, des lasers et même quelques windsurfs. Dorénavant, la King’s Cup devient l’évènement incontournable du monde du nautisme en Thaïlande et attire plus de 80 équipages, avec un record de 103 en 2007. Après l’effort, le réconfort : les soirées sont organisés dans de luxueux hôtels d’étape et les équipages font la fête et construisent la légende d’anecdotes truculentes. Les nombreuses campagnes médiatiques entourant l’évènement ont permis de coller à Phuket l’image prestigieuse et élitiste du sport yachting qui la différencie des autres destinations touristiques de Thaïlande.

 

En 1988, l’Amanpuri est l’un des plus célèbres établissements de l’île. Bill O’Lary deviendra un acteur important du secteur en dirigeant l’aman Cruise Company. Cette année-là, soutenu par Gérard Dudeffend et Philippe Zircon, Bouffart, spécialiste des charters en Méditerranée et aux Antilles, fait convoyer cinq Jeannot sur la zone. Les Antilles sont surexploitées, les flottilles se partagent entre Méditerranée et Caraïbes au gré des alizés, les coûts d’exploitation ne cessent d’augmenter et la clientèle se lasse. Il est temps de trouver de nouveaux horizons. Mais en Asie, les structures d’accueil sont quasi inexistantes. En 1993, Phuket Yacht service installe, pour SunSail, les bateaux dans le nord de l’île sur des corps morts. Ils peuvent s’alimenter en carburant au bout d’une jetée et de nombreux artisans s’installent autour du site pour réparer et entretenir les flottes.

 

Quelques temps plus tard, un homme d’affaires influent, amoureux de navigation et de yachts, Kanit Yongsakul, décide de mettre en œuvre la construction de la première grande marina de l’île. La côte Est de Phuket est moins encline au tourisme. Les plages sont rares et les eaux de la baie sont moins claires. Par contre, elle est protégée des grosses mers de la mousson. C’est sur un ancien site de mine d’étain que grandira la Boat Lagon Marina. Les infrastructures sont dignes des normes internationales, les bateaux y trouveront le confort tant espéré : eau, électricité, service d’approvisionnement, aire de carénage, shipchandler, carburant. Des sociétés dirigées par des étrangers proposeront les services de réparation high tech que nécessitent ces grands navires. Le chenal d’accès à la marina protège les embarcations des intempéries.

 

Les premiers pensionnaires sont accueillis dès 1994. Le port, peu profond, offre ses 180 places aux navires à faible tirant d’eau. L’accès simplifié aux sites touristiques comme Phang nga et Koh Phi Phi attire les compagnies qui proposent la location de hors-bord et des croisières journalières. Il est plus commode aussi pour les hôtels du sud d’accompagner leur clientèle sur ce site. Un projet immobilier important se greffera autour du port. Le standing y est élevé et les prestations dignes du riche milieu du nautisme : piscines, tennis, hôtel, commerces, accès sécurisé et protégé. Un village dans une ville. Un véritable « Wonderland » nautique.

 

Concurrence de Langkawi

 

En 1996, sur l’ancien site de mouillage du Phuket Yacht service créé par Vincent Tabuteau, Bill O’Larry, Andy Dowden et Jan Jacob, se bâtit la plus profonde marina de l’île : Yacht Haven. Toujours sur la côte est et parfaitement protégée. Contrairement au Boat Lagoon, tous les bateaux pourront entrer et sortir du port sans se préoccuper des marées. Sun Sail et Elite Marine organisent leur armada dans le nord, et les initiatives personnelles prolifèrent. L’existence de ces deux marinas permet le développement de sociétés de gestion de charters, locations et croisières. Les structures s’internationalisent.

 

En 1997, l’activité nautique pâtira du gros crash financier et de la crise en Asie. C’est cette année-là que l’administration thaïlandaise choisit de frapper un grand coup. Elle réclame 50% de taxes sur tous les bateaux importés. Certains se trouvent enchaînés aux pontons et plus de trois cents bateaux quittent Phuket dans la nuit pour échapper à la douane. Ils se réfugient en Malaisie, à Langkawi. Les Malais profitent de cette affluence pour créer les marinas de Langkawi et développent la zone franche. Une législation généreuse sur la navigation, les visas et la propriété nautique est mise en place : Langkawi prend une large part du marché du nautisme.

 

Mais sur la perle d’andaman, les hôtels n’ont cessé de pousser et la demande d’activités nautiques d’augmenter. La législation est trop contraignante et pénalise fortement l’essor économique du secteur. A elle seule, la King’s Cup génère plus de 300 millions de bahts. De nombreux projets sont en suspend. Depuis quelques années, une association informelle, la Marine Alliance of Thailand, regroupe quelques acteurs de l’industrie nautique. Il devient nécessaire d’agrandir le cercle de façon à pouvoir dialoguer avec le pouvoir. Les industriels thaïlandais rejoignent le groupe ainsi que des tours opérateurs et des éditeurs spécialisés dans le nautisme. En 2006, tous se regroupent dans une association plus puissante, la Thai Marine Business Association (TMBA). Des négociations ont lieu pour clarifier la législation sur les bateaux. La taxe de 50% est finalement abolie et le gouvernement fixe les nouvelles règles sur l’exploitation commerciale des navires, sur les visas, les charges des propriétaires, les rôles et diplômes des capitaines et commandants.

 

Les bateaux étrangers doivent régulièrement sortir des eaux territoriales thaïlandaises et une fois encore, la proximité de Langkawi devient un avantage aux yeux des navigateurs en escale à Phuket.

 

Phuket grandit très vite. On se rend compte que dans ce pays des deux saisons, l’île protège des vents d’ouest le plan d’eau de Phang Nga lors de la mousson et le continent des vents d’est lors de la saison sèche. Pour les charters plus longs, les expéditions ne manquent pas, la mer Andaman regorge de trésors, on mouille dans les eaux turquoises à la faune colorée des îles Similan et après une escale aux îles surin, les bateaux vont en Birmanie et jusqu’à port Blair, capitale des îles Andaman et de nicobar, territoires indien. Pendant la mauvaise saison, les flottilles descendent travailler à Bali ou en mer de Chine, à Tioman en Malaisie, certains se retrouvent à Koh samui ou à Koh Chang.

 

Le décollage

 

Depuis 2006, l’activité a explosé. De nouvelles Marinas se sont créées : la royal Phuket Marina, voisin de Boat Lagoon et Ao Po Marina et son prestigieux développement immobilier (starck). Yacht Haven se refait une santé avec un ambitieux projet de condominium, Chalong Bay Marina se met peu à peu en place. D’autres déjà pointent le nez à Krabi. Les chantiers de réparations se multiplient, faisant de l’ombre à l’ancêtre Ratanachai. Les écoles de voiles et les stages de formation aux métiers de la voile se développent. Les yachts de milliardaires se complaisent dans les eaux chaudes de l’Océan indien ; ils naviguent accompagnés de leur « Toy Boat », transportent leurs hélicoptères et leurs véhicules. Les bateaux mythiques comme La Callisto, La Désirade, Myway, Le scame, Darwin Sound ou ex Manureva ne quittent plus la zone. Les régates se multiplient : en février la Phang nga Bay regatta, en juillet, la Phuket race Week. Les marchands aussi font leur show, avec la PiMeX, foire nautique de Phuket.

 

Les Thaïlandais finalement avaient bien raison de se méfier de la Grande Mer : elle abritait tout un monde de fantaisie : les dragons de la finance, les dieux du marketing et les déesses de la communication.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les plus lus