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THAÏLANDE – CULTURE : D’où viens-tu, « farang » ?

Journaliste : Rédaction
La source : Gavroche
Date de publication : 24/06/2023
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L’origine du mot farang en thaï est sujette à caution. Plusieurs sources parlent de la transcription du mot « français » datant de l’époque des ambassadeurs envoyés par Louis XIV au royaume de Siam, qui phonétiquement aurait donné « farangset » et qui plus tard aurait été tronqué en « farang » pour désigner tous les Occidentaux, de la même manière que l’on dit les « gringos » en Amérique latine pour parler de tous les blancs, qu’ils soient nord-américains ou pas.

 

Mais revenons sous nos latitudes : les thaïlandais ont du mal à prononcer deux consonnes accolées, comme FR, et ils les séparent donc par la voyelle A, d’où la syllabe « FAR ». En outre, il n’y a pas, en langue thaïe, notre équivalent de la voyelle « A » nasalisée, c’est-à-dire « AN ». Ils sont obligés de transcrire par « ANG » en rajoutant la consonne « NG », appelée « Ngau-Ngou », dont la prononciation, soit dit en passant, se trouve hors de portée de la plupart des farangs… C’est ainsi que « fran » (de « français ») serait devenu « farang »…

 

On ne peut non plus ignorer la possibilité de l’assimilation du vocable arabo-persan « firangui », qui pourrait venir de « franc » (à l’origine terme générique pour les peuplades germaniques) et désignant celui qui vient de l’Ouest (comme les croisés puis les colons européens).

 

Or justement, les marchands arabes et/ou indo-musulmans ont beaucoup fréquenté les côtes du Siam pendant des siècles.

 

D’ailleurs, en thaï, le mot « farang » désigne aussi la goyave, fruit que l’on trouve en Inde et en Amérique tropicale, et le légume « mann-farang » n’est autre que notre « pomme de terre », deux produits manifestement venus de l’extérieur, c’est-à-dire amenés par des « farangs ».

 

Et vu la tendance très asiatique à prononcer les « R » comme des « L », c’est « Falang » que vous entendez le plus souvent, car si nous parlons beaucoup des Thaïlandais entre nous, ils parlent aussi beaucoup de nous entre eux !

 

(article paru dans Gavroche en 2009)

2 Commentaires

  1. J’ai lu votre article concernant l’origine du mot “Farang” qui sans être faux me semble bien incomplet. J’avais déjà écrit un article sur ce sujet dans Pattaya journal, il y a deux ans et surtout je traite ce sujet dans mon livre L’histoire du Siam et de la Thaïlande qui sortira très prochainement aux éditions Sukha. Je vous offre l’aperçu de cette page :

