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Pleins feux sur la bataille de Koh Chang

Journaliste : G.D.
La source : Gavroche
Date de publication : 12/12/2012
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Le 17 janvier, la Thaïlande célèbre le 70ème anniversaire de la bataille de Koh Chang, un conflit l’opposant à la France, sortie victorieuse. C’est le moment qu’a choisi Eric Miné pour la parution de son roman consacré à cet épisode historique méconnu, car complètement absent des livres scolaires.

 

Koh Chang La victoire perdue

 

La bataille de Koh Chang ? Inconnue au bataillon. Voilà ce que vous répondra la majorité de votre entourage si vous tentez le sondage. Pourtant, l’impact de ce pan de l’histoire sur le visage actuel de la Thaïlande se voit comme le nez au milieu de la figure.

 

Architecturalement, d’abord, puisqu’il a motivé la construction du Victory Monument, au cœur de Bangkok. Politiquement, ensuite, puisqu’il s’agit de la seule et unique victoire navale, flotte contre flotte, des troupes françaises pendant les deux guerres mondiales. Mais aussi parce que cette bataille n’avait finalement aucune raison d’être. Alors pourquoi a-t-elle eu lieu ? « Pour comprendre, il faut se pencher sur les manœuvres politiques en France même l’année précédente. Il y avait pas mal de querelles de clocher au sein du gouvernement de Vichy à l’époque, Pétain ne s’entendant pas avec son président du conseil, Pierre Laval. Les deux hommes n’étaient pas du tout d’accord sur les directions à donner en termes de diplomatie étrangère, ce qui a contribué à mettre le projet de pacte de paix avec la Thaïlande en échec », explique Eric Mimé.

 

Au début de la guerre, le Japon supporte mal la présence française en Indochine. Il souhaite profiter de la défaite française de 1940 pour parvenir à réaliser ses objectifs expansionnistes. Pour cela, le Japon souhaite utiliser son voisin siamois. La Thaïlande, elle, négociait alors depuis plusieurs mois avec la France un éventuel pacte de non-agression pour faire barrage aux puissants Japonais. Mais, brutalement, le pays retourne sa veste en déclarant que la signature d’un tel traité n’a aucune raison d’être. Pourquoi ? C’est que le Japon lui a proposé sa neutralité sur des territoires au Laos et au Cambodge. Désireux de venger l’affront qui avait été fait au royaume de Siam en 1893 et 1904 lors des traités territoriaux imposés par la France, le gouvernement du Premier ministre Plaek Pibulsonggram accepte donc cet accord. Dès la fin de 1940, le Siam revendique haut et fort sa souveraineté sur tous les territoires situés à l’est du Mékong, avant de mobiliser ses troupes aux frontières du Cambodge. Commence alors une série de provocations et d’occupation de territoires indochinois.

 

La France réagit vivement et un véritable état de guerre s’installe entre les deux pays. Le 16 janvier 1941, la France lance une large contre-offensive terrestre sur les villages de Yang Dang Khum et de Phum Préav, où se déroulent de féroces combats. La contre-attaque française est un échec et s’achève par une retraite. Mais les Thaïlandais ne peuvent poursuivre les forces françaises, leurs chars ayant été cloués sur place par l’artillerie de Vichy. Le gouverneur général de l’Indochine, l’amiral Decoux, ordonne alors d’exécuter une opération contre la Marine thaïlandaise dans les eaux de Koh Chang. La bataille a lieu le lendemain. Deux heures de combat pour un bilan plus que lourd côté thaïlandais : trois torpilleurs coulés, et entre des dizaines et plusieurs centaines de mort, selon les estimations. La flotte française, elle, est intacte. « Mais le pays ne pourra jamais bénéficier de la gloire de cette victoire, puisqu’elle était l’ œuvre de Vichy », explique Eric Miné. Pas question, donc, d’en faire la promotion. Encore moins de l’inscrire au programme scolaire.

 

Le poids de la bataille

 

« Cet épisode a eu de lourdes conséquences sur le développement économique de la Thaïlande », continue l’auteur. Car, quand le pays a opté pour le camp nippon, ça n’a pas du toutplu à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, qui lui ont imposé un embargo sur le pétrole dès avril 1941. Egalement parce que la majeure partie de sa flotte de guerre marine moderne est passée à la trappe. « C’est pourquoi j’ai souhaité inscrire mes personnages au coeur de cette épisode passionnel, tant côté français que siamois », explique l’écrivain.

 

Deux hommes, originaires des deux camps adversaires, évoluent dans ce climat balançant entre rénovation et révolution nationale. Le destin croisé d’un officier de marine français et de son frère d’adoption thaïlandais, quand tous les repères s’inversent à cause des délires hitlériens. On peut y lire l’incompréhension et le choc des cultures. Mais aussi le désir de modernisation siamoise à outrance, et ce fascisme ambiant qui donne des ailes. On y retrouve l’ambiance coloniale indochinoise, ce territoire où la France n’est pas chez elle mais fait comme si, déployant un faste comme jamais elle n’aurait osé. On s’y balade dans les rues du Bangkok des années 40, avec ses citadins branchés. On jauge leur mode vestimentaire, leur nonchalance aussi. Bref, un condensé d’atmosphères dont le récit, sous la plume d’Eric Miné, en dit bien plus long sur cette époque charnière ambiguë que n’importe quel rapport guerrier ou scolaire. « Je trouve qu’avec un roman historique, le message passe plus facilement qu’avec un essai », dit l’auteur. Vrai, puisqu’on y perçoit tout l’excès de l’époque, avec sa déraison, ses rêves de grandeur et sa fantaisie. Avec ce roman, pas besoin de porte spatio-temporelle pour un retour au passé.

 

A vos livres, et bon voyage !

 

Koh Chang la victoire perdue, d’Eric Miné, Soukha Editions, Paris (soukha-editions.fr)
En vente chez Carnets d’Asie (Bangkok et Phnom Penh), Alliance française de Phuket, Duang Kamol Book Store (Pattaya), Monument Books (Vientiane, Luang Prabang, Paksé)

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