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THAILANDE: Chart Korbjitti, le romancier expérimental

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 23/07/2019
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L’excellente revue littéraire Jentayu nous propos ici un article de Marcel Barang, traducteur de littérature thaïlandaise basé de longue date à Bangkok. Dans ce portrait-rencontre avec le romancier Chart Korbjitti, Marcel Barang nous raconte une Thaïlande méconnue où les artistes sont souvent en première ligne des bouleversements sociaux et culturels. Si l’on excepte une poignée de romanciers et romancières populaires, Chart Korbjitti est pratiquement le seul écrivain thaïlandais à pouvoir vivre des ventes de ses romans et recueils de nouvelles ; ses ouvrages s’écoulent par dizaines de milliers d’exemplaires et sont régulièrement réédités. Il est aussi l’un des rares romanciers thaïlandais reconnus à pratiquer l’écriture expérimentale.

 

Cet article est une reproduction partielle de la contribution de Marcel Barang à la revue littéraire Jentayu. Vous pouvez retrouver cet article ici en long format.

 

Le roman de Chart Korbjitti «Sonne l’heure» (เวลา, Weila), inspiré du Nouveau Roman, a été ignoré par la plupart des critiques littéraires du royaume avant qu’il ne reçoive le Goncourt local, le SEA Write Award, en 1994.

 

Mais il est révélateur de l’audience large de Chart Korbjitti qu’une deuxième édition du roman ait été imprimée seulement six mois après un premier tirage exceptionnellement élevé de 6000 exemplaires fin 1993.

 

La photo de Chart Korbjitti, apposée en couleurs psychédéliques sur la couverture de la plupart de ses livres, est devenue sa signature : une touffe de cheveux qui, avec le temps, a évolué d’une crinière hippie vers une broussaille plus rustique, à laquelle se sont ajoutés une maigre barbichette, des yeux ridés cerclés de petites lunettes rondes, et des pommettes saillantes et charnues.

 

Un tel visage devrait s’accompagner d’un corps robuste, ou du moins le supposerait-on jusqu’à ce qu’on se rende compte à quel point Chart est mince et élancé dans ses perpétuels jean et T-shirt.

 

D’un abord facile, toujours partant pour tailler le bout de gras autour de quelques bières ou autre chose de plus fort, il se révèle aussi remarquablement réticent à l’idée d’évoquer sa vie personnelle.

 

Rares sont les notices biographiques mentionnant qu’il s’est marié à 23 ans – son épouse, Soui, a quitté un poste d’employé au Musée national pour partager les tâches ménagères. Par choix, ils n’ont pas eu d’enfants.

 

Une lignée rare

 

Chart semble clairement appartenir à cette lignée rare de Thaïlandais qui, non seulement savent ce qu’ils veulent, mais sont aussi préparés à faire des sacrifices pour y parvenir.

 

Il a à peine vingt ans quand il décide que la littérature sera sa vie ; cinq ans plus tard, il repousse une offre d’entrée en affaires pour miser sur une carrière d’écrivain.

 

Il est né en 1954 à Samut Sakhon, alors une communauté rurale devenue une ville industrielle quelconque, satellite de Bangkok, pas très loin de la mer.

 

L’épicerie de ses parents se trouve alors près du canal de Howling Dog (คลองสุนัขหอน, klong sounak hon), ce qui peut expliquer son histoire d’amour littéraire avec les chiens (qui sont aux Thaïs ce que les cochons sont aux Européens) : deux de ses romans portent le nom de chiens et sa maison d’édition est baptisée Howling Books (สำนักพิมพ์หอน, Samnakpim Hon).

 

Ses parents louent la saline qu’ils possèdent dans le voisinage, et, tandis que sa mère gère l’épicerie, son père transporte du sel par barge jusqu’à Bangkok, une expédition de sept à dix jours. Sa grand-mère maternelle habite une « grande et vieille » maison à Maha-chai, au sud-ouest de Bangkok, et dispose d’un stand au marché central, et le jeune Chart fait ainsi la navette entre chez lui et la maison de sa grand-mère avec toute une liste de produits à ramener pour l’épicerie.

 

Dans un temple de Makkasan

 

Le deuxième d’une fratrie de neuf enfants, il est l’aîné des trois garçons. Il entre dans sa septième année d’enseignement primaire à l’école du temple de Ban Bor lorsque ses parents vendent l’épicerie et achètent une barge pour transporter du sel le long de la Chao Praya, remontant aussi loin qu’Ayutthaya.

 

Chart et ses frères et sœurs partent vivre avec leur grand-mère à Maha-chai. Chart devient alors moinillon à la pagode de Rarchaprarrop Road, dans le quartier Makkasan de Bangkok, tout en étudiant à l’école voisine de Pathumkhongkhla.

 

Son enfance à Samut Sakhon et l’enseignement religieux à Bangkok lui fourniront toute la matière nécessaire à l’écriture de La Chute de Fak (คำพิพากษา, Kampipâksâ), son premier chef-d’œuvre. Après quatre années passées au monastère de Taphan, il emménage dans une maison avec cinq de ses amis.

 

C’est alors qu’il s’enrôle à l’école professionnelle de Poh Chang, toujours à Bangkok, où il suit une formation de cinq ans aux beaux-arts et à l’imprimerie.

 

Tout au long de ses études, il gagne sa croûte en multipliant les petits boulots – livreur de journaux, marchand ambulant, portier, artiste de rue et scribe, avant de s’installer à son compte en tant que créateur de sacs en cuir et de meubles.

 

« J’ai toujours eu envie d’écrire. Après Poh Chang, à l’âge de 19-20 ans, je me suis dit que la rédaction publicitaire n’était pas pour moi. Ça ne me plaisait pas. J’ai dû trouver un job ; alors je me suis mis à la création de sacs en cuir. Ça m’a laissé le temps d’écrire. »

 

Marcel Barang

 

Retrouvez ici la revue Jentayu.

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