    DE L’ORIGINE DU MOT FARANG…
    MÉFIONS-NOUS DES FAUSSES APPARENCES !
    “farang” et “farangset”
    Quiconque arrive en Thaïlande apprend très vite que farang (Thai : ฝรั่ง) est un terme utilisé pour désigner les Occidentaux. Quand, en outre le visiteur est Français, il découvre que sa nationalité, se prononce farangset (Thai : ฝรั่งเศส) d’où sa tendance à y voir une parenté ! De là à imaginer que la relation étroite entre le Siam et la France de Louis XIV au XVIIe siècle y est pour quelque chose …
    Un mot bien plus ancien
    Ce mot apparaît dès le Xe siècle en Perse et en pays arabes : “Farangui” ou “Firangui”, mot persan qui est une altération du mot Franc (les Francs sont ces peuples germaniques venus du nord de l’Europe), et toujours en persan, le mot Firangistân qui signifie l’Europe. En Iran, l’expression est employée depuis le Moyen Âge. Mowlavi, grand poète mystique persan du XIIIème siècle en tant que maître des soufis ascétiques, est très dur avec les Francs (afrang / farang) qu’il compare aux porcs qui ont souillé Jérusalem. Son contemporain Sa’di célèbre poète iranien, a utilisé le terme farang à deux reprises dans ses œuvres, une fois dans le Boustân (Jardin des fruits) où il relate l’histoire de sa détention par les croisés, une fois dans le Golestân (Jardin des roses). Il est reconnu pour sa maîtrise de l’écriture et la profondeur de ses idées. Ainsi, Farang désignait au Moyen-Âge les pays où vivaient les chrétiens. Comme on le constate, le mot farang et ses équivalents sont très présents dans les textes persans du Xe au XIVe siècle où il fut couramment utilisé et cela jusque vers le milieu du XXème siècle, et encore de nos jours . On retrouve ce vocable sur les côtes ouest de l’Inde : c’est le nom par lequel les Portugais, qui établirent les premiers comptoirs occidentaux au XVIème siècle, étaient connus des natifs. Aujourd’hui encore on l’utilise pour désigner tout Européen.
    Le mot farangi utilisé en Urdu (langue du Pakistan) et en Hindi (langue de l’Inde du nord) फिरंगी phirangee ainsi qu’en Tamoul et d’autres langues de l’Inde du sud, est ainsi un mot dérivé du persan Farang, qui, rappelons-le signifie Franc. On retrouve l’équivalent du terme farangi en Arabe فرنجي (Franji ) sous la prononciation /Ifrandj/, variantes : /Faranj, Afranj, Firanja, Ifranja, فرنجة dont la traduction est évidemment « Franc » et qui désignait dans le lexique arabe pratiquement tous les habitants de l’empire de Charlemagne et de ses successeurs, autrement dit, la plupart des Européens appartenant à la communauté latino-chrétienne.
    Ainsi trouve-t-on en persan dans les chroniques et les lettres officielles du XVIe siècle, Portukal-e farang (Portugal) ou encore dans une chronique datant de 1785, Farang-e Englis (Angleterre). Parfois lorsqu’un auteur ancien évoque les Francs, il est fort possible qu’il ne s’agisse pas d’Européens à proprement parler : ce seraient des chrétiens de la Géorgie ou de l’Arménie, éventuellement associés avec des mercenaires Francs. Ainsi pourrait-on avancer que le Farang, même au XVIIème siècle est souvent l’équivalent du chrétien en général sans aucune distinction entre les différentes branches de la chrétienté.
    En Thaïlande …
    Le mot Farang est, nous l’avons vu au début de cet article, largement employé en Thaïlande. Rappelons donc qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Siamois comme les Indiens, les Malais et même les Cambodgiens utilisaient fréquemment ce terme pour identifier les étrangers de l’ouest. Cela s’explique notamment par les relations étroites qu’avaient ces peuples, avec les commerçants musulmans de la Perse et de l’Asie occidentale. Le mot Farang a donc été importé par cette voie et s’est naturalisé dans une forme rappelant celle qui a été adoptée par l’Inde. Aujourd’hui, ce mot de Farang ne concerne plus aussi étroitement les Européens blancs mais sert à identifier tous les occidentaux ou apparentés, ce qui inclut les Russes, les Brésiliens, les Néo-zélandais, etc… Notons tout de même que les Indiens et les Chinois sont exclus de cette appellation. En Thaïlande on leur réserve le terme plus noble de แขก kheak, invité, hôte ou visiteur.

    Juste retour des choses
    Pour en revenir à notre parti pris initial qui jouait sur la proximité de farang et de farangset, il est évident que ce n’est pas cette parenté qui s’impose. Toutefois la lignée entre Francs et Français ne nous laisse pas indifférents. Oui, c’est vrai les Francs sont ces peuples germaniques venus du nord de l’Europe, mais n’ont-ils pas pris le pouvoir sur une grande partie de la Gaule et ne se sont-ils pas imposés comme le peuple dominant du territoire conquis ? Par ailleurs, au même titre que l’aristocratie guerrière thaïe s’est au XIIIe siècle distinguée des populations conquises dans la plaine du Ménam Chao Phraya, au point de rejeter l’identité Sayam au profit du terme ethnique Thaï qui en Siamois a pris le sens d’hommes libres, les guerriers Francs, de leur côté se considéraient eux aussi comme des hommes libres. L’historien Marc Bloch fait fort justement cette remarque à propos des mots « Francs » et « libre » : « Notre langue devait, des siècles durant, employer les deux mots à peu près indifféremment l’un pour l’autre ; ainsi se perpétuait le souvenir du temps, où être privé de la liberté c’était, par essence, demeurer en dehors de cette grande unité politique qu’on appelait le populus Francorum. »

    Voilà une réflexion intéressante sur l’évolution de ces deux identités, la Thaï et la Franque, qui chacune de son côté revendique la liberté d’un peuple ! C’est aussi un moyen de revenir à notre propos initial … au sujet de la proximité évidente de farang et farangset ! La boucle n’est-elle pas bouclée ?

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