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THAÏLANDE – BANGKOK : Yves Joaillier, créateur de bijoux sur mesure

Journaliste : Martine Helen
La source : Gavroche Magazine
Date de publication : 18/07/2021
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Artisan joaillier depuis 1980, Yves Bernardeau réalise dans ses ateliers de Bangkok des bijoux uniques, faits main et montés avec des pierres de couleurs pour des créateurs et des particuliers.

 

La Thaïlande est réputée pour l’habileté de ses artisans, en particulier dans le secteur de la joaillerie. Dans tout le pays fourmillent de petits ateliers où sont réalisés des bijoux faits entièrement à la main, avec un savoir-faire époustouflant. Yves Bernardeau est devenu joaillier par goût et un peu par hasard quand, en 1978, il décide de s’inscrire aux cours de gemmologie du laboratoire AIGS (Asian Institute of Gemological Sciences) qui vient d’ouvrir à Bangkok. Très vite, il se spécialise dans la vente de pierres de couleurs – dans ces années, les joailliers du monde entier venaient s’approvisionner dans la capitale thaïlandaise – puis, sur la demande insistante de marchands et de clientes expatriées, il se lance dans la création de bijoux.

 

En 1980, le joaillier français s’installe au Silom Village, puis en 1988 à Charn Issara Tower, sur Rama IV, alors la première tour et le premier centre commercial de Bangkok où il a toujours son atelier.

 

Former ses ouvriers à ses goûts n’a pas été chose aisée. Mais ces derniers sont les mêmes aujourd’hui qu’à ses débuts, et même si son rôle est toujours de surveiller l’exécution de tous les détails, il n’a plus le souci d’entendre : « On l’a fait comme ça parce que c’est plus joli ! ». L’orfèvre dit aimer toutes sortes de bijoux, mais préfère concevoir ceux qui mettent en valeur les pierres. « Ma première démarche est de choisir une pierre, explique-t-il. Bangkok est un grand centre de taille depuis les années 80. Saphirs et rubis au début, toutes sortes de pierres en provenance du monde entier de nos jours. Le choix est extraordinaire et les Thaïlandais sont très habiles. »

 

Un marchand de pierres fait son apparition. Il dispose sur le bureau deux plateaux, l’un d’améthystes du Mozambique, l’autre de tourmalines de Madagascar. C’est le courtier habituel d’Yves Bernardeau. Celui-ci achète directement les pierres brutes et les fait tailler. Avec lui, les pierres ne sont pas calibrées, ovales, rondes ou en goutte comme c’est le cas en général, mais seulement polies pour la plupart, ou taillées de façon asymétrique. « Ce qui m’intéresse, dit-il en jouant avec les tourmalines qui prennent toutes les couleurs, c’est de mettre en valeur la beauté de la pierre. Il m’arrive d’avoir un coup de foudre – je vois la pierre et j’ai tout de suite l’idée du bijou –, mais j’essaie de ne pas le montrer ! Les pierres s’achètent par lots. On négocie de façon cordiale pour un prix moyen », explique-t-il tout en griffonnant un croquis de bague au vu d’une pierre rebondie.

 

Un bijou prend forme
L’affaire rapidement négociée, direction l’atelier, une petite pièce où pas un espace n’est laissé libre. Huit ouvriers sont concentrés sur leur établi, un tiroir ouvert devant eux pour récupérer les pertes de poussière d’or. Chez Yves, on ne travaille que l’or jaune 18 carats – la norme française imposée par Napoléon – composé de 75% d’or fin et d’un alliage de cuivre et argent. Yves Bernardeau n’achète pas l’or à 24 carats des marchands de Yaowarat, « parce que l’on n’est pas sûr de la teneur et en Europe, tout est vérifié, même la soudure ».

 

L’or, acheté en lingot, est d’abord passé dans un laminoir pour en faire des feuilles assez grossières qui sont chauffées dans un creuset réfractaire pour être fondues puis mélangées avec l’alliage déjà calibré, le borax servant de fluidifiant. L’or est ensuite refroidi et étendu en fines feuilles ou en fils à l’aide du laminoir ou du filoir, prêt à être travaillé. Selon les commandes, le modèle peut d’abord être conçu en cire, avec des petits conduits à chaque extrémité, puis noyé dans le plâtre pour créer le moule. Chauffé à haute température, celui-ci permettra à la cire de s’évacuer par les conduits et l’or en fusion prendra sa place.

 

Pour le travail en série, le procédé est le même, mais les nombreux modèles seront ramifiés sur « un arbre » et le métal coulera du tronc aux branches vers les multiples exemplaires. Dans son atelier, Yves continue à réaliser des moulages avec des os de seiche, comme autrefois. Parfois, pour des bijoux très élaborés, un de ses ouvriers spécialisés va réaliser le bijou en cire pour le présenter au client. Il sera ensuite fondu en or.

 

Aujourd’hui, le travail consiste à monter des bagues, des pendentifs et des boucles d’oreilles qui ne nécessitent pas de moule. L’artisan joaillier prépare une bague, recourbe la fine feuille d’or et forme l’anneau d’un geste sûr, la soudure devant être invisible.

 

Sertissage et polissage
A côté, un autre ouvrier prépare le sertissage pour des boucles d’oreilles et des pendentifs avec des zircons bleus. Le sertissage se fait sur une cire qui durcit, le bijou bloqué dans celle-ci permet ainsi à l’ouvrier de travailler plus commodément. Avec beaucoup d’habileté, il recourbe l’or sur la pierre de façon symétrique à l’aide d’un petit marteau, suffisamment pour retenir la pierre, mais le métal ne doit pas être trop creusé, ce qui exige concentration, souplesse et fermeté.

 

Vient l’étape du polissage : très importante, d’abord avant le sertissage puis, au stade suivant, à l’aide de meules en coton imbibées de cire pour donner le brillant final. Beaucoup de doigté et de régularité dans la pression sont encore nécessaires. Toutes ces opérations entraînent des pertes assez importantes de poussière d’or (d’où l’usage des tiroirs de récupération). Yves considère avoir 10% de perte d’or en travaillant manuellement. Une partie est récupérée et envoyée à un raffineur qui en extrait l’or pur, le reste revient aux ouvriers qui arrondissent ainsi leur salaire. « Avec le prix de l’or qui a flambé, les bijoux sont désormais très chers et on en vend moins », regrette Yves qui n’a pas changé le style de ses bijoux alors que la tendance est plutôt au bijou bon marché fabriqué avec de l’or extrêmement laminé, ou au très haut de gamme. Mais ses ventes à l’export (principalement les États-Unis) n’ont pas fléchi, et grâce à cette clientèle, le joaillier français, tout en ayant des activités au Cambodge, ne songe pas à arrêter ce métier passionnant d’artisan de luxe, où les créations prennent forme dans les mains d’ouvriers talentueux pour révéler toute leur splendeur dans la vitrine d’un bijoutier et commencer une histoire d’amour avec leur propriétaire.

 

Charn Issara Tower I, 3e étage
Rama IV (BTS Sala Deang, MRT Lumpini)
Ouvert de 11h à 17h30, tous les jours sauf le dimanche

 

(+66)2 233 32 92 / joyaubkk@gmail.com

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